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Les enjeux du Machine Learning pour les banques

Les enjeux du Machine Learning pour les banques

Entretien avec Issam El Alaoui, Chief Data Officer à Attijariwafa bank


 

La banque est l’un des acteurs les mieux placés pour profiter du Machine Learning, en raison de la diversité très importante des données dont elle dispose sur ses clients.

Au-delà d’une meilleure analyse du client, la donnée bancaire peut aussi servir des enjeux opérationnels, comme la réduction des coûts ou l’optimisation des process.

Des questions réglementaires restent néanmoins à clarifier.

 

Propos recueillis par K.A

 

Finances News Hebdo : Qu’est-ce que concrètement le Machine Learning ?

Issam El Alaoui : Le Machine Learning est la capacité d’un algorithme à séparer la structure de l’aléatoire dans un jeu de données, sans avoir à lui indiquer le chemin qu’il doit prendre ou le type de structure qu’il doit rechercher. Assez souvent, le Machine Learning est utilisé pour comprendre et s’approprier un phénomène cible bien identifié.

Prenons par exemple le non remboursement d’un crédit : ce phénomène peut être lié à de multiples facteurs endogènes à la vie de la personne, ou totalement exogènes et difficiles à anticiper, comme la situation économique d’un pays ou la faillite d’entreprises.

Lorsque nous cherchons à modéliser ce risque-là, il faut rassembler un maximum d’informations comportementales et contextuelles de manière à séparer les éléments qui contribuent au non remboursement (la structure) de ceux qui n’y sont a priori pas liés (l’aléatoire ou plus précisément le bruit statistique).

L’algorithme de Machine Learning intervient dans cette phase. Il va permettre de modéliser, et donc quantifier ce risque basé sur un historique de défauts et un ensemble de variables qui qualifient les clients.

 

F.N.H. : Justement, que peut apporter cette technologie aux banques ? Quels en sont ses cas d’usage ?

I. E. A. : La banque est l’un des acteurs les mieux placés pour profiter du Machine Learning, en raison de la diversité très importante des données dont elle dispose sur ses clients. Elle peut profiter de cette opportunité pour mieux comprendre les clients, mieux adapter les produits à leurs usages et les protéger davantage en cas de fraude par exemple.

Au-delà d’une meilleure analyse du client, la donnée bancaire peut aussi servir des enjeux opérationnels, comme la réduction des coûts ou l’optimisation de process. A partir du moment où la donnée est disponible en grande quantité et suffisamment variée, les cas d’usage sont quasi infinis.

Le plus classique est l’analyse et la prédiction de l’attrition clientèle, c’est-à-dire la capacité à anticiper, avec plusieurs mois à l’avance, le départ acté ou silencieux d’un client puis, a posteriori, à comprendre les raisons de son départ, afin de réajuster les parcours clients.

Les scores d’appétence aux produits bancaires sont aussi un must-have dans les organisations qui disposent d’un portefeuille de produits riche et varié. Quel est le bon produit pour accompagner le client dans le bon moment de vie ? Tout en évitant d’inonder les clients de messages indifférenciés. Sans parler des cas d’usage autour des différents types de fraude (notamment monétique), la structuration et extraction d’informations de documents scannés ou encore la compréhension automatique des langues parlées (arabe, français, darija), etc.

 

F.N.H. : Le cadre juridique peut-il être un frein à son utilisation ?

I. E. A. : Aujourd’hui, c’est déjà le cas. La donnée bancaire est, d’une part, déjà sacralisée à travers un cadre juridique précis. Et, d’autre part, les réglementations marocaine et surtout européenne protègent la donnée des clients contre une utilisation abusive qui n’a pas été soumise à un consentement clair et explicite.

C’est notamment le sens du RGPD qui vise à mettre un cadre à la frénésie qui anime un grand nombre d’acteurs de la valorisation de la donnée. Le droit à l’oubli du RGPD est entre autres un point crucial, car la Data Science se base sur des historiques de données importants qui doivent être donc régulièrement purgés selon la volonté d’oubli des clients.

Il faut également souligner que la Data Science, comme un grand nombre de technologies, est en train de tendre vers le Cloud partout dans le monde. Accompagner ce mouvement dans notre pays nécessite une clarification juridique de notre positionnement par rapport au Cloud en termes d’utilisation et de stockage des données pour les entreprises.

 

F.N.H. : Selon vous, comment la Data Science et le Machine Learning vont-ils évoluer dans les prochaines années au Maroc ?

I. E. A. : Au niveau de l’appropriation des technologies liées à la Data Science, un grand pas a été fait par les écoles et universités à travers la mise en place de cursus dédiés.

Aujourd’hui, on constate l’arrivée sur le marché de l’emploi d’un grand nombre de datascientists, certes jeunes, mais volontaires et qui peuvent former l’ossature de ce domaine dans les prochaines années, à condition qu’ils ne soient pas aspirés par les marchés européens ou anglo-saxons.

Les technologies sont aujourd’hui accessibles et bien comprises et je pense qu’il y a là une opportunité importante pour beaucoup d’acteurs économiques de profiter de cette accessibilité. On peut oser imaginer, dans un futur proche, des PME disposant de datascientists et d’outils abordables pour mieux répondre agilement à leurs problématiques.

Au-delà de l’écosystème entreprise, la Data Science est une formidable chance pour nos institutions et administrations de faire le point sur leur process et reprendre la marche vers la digitalisation de leur fonctionnement et vers une meilleure gouvernance des données.

Il me semble que c’est là l’enjeu principal des prochaines années pour notre pays, et une évolution naturelle qui va de pair avec les attentes des citoyens. ◆

 

 

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