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«Le CMI a placé la barre très haut»

«Le CMI a placé la barre très haut»

Naciri

Le contactless est un nouveau levier de croissance des volumes de paiement et d’autres innovations seront incessamment lancées par le CMI. L'eCommerce reste dominé par les paiements en espèces à la livraison, et est porté principalement par les grands facturiers.Le réseau CMI progresse chaque année d’environ 10%, et l’activité croît de 20%, cette année pour les cartes marocaines. Le centre place la barre très haut pour les futurs concurrents qui arriveront sur le marché de la monétique. Mikael Naciri, Directeur général, revient sur les détails de la séparation des activités du CMI et l’octroi par BAM de nouveaux agréments de switching.

Finances News Hebdo : Vous venez de lan-cer le paiement sans contact en partenariat avec MasterCard. Comment cette technologie a-t-elle été accueillie auprès des banques ? Répond-elle à un besoin exprimé ? Et com-bien de banques y ont adhéré ?

Mikael Naciri : Le lancement du paiement sans contact est d’abord une innovation de la place. Cette innovation technologique est le fruit d’une réflexion, d’un travail conjoint et d’une démarche coordonnée, menés par le CMI, MasterCard et les banques de la place. Le CMI, en tant qu’acquéreur de transactions moné-tiques et gestionnaire d’un réseau de commerçants affiliés avoisinant les 40.000 points de vente, s’est engagé à équiper ce réseau de terminaux de paie-ments compatibles NFC (NFC = aptitude à la lecture de la carte sans contact), pour 3 raisons : • favoriser l’acceptation des petits montants chez les commerçants de proximité; • améliorer l’expérience client en rendant la transac-tion plus rapide; • Développer un nouveau levier de croissance des volumes de paiement à travers la transformation des opérations cash en transactions électroniques. De leur côté, les banques travaillent à équiper leurs clients en cartes Contactless MasterCard. A ce jour, nous avons ouvert des projets de certification avec la majorité des banques de la place, certaines étant plus avancées que d’autres; mais elles seront toutes certifiées d’ici la fin du mois. Nous avons considéré avec les banques et MasterCard, que le paiement sans contact est un des principaux leviers de réduction des transactions cash. Nous ciblons les achats réguliers des porteurs marocains; ceux qu’ils réalisent au quotidien en utilisant de la petite monnaie : achats dans les boulangeries, courses d’appoint chez l’épicier du quartier, petits déjeuners ou repas de midi dans les snacks/cafés, fast-foods, … Pour les banques, cette innovation permettra aussi de réduire les mouvements de versements espèces réalisés par leurs clients commerçants en agences bancaires, et, nous l’espérons, réduira également le nombre de retraits auprès des GAB. Ces 2 types d’opérations sont particulièrement coûteuses pour les banques. Cette innovation répond également à l’évolution des habitudes de consommation, notamment dans les grands centres urbains, où les porteurs marocains ont de moins en moins de temps à gaspiller dans les files d’attente, veulent éviter de devoir aller retirer de l’argent au GAB pour régler de petites transactions, etc.

F.N.H. : Le plafond d’achat sans code PIN a été fixé à 200 DH. Ce montant ne vous semble-t-il pas très réduit ? Serait-il possible que des banques formulent des offres avec des plafonds plus élevés ?

M. N. : Le seuil de 200 DH a été convenu en nous inspirant de modèles similaires de par le monde. Il correspond également au montant d’un petit caddy (réglé en espèces) auprès de la grande distribution, à un repas en famille (2 adultes et 2 enfants) chez une enseigne de fast-food, etc. Bien entendu, nous verrons à l’usage si ce seuil est optimal, et en cas de besoin, nous étudierons avec les banques l’opportunité de le faire varier à la hausse ou à la baisse.

F.N.H. : Quid de la sécurité ?

M. N. : La sécurité des transactions Contactless est identique à celle d’une opération monétique classique. Outre le cryptage et le chiffrement des informations bancaires (numéro de carte, PIN), la transaction est réalisée selon les mêmes standards de sécurité. Le fait de ne pas demander le code PIN en dessous de 200 DH pourrait paraître risqué en cas de perte de sa carte, mais une fois ce seuil atteint en un seul paiement ou plusieurs paiements fractionnés, il devient impératif de faire une transaction avec PIN pour «réactiver» ce seuil.

F.N.H. : Quelles sont les autres innovations que vous comptez lancer sur le marché maro-cain ?

M. N. : Le paiement sans contact avec une carte bancaire est un premier pas vers l’utilisation de cette technologie sur les téléphones mobiles. En effet, les derniers smartphones sont dotés de la technologie NFC (Near Field Contact), et peuvent abriter en toute sécurité les données de votre carte pour réaliser des transactions sans contact sur TPE. Ce sera la prochaine innovation sur laquelle nous travaillerons au courant de l’année 2016, avec une mise sur le marché en 2017. A cette date, nous aurons suffi-samment de terminaux de paiements NFC déployés sur le territoire pour accueillir les transactions de tout porteur de smartphone compatible. Une innovation qui nous tient particulièrement à coeur a été mise sur le marché, il y a quelques semaines; c’est le mPOS, solution qui permet à tout commerçant doté d’un smartphone et d’un lecteur léger de cartes bancaires d’encaisser, en tout lieu et à tout moment, des paiements par cartes bancaires marocaines ou étrangères. Les premiers clients pilotes en sont très satisfaits. Le déploiement de cette innovation se fera également avec les banques qui pourraient le propo-ser dans le cadre de packages pour professionnels et professions libérales. Nous ciblons également les eCommerçants et les sociétés de livraison (colis, repas …), pour qu’elles transforment le paiement cash à la livraison en opération électronique dématérialisée. Enfin, nous ciblons les transporteurs (taxis blancs, navettes aéro-port, véhicules de locations avec chauffeurs, etc.) qui proposeront prochainement ce mode de paiement à leurs clients en lieu et place du paiement en espèces. Une autre cible intéressante est l’encaissement de factures à domicile (eau et électricité, par exemple). Last but not least, nous sommes en train de déployer la recharge téléphonique sur TPE auprès de certains commerces de proximité. Ce service rémunérateur pour le commerçant viendra s’ajouter aux autres services à valeur ajoutée que nous proposons : DCC, PayByMail, Encaissement de factures multicanal, etc.

F.N.H. : Le CMI a été promoteur du dévelop­pement des plates-formes d’e-paiement avec l’arrivée de nouveaux acteurs. Aujourd’hui, comment cette activité se développe-t-elle ?

M. N. : Depuis début 2014, 3 plates-formes de paiement sur Internet ont été homologuées par le CMI (Payzone, FastPay et M2T) qui viennent concurrencer Maroc Telecommerce sur le e-paiement. L’arrivée de ces nouveaux players a favorisé l’innovation et introduit une nouvelle dynamique sur ce segment. Toutefois, le marché demeure, à mon sens, trop étroit pour permettre une rentabilisation des inves­tissements réalisés par ces plates-formes. Malgré la progression à 2 chiffres du paiement en ligne par carte bancaire, l’eCommerce reste dominé par les paiements en espèces à la livraison et est porté principalement par les grands facturiers (télécoms, régies de distribution et compagnies aériennes) ainsi que l’hôtellerie.

F.N.H. : Vous avez un objectif de doubler le parc d’affiliés à horizon 2016. Où en êtes-vous actuellement ?

M. N. : Le réseau des commerçants consentants est chaque année en extension d’environ 10%. Nous avons accéléré l’affiliation de nouveaux commerçants en 2013 et 2014 (+6.000 et +7.200 nouveaux points de vente affiliés respectivement), mais force est de constater qu’une partie de ces nouveaux commer­çants demeure inactive, nous imposant de récupérer les TPE délivrés gratuitement, pour les réaffecter chez les commerces à meilleur potentiel. Nous comptons aujourd’hui près de 40.000 commerçants équipés, dont près de 26.000 sont actifs (ce chiffre a doublé entre 2011 et 2015). Nous sommes plus focalisés sur les commerçants actifs et déployons beaucoup d’efforts pour les convaincre d’accepter plus lar­gement les paiements par cartes, mais aussi pour réactiver les commerçants qui tombent subitement dans l’inactivité.

F.N.H. : Suite aux orientations de Bank Al-Maghrib, le paysage monétique connaît des changements majeurs en cours. Comment vous y préparez-vous ? Et surtout qu’en est-il de la concurrence ?

M. N. : Les changements majeurs dont vous parlez ne sont pas encore perceptibles pour les commerçants et encore moins pour les porteurs de cartes. De nom­breux acteurs se positionnent, mais à ce jour, nous n’avons toujours pas de nouveaux opérateurs dans le paiement par cartes bancaires. La Banque centrale a ouvert ce marché en 2012 en octroyant des licences à 2 opérateurs. Ils se préparent depuis et lancent en ce moment même leurs appels d’offres pour s’équi­per en terminaux de paiements ou en plates-formes d’acquisition. Il leur faut encore quelques mois pour pouvoir se positionner sur le marché, mais nous n’avons aucune crainte à ce sujet; il existe encore de nombreux gisements à développer, aussi bien pour le CMI que pour les nouveaux arrivants.

Le CMI continue d’impulser avec les banques cette dynamique de démocratisation de la monétique et du paiement par carte, et les chiffres sont là pour en témoigner : +20% / an de progression du nombre de transactions sur TPE par cartes marocaines, +13% en volume. Près de 11 millions de cartes en circula­tion… Nous poursuivons le développement de notre offre monétique en termes d’innovation et de services à valeur ajoutée pour nos affiliés. La barre est placée très haut pour les futurs concurrents, notamment en ce qui concerne les solutions intégrées à la caisse du client, le sans-contact, les plates-formes multi-enseignes centralisées et hébergées en environne­ment PCI DSS, l’encaissement mPOS… Toutes ces innovations sont autant d’atouts qui nous permettent de faire la différence et de répondre aux besoins des clients.

F.N.H. : Le CMI scindera son activité en deux, les activités d’acquisition d’un côté, et le swit­ching de l’autre, que vous avez cédé à HPS. Peut-on avoir plus de détails sur l’opération, aussi bien la phase contractuelle que juri­dique, entamée en 2015 avec HPS ?

M. N. : La Banque centrale avait sollicité le CMI et le GPBM afin de proposer une démarche pour favoriser l’ouverture du marché du switching (routage tech­nique des demandes d’autorisation et compensation des flux financiers) à d’autres opérateurs. Parmi les voies explorées pour permettre cette ouverture, la séparation des activités du CMI et l’octroi par BAM de nouveaux agréments de switching. Nous avons décidé, avec l’accord de la Banque centrale, de céder l’activité de switching. Après un appel d’offres en 2014, notre choix s’est porté sur HPS, après un processus de sélection et de négociations, qui a duré plusieurs mois. Nous avons signé un protocole d’accord avec HPS en février 2015, et avons finalisé les aspects juridiques et contractuels. Pour autant, la cession de cette activité est suspendue à l’octroi de l’agrément de switching à HPS par la Banque centrale. Dans cette période de transition, le CMI continue de traiter le routage et la compensation des transactions interopérables de toute la place bancaire.

MasterCard et Visa ont été agréés en tant que plate-forme de switching et de compensation par la Banque centrale en janvier 2015 et ils devraient être opéra­tionnels prochainement pour proposer leurs services aux banques et aux autres opérateurs agréés.

F.N.H. : Comment HPS fera-t-il face à l’arrivée de nouveaux opérateurs ?

M. N. : Ce que je peux vous dire, c’est que l’offre de HPS, que nous avons étudiée dans le détail, en termes de services et de performances, n’a rien à envier aux propositions des autres opérateurs. Notre pays peut s’enorgueillir d’avoir des opérateurs de niveau mondial, qui rivalisent avec les plus grands sur des marchés très matures, en Europe, en Afrique, en Asie ou en Amérique latine. Pour ma part, je suis un fervent défenseur de l’indépendance technologique, et je suis favorable à la préférence nationale sur des sujets aussi stratégiques pour notre pays et pour son rayonnement à l’étranger. De nombreux pays comme l’Irlande, la France, la Grande Bretagne soutiennent le développement d’écosystèmes nationaux de Fin.Tech. (FinancialTechnologies), car il s’agit d’industries d’avenir. Au Maroc, nous commençons à voir émerger un embryon de cet écosystème, porté par des entre­prises comme HPS, S2M, M2M, Pcard, Sispay,… Nous avons également des entreprises spécialisées dans les certifications PCI DSS qui sont des réfé­rences mondiales, comme Data Protect. Le Maroc gagnerait à soutenir le développement de cet écosys­tème prometteur à travers des politiques et des choix plus ambitieux.

F.N.H. : Un mot sur l’eGov ?

M. N. : De nombreux services gouvernementaux ont été dématérialisés. Le dernier étant la télédéclaration et le paiement de l’IR pour les professions libérales. Il y a encore des efforts à faire sur la vulgarisation de ces eServices auprès des usagers et pour généraliser le paiement en ligne par carte bancaire.

Le CMI et sa filiale Maroc Telecommerce travaillent aux côtés des différentes parties prenantes afin de favoriser le paiement en ligne de nombreuses prestations (paiement des factures, paiements des taxes urbaines et professionnelles, services de la Conservation foncière et des Agences urbaines, encaissement des amendes pour les infractions au code de la route). Nous pensons que les PME et les entreprises, de manière générale, devraient bénéfi­cier d’une carte Corporate sous label CMI (physique ou virtuelle), dédiée aux règlements des prestations eGov.

Nous avons également beaucoup d’espoir de voir avancer le dossier des aides directes dans le cadre du projet de décompensation. Nos solutions TPE, en ligne ou sur téléphone mobile, peuvent valablement répondre à ce besoin.

F.N.H. : Comment l’activité s’est-elle compor­tée durant ce dernier trimestre ? Vos pronos­tics pour cette année qui touche à sa fin.

M. N. : Le 3ème trimestre a connu une accélération des paiements par carte bancaire auprès de nos affiliés. Cette croissance est portée principalement par les cartes marocaines. Nous avons enregistré des records inégalés en juillet et en août, malgré un fléchissement des arrivées touristiques. Le tourisme national, les soldes d’été, les achats avant la rentrée scolaire ont boosté les chiffres. Les banques ont éga­lement mené, en collaboration avec le CMI, des cam­pagnes très dynamiques d’activation des cartes de leurs porteurs, avec des tombolas et des gains assez importants à la clé. Nous avons, à ce titre, noté une progression importante des achats réglés par carte bancaire pendant le mois de Ramadan (à cheval sur juin et juillet), particulièrement sur les petits montants.

Nous attendons les 2 derniers mois de l’année qui sont très prometteurs (fêtes de fin d ‘année, soldes d’hiver…), mais nous tablons d’ores et déjà sur une progression annuelle autour de 20% pour les cartes marocaines. Pour les cartes étrangères, une progression de 5 % serait très satisfaisante, sauf sursaut des arrivées touristiques en novembre et décembre.

Propos recueillis par Imane Bouhrara

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