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Placements : Investir en Bourse, oui, mais…

Placements : Investir en Bourse, oui, mais…

A nouveau, nous allons aborder la question de la consolidation, sinon de la sauvegarde tout court de l’épargne des particuliers, face à une inflation qui semble de plus en plus s’inscrire dans la durée. Puisque face à la flambée des cours des matières premières que nous avons abordée précédemment, bon nombre de secteurs vont pâtir d’une perte de compétitivité face à une demande qui décroche jour après jour à cause de l’inflation. Certains secteurs, à l’instar de l’immobilier, vont bientôt entamer un cycle baissier si ce n’est déjà le cas, avec une quasi-suspension de plusieurs projets immobiliers et un resserrement du crédit, qui ne va certainement pas arranger les choses.

Car en raison du maintien du taux directeur à 1,5% par Bank-Al-Maghrib, la seule alternative pour les banques face aux taux négatifs et aux risques que constituent les créances en souffrance, est d’afficher une plus grande vigilance dans son activité de crédit, et de privilégier des placements à taux relativement élevés et sûrs comme les bons du Trésor à 30 ans, dont les taux dépassent les 3,2%. Cependant, la temporalité autant que les moyens des particuliers n’étant pas ceux des grandes entreprises et institutions financières, des placements plus accessibles et moins onéreux doivent être envisagés. Nous en avons déjà abordé quelques-uns; aujourd’hui ce sera brièvement autour de la Bourse, et plus particulièrement du marché des actions dont il sera question. La culture financière au Maroc étant ce qu’elle est, la plupart des Marocains ont une vision très distante, voire méfiante et parfois déformée des marchés financiers. Méfiante, à juste titre j’ai envie de dire, vu le rôle majeur de ces derniers à l’international dans la plupart des grandes crises économiques mondiales.

Mais il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain, de même qu’il ne s’agit pas ici de Wall Street ou de la City de Londres, mais de la Bourse de Casablanca. Mais tâchons dans un premier temps de démystifier un peu les choses. Un marché financier efficient n’est aucunement un lieu occulte où l’on pratique la numérologie cabalistique, ni une fabrique de traders roulant sur l’or. C’est avant tout un lieu dématérialisé où se rencontrent une épargne et des entreprises avec des besoins de financement. De ce point de vue, il s’agit pour les entreprises d’un canal de financement alternatif au système bancaire, tandis que pour les épargnants, il représente une possibilité de placement potentiellement rentable, qui contribue au financement de l’économie. Ce n’est donc pas par hasard si le nouveau modèle de développement accorde une place centrale à ce canal dans le financement de notre développement. Cependant, ce type de système de financement exige un certain nombre de prérequis. Premièrement, une culture financière assez poussée et répandue dans le monde des entreprises.

Deuxièmement, une transparence des marchés. Enfin, un secteur privé dynamique et innovant. De ces trois prérequis, nous en avons pour l’instant un, celui de la transparence, puisque l’AMMC veille au grain. Quant à la culture financière et à l’innovation, le constat est que le secteur privé au Maroc est encore marqué soit par un schéma de structuration familiale par nature méfiant vis-à-vis d’une ouverture du capital à des étrangers et avec une certaine aversion pour le risque, soit par une logique souvent obscure de rente économique dans le cas de certaines grandes entreprises, qui voient d’un mauvais œil le fait de devoir rendre des comptes à des actionnaires exigeants et en toute transparence.

Résultat des courses, les marchés financiers sont caractérisés par un faible niveau de capitalisation au vu du potentiel de l’économie marocaine, de faibles volumes d’échange et une faible liquidité. Le quasi-monopole du système bancaire a encore de beaux jours devant lui. Mais loin d’être fataliste, la Bourse de Casablanca a lancé récemment plusieurs initiatives en vue de désenclaver une partie de l’épargne privée, et d’inciter les entreprises à intégrer la Bourse en les initiant aux différents avantages qu’elles pourront en retirer. A cet effet, la création d’un marché alternatif dédié et adapté aux besoins des PME désirant franchir un nouveau palier dans leur dynamique de développement a vu le jour. Initié par la Bourse de Casablanca, l’AMMC, Maroclear et l’APSB, ce marché offre aux PME des avantages incontestables, dont les plus significatifs sont la réduction de moitié du coût d’accès sur les commissions appliquées pour la réalisation d’opérations sur le marché et une formation et un accompagnement au profit des émetteurs.

Lancé en novembre 2021, ce programme connaîtra un début de concrétisation le 20 juillet courant, avec l’introduction en Bourse de «Disty Technologie S.A». Spécialisée dans l’importation et la distribution de matériel informatique, cette entreprise représente à bien des égards une opportunité et un placement défensif pour les petits et moyens épargnants. Créée il y a 10 ans, le potentiel de croissance autant que le rendement de cette entreprise contrastent fortement avec l’état de santé des principaux indices boursiers qui connaissent un trend fortement baissier depuis le mois de février dernier. Citons à titre d’exemple le MASI, qui est passé d’une valeur de 14.013 points le 8 février à 11.518 le 6 juillet de cette année. Une «valeur défensive» est une action dont les performances ne sont pas ou très faiblement liées aux cycles boursiers. Elles reproduisent les fluctuations du marché, mais avec une amplitude moins importante. Elles sont qualifiées de «défensives» car moins exposées au risque de marché. Parmi les grands secteurs dont les valeurs sont qualifiées de défensives figurent l’énergie, la santé, l’agroalimentaire, les télécommunications et de plus en plus les technologies de l’information (IT). Car il s’agit de besoins dit primaires dans le cas des deux premiers, et à fort potentiel de croissance pour les deux derniers, notamment dans des pays émergents comme le Maroc où la digitalisation des services n’est encore qu’à ses débuts. Mais des risques exogènes (géopolitiques, géoéconomiques...) existent même dans ce cas de figure : en témoignent les pénuries actuelles de semi-conducteurs, éléments incontournables dans le secteur de l’électronique, de l’automobile et de l’informatique.

Cette pénurie étant de plus en plus structurelle en raison d’une raréfaction des compétences en microélectronique, son impact sur les marges des entreprises du secteur de l’IT autant que sur les coûts de production aura certainement une incidence à long terme sur l’évolution du chiffre d'affaires. Cependant, d’autres facteurs structurels jouent en faveur du secteur, notamment pour les PME à fort potentiel comme «Disty Technologie». Premièrement, la dynamique de digitalisation qui a connu une accélération depuis le début de la pandémie COVID19. L’Etat autant que le privé comptent y mettre les moyens dans un désir de réduction des coûts et d’amélioration de la compétitivité. Deuxièmement, le télétravail et l’éducation à distance. S’étant fortement développés durant les deux années de la pandémie, ces nouvelles modalités de travail et d’enseignement sont vouées à s’installer dans la durée, voire même à se développer davantage.

Pour le secteur de l’IT, il s’agit-là de deux leviers majeurs de croissance. Troisièmement, la taille de l’entreprise. Puisqu’une PME bien dirigée dispose, contrairement à de grandes structures, d’une plus grande flexibilité et agilité face aux fluctuations et aux changements de conjoncture. Un avantage de taille, dans un environnement économique de plus en plus incertain. Enfin, l’innovation qui, combinée à la flexibilité des grandes PME, peut représenter un réservoir et un potentiel de croissance économique majeur pour ces dernières autant que pour les actuelles et futures start-up. Rappelons que la révolution de l’Internet a été grandement portée par des start-up américaines qui ont su contourner les barrières capitalistiques en misant sur l’innovation, autant sur le plan technique que celui du management et de la communication. Le cadre fiscal et l'environnement technologique, culturel et économique s’y prêtaient tout naturellement aux Etats-Unis.

Pour conclure, l’avenir de la Bourse de Casablanca réside probablement dans sa capacité à aider, convaincre et accompagner les PME à fort potentiel de croissance, de leur statut initial de startup jusqu’à leur introduction en Bourse. Pour les épargnants et petits investisseurs, cela représente de nouvelles opportunités de placement et de diversification de leurs portefeuilles financiers, à travers un investissement défensif et, par conséquent, à moyen et long terme dans les solutions de demain, avec des rendements intéressants et des risques mesurés. Quant au gouvernement, peutêtre est-il temps de libérer le potentiel des PME, à travers la mise en place d’un cadre fiscal et d’un code du travail plus adéquat et encourageant pour nos entrepreneurs les plus audacieux et les plus sérieux. Car entre les démarches administratives et le fardeau fiscal qui pèse sur les PME, une bonne partie de leur énergie se perd en chemin. Cependant, espérons que l’IPO de Disty Technologie n’est que le prélude à plusieurs autres de même envergure et avec le même potentiel. 

 

 

Par Rachid Achachi, chroniqueur, DG d'Arkhé Consulting

 

 

 

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