Un future sur indices en cours de développement.
L'infrastructure technique est déjà en test à la Bourse de Casablanca.
Par A. Hlimi
Avec un peu de chance, le Maroc pourra prétendre à un marché organisé de produits dérivés dès cette année et rattraper son retard sur l’Afrique du Sud et le Kenya, pour ne prendre pour exemple que le continent africain.
En Europe, les volumes traités sur ces marchés atteignent les 700.000 milliards d’euros par an. Un chiffre colossal qui répond à des besoins de couverture, d’investissement et de spéculation. Les produits dérivés sont avant tout des produits financiers. Leur particularité est que leur valeur dépend du prix d'un autre actif financier appelé sous-jacent. Deux grandes familles de produits existent : les produits au gré à gré qui se négocient entre deux parties en «face à face» et les produits cotés sur un marché organisé et qui demandent une infrastructure technique plus importante que dans le gré à gré. Au Maroc, seule la composante gré à gré est développée, comme l’explique Khalid Aabid, directeur des activités de marché, à l’occasion d’une rencontre virtuelle organisée par Perenity Software.
«Les produits dérivés au Maroc sont majoritairement des produits à terme qui servent principalement sur le marché des changes. C'est le risque prédominant et le plus simple à couvrir et à gérer. En plus des options de change, plus techniques et moins répandues», résume le trader. Et si les produits dérivés sont souvent assimilés à la spéculation, il faut savoir que la nature de la demande marocaine et sa faible profondeur font que les dérivés sont principalement utilisés par le Hedging (couverture). Aabid constate que d'autres besoins émergent lentement, notamment pour la couverture des matières premières et des taux. Sur les taux, l'intérêt se met en place, notamment pour les swaps de taux, en parallèle à la réforme de la flexibilité du Dirham.
La Bourse de Casablanca sur le coup
Il est de notoriété publique que la Bourse de Casablanca abritera la prochaine chambre de compensation de ce marché de dérivés. Ahmed Arharbi, directeur des Opérations de marché à la Bourse de Casablanca, a profité de cette rencontre pour faire le point sur le projet. Selon lui, l’intérêt dépasse le simple besoin d’investissement et répond à des problématiques de développement pour les places boursières africaines. Car le développement passe par plus de profondeur, de liquidité, d’IPOs et de diversification des produits pour permettre aux marchés de jouer pleinement leur rôle dans le financement de l’économie. Un besoin qui est remonté en tête de liste avec la nécessité de financer la relance post-Covid sans creuser durablement les déficits publics des Etats.
Le responsable a rappelé qu’à l’exception de rares pays sur le continent, comme l’Afrique du Sud, les marché boursiers sont souvent unidirectionnels, sans contrepartie centrale et ne traitent que sur un ou deux produits (actions et obligations). Pour dynamiser les marchés et attirer plus d’investisseurs étrangers, il faut être capable de permettre à des avis divergents de s’exprimer et de se couvrir. Ahmed Arharbi a révélé à cette occasion que la Bourse de Casablanca va d’abord développer un future sur indice (en se basant sur le MSI20), puis un future sur taux et ensuite des futures sur actions et matières premières.
«Des solutions progressives avec un impact certain, puisqu’elles répondent d’abord aux besoins de couverture, d’arbitrage et placement exprimés par les opérateurs», s’est-il félicité. Le marché à terme et la chambre de compensation, en développement actuellement, doivent répondre à un cahier des charges validé par le ministère des Finances, et qui précise qui sont les membres compensateurs, les membres négociateurs et ceux qui ont les deux rôles. Ce cahier des charges précise également le fonctionnement des différents produits.
Mais au-delà du volet technique, le soutien institutionnel est important. Et c’est le cas, puisque Bank Al-Maghrib et l’Autorité marocaine du marché des capitaux sont engagés dans le projet, notamment à travers un comité regroupant les parties prenantes et chargé de gérer la mise en place de la chambre de compensation.
Aucune date de lancement officiel n’a été avancée. Mais Tariq Senhajji, Directeur général de la Bourse de Casablanca, avait indiqué lors du dernier meeting sur l’information financière que le démarrage aura lieu en 2022. A noter que sur le volet compensation, la Bourse de Casablanca a préféré capitaliser sur son expérience sur le marché cash et développer une solution interne pour le marché à terme, avec un module de risque externe de renommée mondiale. Sur le volet transactionnel, la Bourse dispose déjà de l’infrastructure nécessaire et le marché dérivé est déjà en test en interne. Si les opérateurs sont enthousiastes sur ce futur marché, des contraintes doivent être levées, notamment sur le cadre fiscal des produits, qui demeure inapproprié.