Les rencontres ponctuelles des autorités marocaines avec les membres de la mission du Fonds monétaire international au titre de l’article IV et de la Ligne de précaution et de liquidité (LPL) suscitent toujours un grand intérêt auprès de l’opinion publique. Pour cause, c’est l’occasion pour l’institution de Bretton Woods de livrer ses prévisions de croissance et sa lecture de l’évolution de l’économie marocaine.
Devant un parterre de journalistes, Nicolas Blancher, chef de mission du FMI pour le Maroc, a pointé du doigt les faiblesses économiques et sociales, tout en soulignant les multiples aspects positifs inhérents aux nombreuses réformes engagées par les pouvoirs publics. «Les réformes sectorielles mises en place ont permis aux gisements de croissance de s’exprimer», assure-t-il.
Cependant, du chemin reste encore à faire, car en dépit de l’amélioration de la gestion des finances publiques et de la diversification continue de l’économie nationale, le taux de chômage continue de culminer à 10%, avec des niveaux alarmants pour les jeunes et les femmes.
Lors de la séance traditionnelle des questions-réponses, les experts de l’entité internationale dirigée par Christine Lagarde ont tenu le même discours sur l’opportunité pour les autorités marocaines de procéder à la réforme de la flexibilité du taux de change dès que possible. Le timing est favorable au regard de la solidité des indicateurs macroéconomiques, avec des réserves de change qui représentent 6 mois d’importations.
Au sujet de la reconduction de la LPL (Ligne de précaution et de liquidité) accordée au Maroc en juillet 2016 pour un montant de 3,5 Mds de dollars sur 24 mois, la réponse de Blancher a le mérite d’être sans ambages. «Nous continuons d’estimer que l’existence des risques extérieurs (volatilité du prix du pétrole et incertitudes des marchés financiers) légitime la reconduction de celle-ci. Mais il revient aux autorités marocaines de prendre la décision au moment venu».
Que prévoit le FMI ?
Pour l’année en cours, la croissance devrait tourner autour de 4,4% du PIB, tirée par une bonne campagne agricole. Dans le même temps, l’on assiste à une progression timorée des activités hors agriculture.
Au demeurant, l’activité sera moins florissante pour 2018 avec un taux de croissance situé autour de 3,1% du PIB. Au registre des bons points, le déficit de la balance commerciale connaîtra un repli pour se chiffrer à 3,9% du PIB en 2017. Cette performance est à relier à la bonne tenue des exportations, qui arriveront à juguler l’impact de la hausse des prix du pétrole sur les importations.
Interrogé sur la pertinence du PLF 2018, les économistes de l’institution de Bretton Woods saluent la cohérence de celui-ci, en adéquation avec les objectifs du gouvernement en matière de croissance (5% du PIB à terme), de réduction de la dette du Trésor (60% du PIB en 2021) et de baisse du déficit budgétaire (3,5% du PIB en 2017 et 3% en 2018).
Cela dit, si le secteur financier est assez capitalisé et stable, il n’en demeure pas moins qu’il continue d’être exposé aux risques liés à la concentration des crédits, la hausse des créances en souffrance et l’expansion des banques marocaines sur le continent.
Les recommandations suggérées par Blancher vont dans le sens de l’adoption de la nouvelle loi relative aux statuts de la Banque centrale, sachant que ce dispositif est de nature à renforcer l’indépendance de celle-ci. ■
Les points de vigilance
D’après la mission du FMI, le renforcement de l’efficacité de l’action publique, l’amélioration de la gouvernance et la coordination des politiques publiques sont autant de chantiers prioritaires qui nécessitent une mise en œuvre rapide. «Les PME doivent avoir l’opportunité de prospérer et de se développer au Maroc», souligne le chef de la mission, qui n’a pas manqué de rappeler le rôle crucial du Conseil de la concurrence, plongé dans un état végétatif depuis des années. Par ailleurs, les délais de paiement continuent de s’allonger dans certains secteurs. Ce qui constitue un obstacle majeur à l’essor des PME.
Pour autant, certaines initiatives afférentes à la bonne gouvernance ont été saluées. Il s’agit de la stratégie nationale de lutte contre la corruption. Notons qu’une cellule chargée de la coordination des politiques publiques, placée sous l’autorité du Chef du gouvernement, a été mise en place.
Au-delà de ce rappel, les investissements publics gagneraient à être davantage efficaces, tout en constituant un puissant levier de développement des investissements privés. En définitive, la mission de l’institution de Bretton Woods réitère l’impératif pour le gouvernement de hâter les réformes urgentes concernant, entre autres, le marché de l’emploi et l’éducation.
Par M. Diao