La fiscalité de groupe tant sollicitée par le Patronat ne trouve pas un écho favorable auprès des pouvoirs publics. La Loi de Finances 2017 serait-elle la bonne ? Tour d’horizon avec Asma Charki, associée en charge de l’offre «TAX» au sein du cabinet Mazars, pour élucider les tenants et aboutissants d’une disposition fiscale aux relents économiques. Voire les amendements qui pourraient éventuellement être insérés dans le CGI.
Finances News Hebdo : Dans sa requête relative aux dispositions du PLF 2017, le Patronat revient sur la fiscalité de groupe. Quel est l’intérêt de l’instauration d’une fiscalité dédiée aux groupes pour une économie en quête d’émergence comme la nôtre ?
Asma Charki : La requête ne date pas d’aujourd’hui. En effet, l’instauration d’une fiscalité de groupe a été revendiquée par la CGEM depuis quelques années déjà et a été préconisée par le rapport du Conseil économique et social (CESE). Cet instrument de taxation des résultats fiscaux d’un groupe de sociétés au niveau de la société tête de groupe, plus connu sous le vocable «d’intégration fiscale», permet à un groupe de sociétés -constitué selon des critères spécifiques- de piloter la charge fiscale en consolidant, d’un point de vue fiscal, les résultats fiscaux bénéficiaires et déficitaires des différentes entités incluses dans le périmètre du groupe d’intégration et de s’acquitter de l’impôt sur les sociétés sur la base du résultat consolidé. Il reste entendu que le résultat consolidé doit normalement faire l’objet de retraitements fiscaux afin de neutraliser l’impact de certaines transactions communément opérées entre sociétés apparentées, telles que les abandons de créances, les cessions d’immobilisations intra-groupe ou les provisions pour dépréciation des créances détenues sur des sociétés du groupe ou des titres d’une filiale intégrée.
F.N.H. : D’après-vous, quelles sont les dispositions qui peuvent éventuellement être insérées dans le Code général des impôts ?
A. Ch. : L’introduction de la fiscalité du groupe au niveau du système fiscal marocain implique, dans un premier temps, la définition de la notion du groupe et des critères d’intégration fiscale des sociétés au sein d’un groupe, notamment la part du capital devant être détenue directement ou indirectement par la société tête du groupe au niveau des filiales incluses dans le périmètre d’intégration fiscale. A titre d’information, ce pourcentage s’élève à 95% pour la France et 75% pour l’Espagne et la Tunisie.
En outre, le Code général des impôts (CGI) doit préciser les retraitements fiscaux à opérer dans le cadre de l’agrégation des résultats de chacune des sociétés membres du groupe, tels que l’élimination des doubles déductions induites, à titre d’exemple, par la constatation d’un déficit fiscal chez la filiale, et la dotation d’une provision pour dépréciation des titres de participation détenus par la société-mère en raison de la détérioration de la situation nette de ladite filiale, la neutralisation des plus-values de cession d’actifs immobilisés lorsque la cession est réalisée entre des sociétés du groupe ainsi que la neutralisation des abandons de créances et des subventions entre les sociétés du groupe.
Au-delà de ces amendements propres au système d’intégration fiscale, il est important de souligner que la mise en place de ce mode de taxation soulève dans la pratique quelques interrogations, notamment lorsque l'une des sociétés du groupe bénéficie d’un régime fiscal préférentiel, qu’elle soit établie dans une place financière ou dans une zone d’exportation ou qu’elle soit éligible à un régime fiscal incitatif applicable aux exportateurs, au secteur de l’enseignement, de l’hôtellerie ou de l’artisanat.
F.N.H. : En cas d’instauration d’une fiscalité de groupe, les changements devraient-ils être opérés au niveau de tous les impôts ou juste au niveau de quelques-uns ?
A. Ch. : L’instauration de la fiscalité du groupe impacte principalement l’impôt sur les sociétés dû par les sociétés membres du groupe et éventuellement la Contribution sociale de solidarité sur les bénéfices et les revenus. Or, celle-ci n’est plus applicable depuis le 1er janvier 2016. Par ailleurs, certaines législations européennes instaurent également des régimes de consolidation du paiement de la TVA au sein des groupes de sociétés qui sont complètement indépendants des régimes d’intégration fiscale des résultats. Institués en France et en Espagne, ces régimes permettent à un redevable de la taxe sur la valeur ajoutée de choisir, sur option, de s’acquitter, avec l’accord des sociétés qu’il contrôle, de la taxe sur la valeur ajoutée due par les membres du groupe. Il s’agit d’un régime optionnel dont l’application est limitée dans le temps pour une période pouvant aller jusqu’à trois années reconductibles à la demande du contribuable.
Dans ce contexte, la société qui opte pour le régime optionnel de consolidation se constitue seule redevable de la TVA due sur l’ensemble des opérations réalisées par elle-même et ses filiales. Celle-ci correspond au solde positif entre la somme des taxes nettes dues et la somme des crédits de taxe portés sur les déclarations de recettes souscrites au titre d'un même mois par les membres du groupe.
Propos recueillis par Soubha Es-siari