Au niveau mondial, il faut remonter à une date très lointaine pour retrouver un début d'année aussi catastrophique. Au Maroc, le marché actions perdait un peu plus de 1,3% à l'ouverture du 12 janvier. Ce n'est pas encore la panique, loin de là, mais les fondamentaux ne sont pas rassurants.
La première semaine de 2016 restera longtemps gravée dans l'histoire des Bourses mondiales. Les Bourses chinoises ont enregistré une baisse de 10%, alors qu'aux Etats-Unis le Dow Jones a connu sa pire entame annuelle depuis 1929, avec un repli hebdomadaire de 6,2%. On notera également la déconfiture du pétrole qui vient de passer sous les 31 dollars le baril le 12 janvier (un plus bas depuis 12 ans) et, enfin, l'or qui retrouve petit à petit son statut de valeur refuge. Un signal, peut-être, que la situation est dramatique. Le Maroc n'est absolument pas dans ce cas de figure. Certes, le marché actions baisse d'un peu plus de 1% depuis le début de l'année, mais cette volatilité est loin des extrêmes. Hélas, cela ne nous empêche pas d'être pessimistes. En janvier 2014, la rédaction de Finances News vous avait proposé un dossier spécial intitulé, «Bourse : 4 raisons d'être optimiste en 2014». Cette année, nous aurions pu titrer : les mille et une raisons d'être pessimiste en 2016. Mais regardons de plus près les principaux drivers du marché et arrêtons-nous à ce qui influence de manière directe le comportement des investisseurs.
Les résultats ne seront pas au rendez-vous
En huit ans, le marché actions marocain a enregistré 6 baisses. «C'est une première dans l'ère moderne de la Bourse de Casablanca», déclare Farid Mezouar de Flm.ma. Afficher une septième n'est donc pas exclu et nous en aurons une idée précise pendant la période des résultats, lesquels constituent le premier driver pour cette année. «C’est le mois propice à l’ajustement des positions en fonction de la nature du cru des bénéfices et des premières tendances pour les prévisions 2016. A ce niveau, le cru attendu est plutôt mauvais, car au premier semestre 2015 la masse bénéficiaire avait reculé de 31% à 9,9 Mds de DH. Hors Samir, la masse bénéficiaire est de 13,4 Mds de dirhams, en baisse de 5,3%. Ainsi, en dehors du redressement potentiel dans le ciment ou la distribution automobile, la tendance globale devrait être similaire au premier semestre, voire plus mauvaise dans certains secteurs comme les banques», explique notre intervenant pour qui, vous l'aurez compris, il sera très difficile pour les entreprises de remonter la pente en six mois. Mezouar est catégorique : «à quelques exceptions près, souvent la Bourse a évolué dans le sens de variation des bénéfices». Autre point noir pour la Bourse cette année, les prévisions de croissance. «Les choses ne s’annoncent pas sous le meilleur angle à cause de la faible croissance économique attendue de 2,1%, dont seulement 2,7% pour la composante non agricole. Aussi, la contraction de la valeur ajoutée agricole de 4,3% devrait peser sur le secteur agroalimentaire, ainsi que les sociétés de biens de grande consommation», nous explique Mezouar. Rappelons à ce sujet que le Centre marocain de conjoncture a revu, la semaine dernière, ses prévisions de croissance pour l'année à moins de 2%. Difficile dans ces conditions d'avoir des fondamentaux solides susceptibles de pousser le marché actions.
Les étrangers «sont vendeurs» d'actions
Un autre driver pour les actions est celui relatif au comportement des investisseurs étrangers, qui ont plutôt boudé le marché marocain depuis sa sortie de la catégorie des marchés émergents. «Ainsi, sur les 9 premiers mois de 2015, la position nette des institutionnels étrangers en Bourse a été de -197 MDH. En effet, les achats ont baissé de 11% à 2,8 Mds de dirhams, quand les ventes ont progressé de 39% à 3 Mds de dirhams», nous dit-on chez flm.ma. Et d'ajouter qu’«en dehors d’une cotation surprise d'un géant de la place, le retour massif des investisseurs étrangers n’est pas probable».
Solvency II va gêner les placements des institutionnels
Un autre déterminant pour l'année 2016 est l’issue des discussions entre la DAPS et les compagnies d’assurances pour la mise en place graduelle de certains axes de Solvency II, dont celui de l'adaptation des fonds propres aux risques encourus. «Ce sujet est sensible, car le patron de la DAPS, Hassan Boubrik, estime que les compagnies d’assurances sont fortement exposées aux marchés financiers. Ainsi, la partie des réserves investies en actions oscille entre 40% et 45%, contre 20% dans d’autres pays. Or, ce sont les assureurs, avec les Caisses de retraite, qui ont limité les dégâts au niveau de la Bourse, notamment en 2015. A titre d’exemple, au troisième trimestre, les opérations d’achat réalisées par les «instits» ont représenté 46% du volume global, sans parler des 31% des OPCVM, dont une bonne partie appartient indirectement aux assurances et aux Caisses de retraite», souligne Mezouar. Les placements en actions risquent donc de devenir de grands consommateurs de fonds propres, de quoi freiner l'appétit des assurances.
Sécheresse, retraites et politique...
La combinaison de l’impact de la sécheresse potentielle avec la campagne électorale pour les législatives 2016 risque d'apporter de «l'eau au moulin». «Si les élections ont lieu en septembre prochain, la réforme de la CMR risque d’être le dernier dossier consensuel au sein du gouvernement. Ainsi, le climat politique risque d’être tendu, avec une limitation de l’action des ministres à la gestion courante des dossiers. Un tel climat d’attentisme pourrait se propager à la Bourse, surtout dans un contexte de mauvaise année agricole pesant aussi sur le moral des Marocains», explique Mezouar. Ainsi, «les principaux drivers de la Bourse en 2016 sont plutôt dans le rouge, laissant présager une nouvelle année difficile pour le marché actions, malgré le contexte globalement bas des taux», conclut Farid Mezouar.