La faible capacité des PME à mobiliser des collatéraux et des garanties suffisantes constitue un frein majeur à l’accès au financement.
La BCP dispose d’une palette de solutions à même de lever les obstacles à l’investissement des PME.
Par Momar Diao
L’accès difficile au financement, l’allongement des délais de paiement qui exerce une forte pression sur la trésorerie, le manque de confiance ainsi que l’instabilité fiscale sont autant de freins à la relance de l’investissement des PME. La lourdeur administrative, qui prolonge substantiellement le parcours de l’investisseur, ainsi que le manque de confiance mutuelle entre les banques et les PME constituent également des handicaps pour l’acte d’investir.
Karim Tazi, président de l’Association marocaine des industries du textile et de l’habillement (Amith), estime que le timing nécessaire à la finalisation du parcours de l’acte d’investir tourne autour de 2 ans. Un délai particulièrement long si l’on sait que tout temps perdu constitue un manque à gagner pour l’opérateur économique. Ceci dit, force est de constater que les PME, généralement sous-capitalisées, doivent également améliorer leur gouvernance pour avoir la confiance des banques, qui ont des craintes tout à fait légitimes parfois. L’autre réalité est que les entreprises qui disposent de fonds propres insuffisants sont contraintes de recourir aux banques pour financer leurs projets d’investissement.
C’est dans ce contexte que le Groupe Banque Populaire a organisé récemment un forum sous le thème : «La relance de l’investissement des PME : des attentes aux solutions». La manifestation, qui a suscité l’intérêt de 500 entreprises, était l’occasion pour l’argentier du Royaume, Mohamed Benchaâboun, de dresser le bilan des actions publiques prises afin d’accélérer l’essor des PME et l’éclosion d’un vivier de TPE innovantes et à fort potentiel de croissance.
Le ministre de l’Economie et des Finances n’a pas manqué de rappeler l’une des mesures fortes prises par le gouvernement et qui va dans le sens du renforcement de la trésorerie des entreprises marocaines. «Les arriérés de crédit TVA, qui tournaient autour de 40 Mds de DH, ont reculé pour se situer à 10 Mds à fin 2018. Au premier trimestre 2019, le montant des remboursements de crédit TVA a été trois plus important que celui du premier trimestre 2018», précise le ministre, qui s’est livré à un véritable exercice pédagogique afin de montrer la détermination de l’Exécutif, lequel devrait en finir avec les arriérés de crédit TVA d’ici la fin de l’année 2019.
L’autre annonce forte est que la problématique des délais de paiement de l’Etat et ses démembrements (collectivités locales, établissements et entreprises publics) est en phase d’être réglée. L’objectif étant d’amener les entités publiques à régler leurs fournisseurs, notamment les PME et TPE, au bout de 60 jours.
Selon Benchaâboun, la grande difficulté réside cependant au niveau des délais de paiement entre entités privées. «Pour l’heure, nous nous abstenons de légiférer en la matière et préférons que le secteur privé règle ce problème. Ce qui n’empêche pas le gouvernement et la CGEM de travailler ensemble afin d’identifier des pistes de solution», dit en substance le ministre, qui a évoqué toute une batterie de mesures allant dans le sens du développement de la PME, de la facilitation de l’accès au financement des entreprises et celle de l’acte d’investir.
Il s’agit, entre autres, de l’adoption de la loi portant sur les sûretés mobilières et de l’avènement imminent des décrets d’application. A cela s’ajoutent la structuration des produits de la CCG autour du financement et du besoin en fonds de roulement (BFR) et de l’investissement, ainsi que le projet de loi du PPP, qui introduit davantage de souplesse, avec la possibilité pour les CL et les EEP de recourir à cet instrument. Notons que dans les prochains jours, un site Internet, qui agrège les mesures-phares du Small Business Act (SBA), verra le jour. Il s’agit de l’ensemble des dispositifs favorables à l’acte d’entreprendre et au renforcement du stock des entreprises pérennes au Maroc.
L’un des temps forts de l’événement a été par ailleurs la discussion franche autour de ce que doit être la relation entre la banque et la PME.
«Nous voulons sortir de la logique de sapeur-pompier et financer le businessplan des PME et de nouvelles chaînes de valeur… La banque a des objectifs d’accroissement de taille de bilan et d’augmentation d’encours de crédit. De ce fait, elle doit financer les PME pour atteindre les résultats escomptés», rappelle Jalil Sebti, Directeur général de la Banque de détail du Groupe BCP, qui se positionne comme un partenaire de premier plan des entreprises marocaines. «Les parts de marché du Groupe Banque Populaire en crédits dépassent souvent 40% des financements accordés par le secteur bancaire à l’échelle régionale», révèle Karim Mounir, PDG du groupe panafricain.
D’autres initiatives dénotent du fort engagement de la banque au cheval auprès du tissu entrepreneurial. En effet, la banque, impliquée dans le programme de financement de l’efficacité énergétique et premier partenaire de la CCG, s’est alliée à l’Etat pour le remboursement des arriérés de crédit TVA. Par ailleurs, le Groupe, qui fait de l’innovation son cheval de bataille pour mieux accompagner les entreprises, devrait renforcer ses fonds d’investissement afin de soutenir le développement des PME.
Il ressort des discussions que la relance de l’investissement des PME passe par une compréhension mutuelle entre les banques et les entreprises. «Il faut plus de célérité dans le traitement des dossiers de crédit de la part des banques, qui doivent faire preuve d’empathie et jouer le rôle de conseiller financier», suggère Mohamed Fikrat, président de la Fédération nationale de l'agroalimentaire (Fenagri).
Les représentants de plusieurs secteurs d’activités (textile, automobile, services) sont unanimes quant à la nécessité pour les banquiers de tenir un discours plus simple et accessible aux chefs d’entreprises, qui ont des connaissances financières souvent limitées. Pour sa part, Karim Tazi appelle au renforcement de la CCG qui, d’après lui, fait un travail remarquable pour le financement et l’investissement des PME et TPE. A l’évidence, la relance de l’investissement des entreprises au Maroc passe également par l’essor des financements alternatifs, encore peu développés.
Le Groupe BCP est conscient du fait que la faible capacité des PME à mobiliser des collatéraux et des garanties suffisantes constitue un obstacle majeur à l’accès au financement. Pour remédier à cette situation pénalisante aussi bien pour la banque que pour les entreprises, le groupe bancaire a mis en place une offre de financement adaptée permettant de transcender la contrainte des garanties et des collatéraux. D’ailleurs, Soumia Alami Ouali, Directeur général adjoint en charge de la Banque de l’Entreprise à la BCP, s’est particulièrement montrée rassurante sur le sujet (voir entretien).
«Une panoplie de solutions de financement existe. Nous devons de notre part faire l’effort d’améliorer notre communication pour que les PME soient sensibilisées davantage aux solutions de financement proposées par la banque», admet Jalil Sebti. ◆
2 questions à Soumia Alami Ouali, Directeur général adjoint en charge de la Banque de l’entreprise à la BCP
L’intérêt de la garantie institutionnelle
Finances News Hebdo : Aujourd’hui, comment une PME ne disposant pas de garanties peut-elle se financer auprès de votre banque ?
Soumia Alami Ouali : Nous tenons compte des besoins des entreprises à ce sujet. Nous disposons d’une offre adaptée. Il faut savoir qu’une entreprise qui n’a pas la capacité d’apporter des garanties pour bénéficier d’un financement, peut recourir à celle-ci. L’autre paramètre important est la taille des projets. Des montages spécifiques permettent d’enrayer cette problématique. Il existe la garantie institutionnelle. D’autres procédés permettent à l’entreprise de se financer. La partie apport en fonds propres est également importante et joue en faveur d’une société qui propose de faibles garanties ou qui n’en dispose pas.
F.N.H. : Vous insistez beaucoup sur la garantie institutionnelle. En quoi consiste-t-elle concrètement ?
S. A. O. : Comme évoqué plus haut, ce type de garantie facilite dès à présent l’accès des entreprises au financement. Celles–ci peuvent se financer à hauteur d’1 million de dirhams, avec une garantie qui va jusqu’à 70% : c’est le cas notamment de Damane Express de la Caisse centrale de garantie (CCG). ◆
2 questions à Zakaria Fahim, président de la commission TPE-PME, GE-PME et autoentrepreneur, au sein de la CGEM
«Il faut sauver le soldat PME»
Finances News Hebdo : Quel regard portez-vous sur l’intérêt du forum organisé par le Groupe Banque Populaire portant sur la relance de l’investissement des PME ?
Zakaria Fahim : Il faut prendre le sujet à bras-le-corps, avec l’implication de toutes les parties prenantes. L’intérêt du forum est le croissement des regards des différents acteurs. Tout l’enjeu de la rencontre est de trouver des solutions pour dépasser le problème connu de tous. D’un côté, la PME doit améliorer sa gouvernance et se mettre sur la bonne trajectoire du développement. De l’autre côté, il faut de l’innovation, notamment amener les grandes entreprises à travailler davantage avec la PME, sortir de la logique RSE et considérer ce partenariat comme un deal win-win. Il faut sauver le soldat PME en réglant la problématique des délais de paiement et ériger ceux-ci au rang de priorité. La banque, le patronat et les grandes entreprises doivent jouer le jeu. Il y va de l’avenir du pays. Chaque année, près de 300.000 jeunes arrivent sur le marché du travail. Or, l’économie nationale n’en absorbe qu’entre 80.000 et 100.000. Il faudra travailler sur le Mindset et inculquer aux jeunes la culture de l’entrepreneuriat dès le bas âge.
F.N.H. : Selon vous, les banques accordent-elles suffisamment d’importance à la PME ?
Z. F. : Les PME constituent mécaniquement le fonds de commerce des banques. 97% des entreprises au Maroc réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 10 MDH. Les PME ont besoin de plus de soutien. Celles-ci doivent être écoutées et surtout être comprises. Au-delà des banques, tout l’enjeu est de travailler de façon collective sur des sujets transverses. L’accompagnement de la PME couvre plusieurs sujets centraux, pour ne citer que l’accès au financement et au marché et la formation des dirigeants. ◆