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La dette : Toujours plus haut !

La dette : Toujours plus haut !

 

Par Omar Fassal *

 

Aller plus haut, toujours plus haut…, tel devrait être le slogan de la dette. Après la crise du Covid, la dette a flambé partout dans le monde. La dette globale (qui inclut les ménages, les entreprises non financières et la dette publique) a progressé au niveau mondial de 320% du PIB à 355%. Une augmentation considérable, lorsqu’on se souvient qu’elle avait augmenté de 10 points en 2008, et de 15 points en 2009 à titre de comparaison.

Cette augmentation est surtout partagée par l’ensemble des régions. Les économies avancées ont vu leur dette globale progresser de 382% à 418% (soit un supplément de 36 points), les marchés émergents ont vu leur dette passer de 220% du PIB à 250% (soit une augmentation de 30 points, certes moindre que celle des économies avancées, mais tout de même importante). Les quatre Etats les plus endettés au monde sont le Japon avec une dette publique de 238% du PIB, le Venezuela avec 215%, le Soudan avec 178% et la Grèce avec 175%. Les ménages les plus endettés sont les Sudcoréens avec une dette de 103% du PIB. Les entreprises les plus endettées sont les chinoises avec 245% du PIB à Hong-Kong et 165% en Chine continentale.

Derrière cette forte progression constatée partout dans le monde, se cachent les prêts engagés par les ménages et les entreprises pour tenir le coup, et le creusement des déficits budgétaires pour subventionner aussi bien les mesures de soutien pendant la crise, que les mesures de relance après la crise. Mais cette crise est-elle réellement terminée ? Depuis la crise de 2008, nous vivons sur un rythme de cumulation de la dette effréné. Les Etats sont passés de 58% du PIB en 2007 à 106%. Les trois principales agences de notation combinées (S&P, Fitch et Moody’s) ont émis sur 2020 et 2021, un total de 99 dégradations de notes portant sur 48 pays, ce qui représente 35% de leur portefeuille de notations souveraines.

S&P, la plus grande des agences, qui couvre 120 souverains, a tout de même été plutôt conservatrice. Au début de la pandémie, elle a dégradé 16% de son portefeuille contre 25% en 2008. Alors oui, prêter aux Etats est plus risqué qu’auparavant, mais le véritable risque systémique n’est pas là, car les Etats conservent une multitude de ressources pour rembourser et reconduire leur dette, surtout lorsqu’elle est en monnaie locale. Les ménages sont plus endettés que depuis 2008, avec un ratio qui est passé de 59% du PIB à 65%. Mais dans plusieurs pays, leur ratio de service de la dette est inférieur à 10% des revenus, ce qui n’est pas inquiétant. La situation est très variable d’un pays à un autre. Les entreprises non financières ont réussi depuis la crise de 2008 à se désendetter légèrement, ou du moins à stabiliser leur situation.

Les règles de Bales III qui limitent l’effet de levier pour les banques y ont contribué. Les financières sont passées de 87% du PIB à 86%. Ce qui est inquiétant en réalité, c’est l’endettement très important des entreprises privées. Elles sont passées de 77% du PIB à 100% du PIB, une hausse rapide et continue. Leur situation est plus préoccupante que celle des Etats, car même si certaines grandes multinationales ont des crédits rating supérieurs à ceux de petits Etats, une entreprise aura toujours, au bout du compte, moins d’outils pour honorer sa dette. La baisse continue des taux d’intérêt portée par les grandes Banques centrales, a injecté beaucoup de liquidités sur les segments les plus risqués du marché des entreprises, telles que les obligations à haut rendement. Ces liquidités ont maintenu en vie des entreprises zombies, qui n’auraient pas survécu autrement. De même pour les programmes de soutien lancés pendant la crise du Covid.

A présent, deux facteurs de risque se présentent à l’horizon. Les Banques centrales vont augmenter les taux pour contrer l’inflation, ce qui va renchérir le coût de la dette et risque de mettre en péril les entreprises fragiles. D’autre part, les Etats ne pourront pas prolonger indéfiniment leurs mesures de soutien et leurs programmes de garantie (entre autres pour des raisons de maîtrise de la trajectoire de leur dette à moyen terme). La fin de ces programmes risquera également de mettre en difficulté bon nombre d’entreprises. Enfin, comme la FED a commencé à durcir sa politique monétaire, le taux de change de plusieurs pays émergents baisse. Cela mettra en difficulté les entreprises fortement endettées en monnaie étrangère, car le service de la dette devient alors plus difficile. On peut citer le cas de Hong Kong, où la dette des entreprises privées en monnaies étrangères représente 215% du PIB et celle en monnaie locale 30%, le Chili où la dette en monnaies étrangères représente 44% du PIB, et la Turquie avec 35%. Au Maroc, la dette publique est passée de 65% du PIB avant la pandémie à 75%. Cette augmentation de 10 points est en ligne avec la dette publique des marchés émergents, qui a également augmenté de +10 points (de 53% à 63%). En cause, le glissement du déficit budgétaire qui est passé de -3.8% en 2019 à -7.6% en 2020.

La reprise en 2021 a permis d’amorcer une inflexion du déficit en l’amenant à -6.5%. Le FMI anticipe une maîtrise de l’évolution de la dette d’ici à 2025 qui resterait stable aux environs de 76% du PIB, pour ensuite démarrer un repli progressif à partir de 2026. En raison de ce glissement des finances publiques, Fitch a dégradé la note du Maroc en octobre 2020 et S&P en avril 2021. Depuis, cette note est stable. La perte de l’Investment Grade ne devrait pas représenter un sujet d’obsession, car les dépenses supplémentaires concernent d’abord la santé, la généralisation de la protection sociale, et le nouveau modèle de développement. Ce sont là des initiatives qui seront créatrices de bien plus de valeur ajoutée pour le pays à long terme, qu’une restriction budgétaire tous azimuts. 

 

 

(*) : Omar Fassal travaille à la stratégie d’une banque de la place. Il est l'auteur de trois ouvrages en finance et professeur en Ecole de commerce. Retrouvez-le sur www.fassal.net.

 

 

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