Pour «pomper» une partie de la surliquidité bancaire, le taux de la réserve monétaire passe de 2% à 5%, avec une rémunération de 0,75% uniquement pour les banques dynamiques en matière de crédit. Pour 2016, BAM revoit en légère hausse sa prévision de croissance à 1,2%. Les préparatifs pour le passage à un régime de change plus flexible vont bon train.
Sans surprise, le taux directeur reste inchangé à 2,25%. Le Conseil de Bank Al-Maghrib (BAM) n’a pas jugé utile d’y toucher une nouvelle fois, estimant qu’il est à un niveau approprié et reste en ligne avec les prévisions d’inflation. En réalité, les baisses successives du taux directeur (4 fois depuis 2014) n’auront eu qu’un impact relativement faible sur la relance du crédit, même si Abdellatif Jouahri, Wali de BAM, note avec satisfaction un léger frémissement à la hausse du crédit aux entreprises de 0,7% durant le premier quadrimestre 2016 (contre une évolution négative en 2015). «Nous avons d’ailleurs revu à la hausse les prévisions du rythme d’accroissement du crédit à 2,7% en 2016 et 4% en 2017, mais cette progression demeure peu dynamique», avoue-t-il.
Jouahri sait pertinemment que le problème du crédit n’est, en fin de compte, pas un problème de coût de l’argent. Ce dernier n’a jamais été aussi faible, en témoigne notamment un taux interbancaire inférieur au taux directeur de la Banque centrale. Les solutions à la redynamisation du crédit sont ailleurs, et le comité tripartite composé de BAM, du patronat et des banques a déjà émis ses propositions au gouvernement dans son fameux mémorandum qui, précise Jouahri, «porte exclusivement sur la problématique du crédit et ne comporte aucune appréciation sur les performances économiques du gouvernement».
Pour autant, le wali ne pouvait pas venir les mains vides. Lui qui a fait de la relance du crédit sa priorité, a sorti de son chapeau la hausse de la réserve monétaire de 2% à 5%. Objectif numéro un : absorber une partie de la surliquidité bancaire qui devient «structurelle» en 2016 et 2017. «Les banques nagent dans une situation de surliquidité et nous n’intervenons plus sur le marché monétaire», fait-il savoir. Objectif numéro deux : inciter les banques à distribuer plus de crédit. Comment ? En rémunérant la réserve monétaire à un taux de 0,75%, mais uniquement pour les banques qui, sur le plan de l’octroi du crédit, seront dynamiques, à savoir celles qui distribueront plus de crédit que la moyenne du marché. Notons que la hausse du taux la réserve monétaire se fera en deux phases. Dans un premier temps, il passera de 2% à 4%, puis dans un deuxième temps, la Banque centrale surveillera le comportement de la liquidité bancaire et son ampleur avant de passer éventuellement à un taux de 5%.
Croissance : 1,2% en 2013, 4% en 2017
L’autre volet sur lequel la Banque centrale était très attendue concerne les prévisions de croissance et l’évolution des principaux agrégats macroéconomiques du Maroc pour les prochains mois. Alors qu’en mars dernier BAM tablait sur une croissance du PIB de 1% pour 2016, l’institution vient de la revoir légèrement à la hausse à 1,2%. «Le non-céréale a fait mieux que prévu», justifie Jouahri. Cela se traduit par une valeur ajoutée (VA) agricole qui ne devrait baisser que de 9% contre une diminution de 13,8% prévue en mars. En revanche, la prévision sur la valeur ajoutée (VA) non agricole reste inchangée à 2,8% pour 2016. Pour 2017, BAM prévoit une croissance du PIB de 4% sous l’hypothèse d’une campagne agricole «normale» et d’une hausse de la VA non agricole de 3,2%.
Sur le plan des finances publiques, le déficit budgétaire devrait s’établir en 2016 à 3,8% du PIB, et à 3,3% en 2017. Quant aux comptes extérieurs, ils bénéficieront en 2016 de dons du CCG d’un montant de 10 milliards de DH et de 8 milliards de DH en 2017. Le solde du compte courant continuerait ainsi son atténuation à -1,2% du PIB en 2016. Les réserves de change pourraient au final atteindre 7 mois et 18 jours d’importations en 2016 et 8 mois et 6 jours en 2017.
LPL : 2 ans de plus et 3,5 Mds de dollars
Le wali de Bank Al-Maghrib confirme la reconduction de la Ligne de précaution et de liquidités. «Le Conseil du FMI a voté en mai à la quasi-unanimité l’éligibilité du Maroc à une nouvelle LPL pour les deux prochaines années. Le ministre des Finances et moi-même sommes sur le point de signer ensemble la lettre au FMI au titre de la LPL», nous apprend Jouahri. Le montant de la prochaine LPL est de 3,5 milliards de dollars. Pour le wali, la LPL a une double utilité : d’une part, elle est regardée par les agences de notations qui voient d’un bon oeil l’éligibilité du Maroc à la LPL, et d’autre part, elle permet aux entreprises publiques qui sollicitent le marché international de bénéficier de conditions de financement intéressantes.
Libéralisation des changes : Une feuille de route en juillet
Interrogé par Finances News Hebdo sur les conclusions de la visite des experts du FMI, en mai dernier, afin de préparer le passage à un régime de change plus flexible, A. Jouahri a livré quelques détails sur les chantiers qui sont actuellement menés. «Nous travaillons avec le FMI à la fois sur le régime de change et sur le ciblage de l’inflation», affirme-t-il, car l’un ne peut se faire sans l’autre. «En septembre, nous serons en mesure de définir à quel niveau et à quel horizon nous allons fixer le ciblage pour arriver à une mise en oeuvre opérationnelle en début d’année prochaine», indique le Wali. Concernant le passage à un régime de change plus flexible, BAM a travaillé sur plusieurs axes avec le FMI. La première étape à mettre en place est la définition des marges de fluctuations, ensuite il y aura un travail de préparation à faire avec tous les opérateurs, privés ou publics, ainsi qu’un travail sur les textes législatifs. «Nous sommes en train de préparer une feuille de route couvrant tous ces aspects pour les 6 prochains mois. Lors du point-presse de décembre prochain, nous aurons des choses plus concrètes à annoncer», fait savoir le gouverneur.
Amine El Kadiri