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Investissement privé: «La création de 500.000 emplois d’ici 2026 est quasi impossible»

Investissement privé: «La création de 500.000 emplois d’ici 2026 est quasi impossible»

Si la Banque mondiale considère que l’investissement privé au Maroc peine à retrouver son niveau pré-crise, le ministre de tutelle, Mohcine Jazouli, s’affiche plutôt confiant, dévoilant des indicateurs qui semblent tous au vert. Le gouvernement marocain ambitionne d’inverser la proportion d’investissement privé et public, pour atteindre une quote-part de 2/3 pour le privé et 1/3 pour le public à l’horizon 2035. Le Maroc est-il sur la bonne voie pour accomplir cet objectif ?

Entretien avec Youssef Guerraoui Filali, président du Centre marocain pour la gouvernance et le management.

 

Par M. Ait Ouaanna

Finances News Hebdo : Le ministre délégué chargé de l’Investissement, de la Convergence et de l'Évaluation des politiques publiques, a récemment annoncé que l’année 2022 a enregistré quelque 100 milliards de dirhams d’investissement privé. De surcroît, la 3ème Commission nationale des investissements vient d’approuver 42 projets pour 7,4 Mds de DH, tous portés par le privé. Quelle lecture faites-vous de ces chiffres ?

Youssef Guerraoui Filali : Les enveloppes budgétaires approuvées sont importantes, soit plus de 107 milliards de dirhams en 2022. Mais la controverse est que la destruction des postes d’emploi constatée au titre du 3ème trimestre 2023 était de 297.000. Si on approuve des montants importants en investissement privé, cela doit se refléter sur l’économie, en l’occurrence la croissance et l’emploi. De ce fait, l’investissement productif n’est toujours pas d’actualité, et c’est le vif du sujet. Si on souhaite porter l'investissement privé à deux tiers de l'investissement total, il faut plutôt investir dans des projets rentables, des compétences et des ressources, non pas dans des infrastructures. La création de richesse est le seul facteur qui peut stimuler l’emploi et, par conséquent, améliorer le travail des jeunes. En outre, l’annonce des enveloppes budgétaires n’est pas suffisante. Le plus important est de communiquer sur le taux de réalisation des projets ainsi que sur l’état d’avancement de la mise en œuvre des chantiers et des tranches d’investissement. Il s’agit d’opérationnaliser ces projets pour créer du business et générer du chiffre d’affaires. Il est également important de tenir des tableaux de pilotage des projets qui rassurent l’opinion publique. Sans oublier bien évidemment la communication institutionnelle qui va permettre d’informer les citoyens.

F.N.H. : A l’horizon 2026, le gouvernement ambitionne, conformément aux orientations royales, de mobiliser 500 Mds de DH d'investissements privés et de créer 500.000 postes d'emploi. Au stade où on en est actuellement, cet objectif est-il atteignable ?

Y. G. F. : Cet objectif est quasiment impossible. En observant les indicateurs de l’année 2023, le Maroc a atteint un taux de chômage record, soit 13% au niveau national. Pire encore, le taux de chômage auprès des jeunes avoisine les 38%. De plus, en se référant à la Loi de Finances 2024, environ 50.000 postes d’emploi sont programmés. Tous ces éléments viennent contredire le chiffre annoncé par le gouvernement, à savoir celui de créer 500.000 postes d’emplois d’ici 2026. Pour atteindre cet objectif, il faut créer annuellement, pendant les trois prochaines années, soit 2024, 2025 et 2026, environ 160.000 postes d’emplois. Sans oublier que l’année 2026 sera marquée par la tenue des élections législatives qui entraveront le fonctionnement du pouvoir exécutif pour des raisons purement politiques. La programmation de 500.000 postes d’emploi doit normalement faire l’objet de signatures de conventionscadres et de partenariats publics-privés afin d’avoir plus de visibilité sur la création de ces postes et sur l’ensemble des étapes de réalisation de chaque phase d’investissement. Sans cela, il est difficile d’atteindre ce chiffre élevé, notamment dans un contexte économique difficile marqué par les incertitudes géo-économiques et les aléas climatiques.

F.N.H. : Visant à faire passer la part du secteur privé dans les investissements de 1/3 à 2/3 d’ici 2035, la nouvelle Charte de l’investissement offre aux investisseurs de nombreuses incitations. Outre les différents dispositifs instaurés dans ce cadre, quelles sont à votre avis les actions prioritaires à déployer en vue de stimuler et encourager davantage les investissements privés au Maroc ?

Y. G. F. : L’encouragement de l’investissement privé est tributaire de l’accès au foncier et de la simplification administrative de l’octroi des autorisations de construction et d’exploitation. L’administration doit considérer l’investisseur privé comme un partenaire du développement socioéconomique et doit, par conséquent, l’accompagner pour la réussite de son projet. Ce changement de mentalité est essentiel pour parvenir à augmenter la part du secteur privé dans l’investissement global. Aussi, il faut qualifier la main-d'œuvre marocaine et former les cadres. Le développement des investissements nécessite un capital humain compétitif, et le secteur privé est en quête de compétences. 

 

 

 

 

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