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Marchés financiers internationaux : retour gagnant du Maroc

Marchés financiers internationaux : retour gagnant du Maroc

L’émission internationale du Maroc a suscité un véritable engouement, la demande atteignant près de sept fois le montant proposé. Détails et analyse.

 

Par Y. Seddik

Chose promise, chose due. Le Trésor marocain avait annoncé son intention de retourner sur les marchés internationaux avant la fin du premier trimestre 2025. C’est désormais chose faite, et avec brio. Après une année 2024 sans recours au marché obligataire international, le Royaume signe un retour convaincant en levant 2 milliards d’euros, répartis en deux tranches : 1,1 milliard d’euros sur 10 ans et 900 millions sur 4 ans.

L’opération, menée sous le régime 144A/Regulation S, a été sursouscrite près de 7 fois, avec une demande totale avoisinant les 7 milliards d’euros, preuve du fort engouement des investisseurs institutionnels. Les primes de risque se sont établies à 215 points de base pour la tranche longue et 155 points pour la courte, confirmant la perception favorable du risque souverain marocain. Cette émission s’inscrit dans un environnement international toujours incertain, marqué par des tensions géopolitiques et un cycle monétaire en transition.

Et pourtant, le Maroc parvient à tirer son épingle du jeu, bénéficiant de conditions jugées très favorables. Le succès de cette opération illustre la solidité du profil macroéconomique du pays, son engagement budgétaire ainsi que la qualité de sa gouvernance financière. Ce retour a été précédé d’un roadshow ciblé auprès de la communauté des investisseurs, mené par la ministre de l’Économie et des Finances, Nadia Fettah, accompagnée des équipes de la Direction du Trésor et des finances extérieures (DTFE).

Pour piloter cette émission, Rabat a mandaté un consortium de banques internationales de premier plan : BNP Paribas, Citi, Deutsche Bank et J.P. Morgan. Classé Ba1/BB+ avec perspective stable ou positive par Moody’s et S&P, le Maroc continue de bénéficier d’une prime de crédibilité auprès des grands gestionnaires d’actifs, malgré la volatilité accrue des marchés émergents. Cette sortie tant attendue par les opérateurs locaux devrait également entraîner une détente des taux sur le marché domestique, déjà amorcée après la baisse du taux directeur par Bank Al-Maghrib le 18 mars dernier. Le signal envoyé aux investisseurs est clair : le Trésor conserve une forte capacité à mobiliser des ressources en devises à des conditions avantageuses. Selon plusieurs analystes de la place, la tendance baissière des taux obligataires devrait se poursuivre d’ici la fin de l’année 2025.

Pourquoi le choix de l’Euro ?

Le marché US de la dette est plus établi et plus liquide que celui de l’Europe. Toutefois, depuis 2013, une tendance a été observée : une augmentation significative des emprunts des marchés émergents en Euro au détriment du Dollar. En effet, selon un professionnel du marché des taux, «la politique expansionniste continue de la BCE a incité les économies émergentes à augmenter leurs emprunts en Euro. Cela a été le cas de la Turquie, de la Russie, ou encore de la Pologne. C’est aussi le cas de plusieurs pays d’Amérique latine et d’Asie, qui empruntaient traditionnellement en Dollar».

L’autre raison avancée par l’expert est la flexibilité qu’offre le marché EUR en termes de maturité. «Le marché obligataire US est concentré sur les indices de référence de 10 et 30 ans, alors que dans celui de l’Euro des émissions de 6, 8 ou 12 ans sont courantes et peuvent aider les émetteurs à lisser le remboursement de la dette». Enfin, ajoutet-il, «les taux nominaux libellés en Euro ayant récemment été nettement inférieurs à ceux en Dollar, engendrent mécaniquement des coupons plus faibles à payer par les émetteurs».

Qui détient la dette extérieure marocaine ?

À fin 2023, l’encours de la dette extérieure publique et garantie par l’État s’établit à 69,3 milliards de dollars, selon les chiffres de la Banque mondiale. Sa structure reflète un équilibre progressif entre financements concessionnels et emprunts de marché. Les créanciers multilatéraux forment le socle principal de cette dette, représentant près de la moitié de l’encours total. Parmi eux, la Banque mondiale (BIRD) se distingue comme le principal partenaire, avec 20% du total, suivie par la Banque africaine de développement (10%) et d’autres institutions multilatérales régionales ou spécialisées qui complètent les 19% restants.

Les créanciers bilatéraux, quant à eux, pèsent 15% dans la structure globale, selon la même source. Ce segment est principalement constitué de pays partenaires comme la France et l’Allemagne, qui détiennent chacun 5%, le Japon (2%) et d’autres accords bilatéraux représentant les 3% restants. Enfin, les créanciers privés occupent désormais une place importante dans le financement du Royaume. Ils concentrent 36% de la dette, dont une majorité sous forme d’obligations internationales détenues par des investisseurs institutionnels, représentant 27%, tandis que les banques commerciales et autres institutions privées en détiennent 9%.

 

Rétrospective. Les précédentes sorties internationales
Depuis 2019, le Maroc a multiplié les incursions réussies sur les marchés obligataires internationaux, confirmant à chaque fois l’intérêt soutenu des investisseurs pour sa signature souveraine. En 2023, le Trésor avait levé 2,5 milliards de dollars, dans un contexte de resserrement monétaire mondial. Avant cela, en 2020, le Royaume avait marqué les esprits avec deux émissions consécutives : une en euros, à un taux historiquement bas, et une autre en dollars, record par son volume. Cette dynamique s’était amorcée dès 2019, avec une levée d’un milliard d’euros qui avait déjà suscité une forte demande. Ces opérations ont permis au Maroc de renforcer sa flexibilité budgétaire tout en consolidant sa présence sur la scène financière internationale.

 

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