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La bonne et la mauvaise inflation

La bonne et la mauvaise inflation

L’inflation, c’est comme le cholestérol, il y a le bon et le mauvais. Plus précisément, il existe quatre types de phénomènes inflationnistes : l’inflation tirée par la demande, l’inflation tirée par l’offre, l’inflation importée et l’inflation budgétaire.

 

Par Omar Fassal *

 

L’inflation tirée par la demande, c’est de la bonne inflation. Elle découle du fait que les agents consomment, empruntent et voient leurs salaires progresser.

C’est cette inflation – modérée – que les Banques centrales souhaitent obtenir. Avant la crise de la Covid, elles y étaient globalement arrivées  : une inflation proche de 2% en janvier 2020 aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, et en Allemagne. Jusqu’ici tout va bien. Puis vint la crise. L’inflation a chuté de façon spectaculaire à près de zéro dans ces pays pendant les confinements. Depuis la reprise de l’activité début 2021, et la fin de plusieurs mesures restrictives, on observe partout une flambée inflationniste.

Le baril de pétrole est passé de 50 dollars en début d’année à un pic de 85 dollars en novembre. Plusieurs denrées alimentaires se sont envolées : le prix de l’avoine a été multiplié par 2,5x depuis janvier 2020, le prix du café par 2x, le prix du blé par 1,5x. De nombreux métaux de base ont également vu leurs cours flamber. Résultat  : les niveaux d’inflation s’emballent dans plusieurs pays. L’Allemagne, par exemple, a enregistré ce mois-ci l’inflation la plus élevée depuis ses trente ans de réunification à 6%, de même pour les Etats-Unis.

Cette inflation s’explique par deux éléments  : une reprise rapide de la demande après la fin des confinements, et des goulots d’étranglement sur les chaines d’approvisionnement mondiales. Après la reprise, les entreprises ont puisé dans leurs stocks. Nous ressentons aujourd’hui le manque qui n’a pas été produit au pire de la crise. Ça, c’est l’inflation tirée par l’offre, qui s’apparente au mauvais cholestérol.

Ces explications font dire aux grandes Banques centrales que ces poussées inflationnistes sont passagères, et ne méritent pas de resserrer la politique monétaire dans l’immédiat. Christine Lagarde à la BCE se défend de toute intervention, en expliquant qu’il faudrait un délai de 18 mois pour que l’on ressente l’impact de ses instruments sur l’inflation, et que d’ici là, elle aura disparu. Andrew Bailey, de la Banque d’Angleterre, s’interdit également toute intervention en expliquant que la politique monétaire ne pourra pas mettre sur le marché plus de gaz, plus de puces d’ordinateur, et réduire les pressions sur le marché du travail. Donc, selon les banquiers centraux : circulez, il n’y a rien à voir. Les marchés financiers, eux, ne sont pas de cet avis. Les niveaux d’inflation prévus (dans les swaps) s’inscrivent à des niveaux élevés (5% au Royaume-Uni) sur les cinq prochaines années.

Les marchés financiers pensent donc que le pic inflationniste ne passera pas aussi rapidement que le promettent les banquiers centraux. Pourquoi ? Car, pendant la crise, et pendant la reprise, le manque de main-d’œuvre a exercé une pression à la hausse sur les salaires. Les marchés craignent donc une remise en scène du phénomène des années 1970 : le choc pétrolier de 1973 crée une disruption sur l’offre et pousse l’inflation à la hausse, puis cette hausse perdure car l’augmentation des salaires amène un cercle vicieux. Le coût de la vie augmente, les salaires augmentent, le coût de la vie réaugmente… En réalité, les Banques centrales font bien de réagir lentement à cet épisode pour deux raisons.

D’abord, l’économie mondiale pourrait stagner en raison du nouveau variant Omicron. Cela baisserait le pétrole, source d’une bonne partie de l’inflation observée dans le monde. Ensuite, l’inflation dans l’absolu n’est pas si élevée que cela. Sur 100 ans d’histoire, l’inflation américaine a déjà atteint les 10-15%, zone rouge qui annonce des dérèglements massifs. Enfin, pendant la première guerre mondiale (1914-18) et la seconde (1939-45), on a observé le même phénomène. L’inflation explose à 15% car les chaines d’approvisionnement mondiales sont bloquées, puis l’inflation chute massivement (devient même négative sur certaines années) lorsque les goulots d’étranglement disparaissent. Il faut simplement ne pas tomber dans une boucle vicieuse comme celle des années 1970.

En Asie, l’inflation est étonnamment basse  : 3,0% en Corée du Sud, 1,5% en Chine, zéro au Japon. Pourquoi ? Ces pays ont su lisser le pic de la demande, grâce à une meilleure gestion de la pandémie  : dans un premier temps, ils ont lissé l’arrêt brutal de la consommation lors des confinements, puis dans un second temps, les consommateurs plus pessimistes ont lissé leurs achats une fois la reprise arrivée.

De plus, comme l’Asie est productrice sur plusieurs chaines d’approvisionnement mondiales, leurs entreprises souffrent de moins de goulots d’étranglement. Rajoutez à cela que malgré la hausse du pétrole, le coût du fret maritime intra-Asie a moins flambé (x2) que le fret international (x5), et vous obtenez les ingrédients pour contenir l’inflation. Au Maroc, nous sommes principalement concernés par le troisième type d’inflation  : l’inflation importée. Le niveau global reste maitrisé  : seulement 1,7% en octobre 2021 en année glissante, malgré une hausse de +3,9% entre octobre et septembre sur les produits alimentaires volatils, et de 3,2% sur les carburants.

La caisse de compensation, qui subventionne une partie des denrées de base (farine, sucre, butane), et la suspension des droits de douane à l’importation sur certains produits alimentaires (blé, légumineuses, beurre), contribuent certes à atténuer l’impact ressenti sur les prix au consommateur. Mais le bouclier le plus important reste la valeur du Dirham, qui s’est maintenu dans sa bande de fluctuation depuis le début de l’année. Espérons que le variant Omicron ne perturbe pas de façon prolongée les échanges internationaux, pour permettre au Maroc de continuer à renforcer ses réserves de change, raffermir davantage le Dirham, et baisser in fine l’impact de l’inflation importée. 

 

(*) : Omar Fassal travaille à la stratégie d’une banque de la place. Il est auteur de trois ouvrages en finance et professeur en Ecole de commerce. Retrouvez-le sur www.fassal.net.

 

 

 

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