Kenza Berrada, du cabinet B-Part, détaille les enjeux de la transformation digitale, aussi bien du côté des institutions financières que des utilisateurs.
Finances News Hebdo: quels sont les apports concrets de la transformation digitale dans le secteur financier ?
Kenza Berrada: Pour les entreprises financières, la transformation digitale a permis (pour celles qui ont mené jusqu’au bout les chantiers de dématérialisation et de digitalisation), d’automatiser un grand nombre de tâches, permettant de mettre en place des workflows ou processus plus fluides, plus rapides, permettant l’échange ou la transmission plus facile d’informations entre différents services, entre les services en lien avec la clientèle et les services supports ainsi que les back-offices. Cela a eu pour effet de réduire les temps et les coûts de traitement et donc d’améliorer la productivité. Les collaborateurs peuvent donc se concentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée et travailler de façon plus participative, collaborative et agile. Le temps consacré au contact client est plus important, leur permettant d’être dans une plus grande réactivité, voire proactifs en utilisant les informations à leur disposition. D’un point de vue risque, la digitalisation a rendu possible les opérations plus traçables et donc d’améliorer et de faciliter la conformité, ainsi que d’éviter des risques opérationnels comme la perte de documents ou des erreurs de traitement. Pour les clients, la transformation digitale leur a redonné le pouvoir, en leur permettant d’accéder aux services de leur banque 24H/24 et 7j/7 et même quand ils sont en mobilité depuis leur smartphone par exemple, en gagnant en rapidité et en interactivité dans leur relation avec la banque ou encore en les équipant d’outils pour être plus experts (comparateurs, information, formation en ligne, etc.). Les clients peuvent aussi partager avec leur banque et d’autres clients leurs avis, leurs ressentis, leurs besoins. Ils sont moins captifs et ont accès plus facilement à d’autres banques ou à d’autres Fintechs.
F.N.H. : On parle souvent de bouleversement de la part des nouveaux entrants, particulièrement les Fintechs. Pensez-vous que ces opérateurs sont réellement outillés pour bousculer les acquis des acteurs historiques de la finance ?
K. B.: Les Fintechs et les nouveaux entrants ne sont pas toutes des startup. Parmi elles, il y a des Apple, des Google, des opérateurs téléphoniques comme Orange Money ou m-Pesa, des retailers comme Alibaba… En proposant des modèles nativement digitaux, pensés pour maximiser la qualité de l’expérience client avec des interfaces particulièrement agréables, simples, efficaces, à des coûts très bas et avec un positionnement très spécialisé, et donc à très forte valeur ajoutée, les Fintechs séduisent les clients.
Cette nouvelle sphère est nativement digitale et donc sait mieux utiliser les codes de l’ère digitale comparativement aux acteurs traditionnels. Elles savent s’appuyer parfaitement sur les réseaux sociaux, l’image et la vidéo pour créer le buzz, prendre une place privilégiée dans le quotidien du client, pour conquérir de nouveaux clients ou pour faire simplement parler d’elles. Par leur capacité à intégrer rapidement des innovations disruptives comme la blockchain ou la biométrie, elles font passer les acteurs plus traditionnels pour moins innovants, moins technologiques. Bien que leurs parts de marché restent faibles et bien qu’elles ne bénéficient pas du capital confiance des acteurs traditionnels, elles influencent déjà grandement les attentes des clients de ce que doit être une banque ou un assureur, et en cela, elles bousculent déjà. Nous croyons cependant qu’elles mettront un certain temps pour réellement menacer fondamentalement les acteurs historiques qui ont toujours des atouts à faire valoir. Notre conviction est que les Fintechs et les banques peuvent travailler en bonne intelligence et qu’un rapprochement entre les deux univers est inéluctable…