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«Nous n’attendons pas la concurrence pour innover !»

«Nous n’attendons pas la concurrence pour innover !»

Mikael Naciri

L’année 2015 a été marquée par trois initiatives majeures que sont le contacless (40.000 cartes déjà sur le marché), le mPOS et les services à valeur ajoutée. Sur les 11 millions de cartes de paiement en circulation, seules 2 millions effectuent des opérations de paiement, les autres sont plutôt utilisées pour les retraits. La croissance régulière des paiements de factures ou de recharges confirme l’engouement des Marocains pour le règlement en ligne. Acteur de référence du secteur de la monétique, le Centre monétique interban-caire travaille sur le paiement mobile, pour accompagner l’émergence d’un nouvel écosystème de paiement, qui s’appuierait sur les 40 millions de téléphones en circulation. Les détails avec Mikael Naciri, DG du CMI.

Finances News Hebdo : Quels ont été les faits marquants de l’année 2015 pour le CMI ?

Mikael Naciri : 2015 a été l’année des innovations pour le CMI. Au cours de cette même année, le CMI a lancé 3 initiatives majeures : La première est le paiement sans contact : Une inno-vation de place, qui a permis l’introduction de cette technologie de paiement sans contact (NFC). Le CMI a équipé et continue d’équiper ses commerçants en Terminaux de paiement acceptant les paiements NFC. De leur côté, les banques ont équipé les porteurs de cartes contactless. A ce jour, ce sont environ 40.000 cartes sans contact qui sont sur le marché, et leur nombre augmente chaque jour. Les paiements sans contact se développeront progressivement avec l’accep-tation des petits montants par les supermarchés, les pâtisseries, les snacks et cafés… Les taxis et le tram sont également une cible intéressante qui favorisera ce type de paiement. La deuxième est le mPOS, un dispositif permettant l’en-caissement partout grâce au mariage d’un Smartphone d'un lecteur léger de cartes bancaires. Parfaitement adapté aux livreurs de repas, aux marchands ambu-lants, aux événements ponctuels (foires, expos), la solution CMI mPOS rencontre un succès inattendu. Il est très prisé également par les taxis touristiques que nous avons commencés à équiper sur Casablanca et Marrakech. Très prochainement, nous adresserons cette solution aux autoentrepreneurs. La troisième initiative majeure concerne les services à valeur ajoutée : Depuis plusieurs mois, nous offrons aux commerçants de proximité la possibilité de vendre de la recharge téléphonique directement sur nos TPE (connectés aux opérateurs télécoms). Nous travaillons à l’élargissement du parc de commer-çants qui distribuent la recharge télécom en ciblant principalement les superettes, supermarchés, épiciers, bureaux de tabac, kiosques. Avec cette offre, nous apportons de la valeur ajoutée puisqu’une commission est versée aux commerçants pour chaque recharge vendue. Le TPE n’est plus perçu comme un «coût» pour le commerçant mais plutôt comme un générateur de nouveaux revenus pour lui. En 2016, nous poursuivrons le déploiement de cette fonctionnalité auprès des shops, des stations-service, et de la grande distribution, mais aussi auprès de tout commerçant qui souhaite vendre de la recharge télé-com.

F.N.H. : Les cartes émises par les banques marocaines au 31 décembre 2015 ont atteint un encours de près de 12 millions de cartes, en progression de 8,1% par rapport à la même période de 2014. De quelle manière cette per-formance a-t-elle participé à la progression de l’activité monétique en 2015 ?

M. N. : L’équipement massif des porteurs de cartes n’est pas une garantie qu’ils paieront sur nos TPE ou sur Internet. Sur les 11 millions de cartes de paiement en circulation, seules 2 millions effectuent des opérations de paiement, les autres sont plutôt utilisées pour les retraits, c’est dire la marge de transformation de ces porteurs en «payeurs». Les banques et le CMI travaillent de concert pour faire évoluer le nombre de cartes actives en paiement, à travers différents dispositifs de sensibi-lisation, de communication, d’opérations d’activation, de tombola… Les différentes initiatives réalisées en 2015 ont été payantes et le nombre de cartes actives a progressé 2 fois plus vite qu’en 2014. Nous devons capitaliser sur les incentives qui ont donné des résul-tats remarquables afin de les renouveler et maintenir durablement nos efforts de sensibilisation et de mise en confiance des utilisateurs.

F.N.H. : Dans quelle mesure la monétique a-t-elle contribué à la facilitation de l’accès à certains services ? (Paiement de factures, de recharge, paiement de vignette…)

M. N. : Le paiement de factures, la recharge télépho-nique, le paiement des taxes et plus récemment celui de la vignette nécessitaient le déplacement chez l’opé-rateur, à la régie de distribution ou à la perception avec tous les désagréments que cela engendre pour le client (temps d’attente, coût du transport et du stationnement, détention de cash…). Le paiement en ligne apporte un confort indéniable aux usagers, sans compter qu’il est ouvert 24h/24 et 365j/365. Les chiffres de progression du nombre de paiements de factures ou de recharges sont en croissance régulière, confirmant ainsi l’engouement des Marocains pour le règlement en ligne. Les opérateurs télécoms y trouvent également leur compte, le prix facturé par le CMI pour les recharges est 4 fois moins cher que le prix d’une recharge effectuée chez l’épicier du coin. Pour le porteur, le règlement par carte bancaire n’en-gendre aucun coût, c’est le commerçant qui paie une commission au CMI. Le paiement de la vignette auto-mobile, pour laquelle l’usager règle un frais de service (12 DH TTC pour le paiement par carte bancaire en ligne) reste une des rares exceptions, la DGI n’ayant pas accepté de supporter cette commission.

F.N.H. : Dans ce monde d’algorithme qu’est la monétique, où se situe le CMI que ce soit en matière d’innovation, d’offres, de services … mais également par rapport aux autres acteurs du secteur ?

M. N. : L’offre du CMI s’est largement étoffée depuis 4 ans. Nous offrons à nos clients un service de base d’encaissement par cartes bancaires marocaines et étrangères, et des services additionnels innovants à forte valeur ajoutée.

Par exemple, pour les riads et hôtels, nous offrons le DCC (Dynamic Currency Conversion), la transaction manuelle (réservation ou Booking par exemple), les pré-autorisations, mais aussi aux grandes chaînes des terminaux de paiement fonctionnant en IP et connectés directement à la plate-forme du CMI, offrant une rapidité de transaction inédite, ainsi qu’une intégration avec leur système d’information. Cela facilite grandement le suivi et la réconciliation des opérations.

Pour les commerces de proximité, nous proposons la recharge téléphonique sur TPE et le paiement des factures. Pour ce dernier volet, nous nous appuyons sur la plate-forme leader au Maroc dans le processing des transactions de paiement de factures Fatourati, opérée par notre filiale, Maroc Telecommerce. Cette plate-forme est connectée à tous les opérateurs téléphoniques, aux régies de distribution d’eau et d’électricité, à la TGR, à la DGI, etc.

Dans les prochains mois, nous lancerons de nouveaux services qui s’appuieront sur notre réseau de 40.000 Terminaux de paiement (transfert d’argent carte to cash). Nous travaillons également sur le paiement mobile, pour accompagner l’émergence d’un nouvel écosystème de paiement qui s’appuierait sur les 40 millions de téléphones en circulation.

Concernant d’éventuels concurrents, nous savons qu’ils se préparent depuis longtemps pour entrer sur le mar­ché de l’acquisition, nous ne les attendons pas pour avancer à grands pas sur la voie de l’innovation.

F.N.H. : Comment le secteur se prépare-t-il à la dématérialisation de la monnaie, une tendance mondiale qui ne manquera pas de frapper à nos portes ?

M. N. : Le changement est en marche, la technologie est là, les acteurs (banques, CMI, Banque centrale, ANRT, …) sont engagés dans cette voie… il reste à changer les comportements, les habitudes des consom­mateurs et des commerçants. Et c’est sur ce volet que toutes les parties prenantes doivent se mobiliser avec à leur tête l’Etat et le gouvernement.

Sans une véritable prise de conscience par les Marocains du coût du cash qui mine notre économie, accompagnée d’actions fortes de la part des décideurs (abattements fiscaux, pénalisation du cash à tous les niveaux), la dématérialisation et l’électronisation de la société maro­caine resteront un voeux pieu.

Propos recueillis I. Bouhrara

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