En s’inspirant du modèle du Qatar, le Maroc pourrait mobiliser entre 30 et 40% des besoins financiers pour ces événements. Avec une dette publique représentant 69% du PIB, le Royaume doit naviguer prudemment pour éviter une pression excessive sur ses finances publiques.
A l’aube de la CAN 2025 et de la Coupe du monde 2030, le Maroc se trouve face à une opportunité historique : inscrire ces événements au cœur d’une dynamique de transformation économique et sociale. Mais ce pari repose sur un pilier central : le rôle des institutions financières marocaines, à la fois moteurs de financement et architectes d’une stratégie durable et inclusive. L’organisation de la CAN et du Mondial exige des investissements estimés à 50 milliards de dirhams. Modernisation des stades, construction de complexes hôteliers, renforcement des réseaux de transport et transition numérique sont autant de chantiers stratégiques.
Selon Said Tahiri, économiste, «les institutions financières marocaines jouent un rôle fondamental dans cette dynamique. Leur capacité à structurer des financements innovants est cruciale pour garantir la réalisation de ces projets d’envergure, tout en attirant des investisseurs internationaux». Parmi les outils à leur disposition, l’émission d’obligations vertes apparaît comme une solution stratégique. Ces instruments permettent de mobiliser des fonds pour des infrastructures respectueuses de l’environnement, tout en renforçant l’attractivité du Maroc auprès d’investisseurs internationaux sensibles aux enjeux climatiques. «Ces obligations pourraient financer des projets tels que des stades écoresponsables, des réseaux de transport bas carbone ou encore des solutions énergétiques durables», détaille Tahiri. Cette approche s’inscrit dans la volonté du Maroc de faire de ces événements un modèle de durabilité.
Partenariats public-privé : Clé de la viabilité
Face à l’ampleur des besoins financiers, les partenariats public-privé (PPP) représentent un levier incontournable. Ils permettent de partager les risques, de mobiliser des ressources importantes et d’assurer l’efficacité opérationnelle des projets en s’appuyant sur les expertises complémentaires des secteurs public et privé. Tahiri illustre l’importance de ces mécanismes : «Le Qatar, pour la Coupe du monde 2022, a investi 220 milliards USD, dont une part significative via des PPP.
En s’inspirant de ce modèle, le Maroc pourrait mobiliser entre 30 et 40% des besoins financiers pour ces événements, ce qui réduit ainsi de 15 à 20 milliards de dirhams la charge sur les finances publiques». L’économiste met toutefois en garde: «Le succès des PPP repose sur la transparence, un cadre réglementaire clair et une répartition équitable des bénéfices». Le rôle des institutions financières marocaines ne se limite pas à l’apport de capitaux. Elles sont également responsables de structurer des financements complexes adaptés aux besoins spécifiques des projets. Leur expertise en matière de prêts syndiqués, par exemple, permet de mutualiser les risques entre plusieurs acteurs financiers, rendant ainsi possibles des projets d’envergure. En parallèle, ces institutions agissent comme des catalyseurs en mobilisant des fonds spécialisés.
Ces véhicules d’investissement, dédiés aux infrastructures sportives et touristiques, concentrent les capitaux sur des priorités stratégiques, tout en offrant des rendements attractifs aux investisseurs. Par ailleurs, leur rôle s’étend à l’accompagnement des investisseurs étrangers. En tant que relais local, elles facilitent la navigation dans les cadres réglementaires marocains, offrent des conseils sur la structuration des projets et garantissent la crédibilité des engagements financiers pris par le pays. Cette approche proactive renforce l’attractivité du Maroc pour les capitaux internationaux.
Risques d’endettement et défis techniques
Malgré leur importance, les institutions financières marocaines font face à des obstacles structurels et conjoncturels. La disponibilité des liquidités reste un enjeu majeur : nombre de banques locales peinent à mobiliser des ressources suffisantes pour des projets de cette envergure, en raison de ratios de fonds propres souvent contraints. Le risque de surendettement constitue une autre préoccupation. Avec une dette publique représentant 69% du PIB, le Maroc doit naviguer prudemment pour éviter une pression excessive sur ses finances publiques. À cela s’ajoutent les défis techniques: structurer des PPP ou des financements complexes demande une ingénierie financière et juridique de pointe, parfois difficile à trouver localement. Enfin, l’incertitude économique et la rentabilité à long terme des projets sont des points de vigilance.
Les fluctuations macroéconomiques pourraient freiner l’appétit des investisseurs, à moins qu’un cadre de gouvernance rigoureux et une planification stratégique ne viennent atténuer ces risques. Selon Tahiri, «surmonter ces défis nécessitera une collaboration accrue avec des institutions internationales, capables d’apporter une expertise technique, un appui financier et une crédibilité renforcée au montage des projets». La réussite des projets liés à la CAN 2025 et à la Coupe du monde 2030 pourrait générer des retombées économiques significatives. Ces événements devraient non seulement augmenter le PIB national de 1 à 2%, mais aussi créer près de 150.000 emplois directs et 500.000 emplois indirects, tout en renforçant l’attractivité du Maroc auprès des investisseurs internationaux.
Mais au-delà des chiffres, ces événements offrent une occasion unique de redessiner le modèle économique marocain. «Les institutions financières marocaines ne sont pas seulement des acteurs du financement : elles sont les architectes d’une vision stratégique qui fera du Maroc un leader régional en matière d’infrastructures sportives et touristiques», conclut Tahiri. Avec une stratégie financière innovante et une gouvernance exemplaire, le Maroc pourrait transformer ces événements sportifs en catalyseurs d’une transformation économique et sociale durable. Le défi est immense, mais l’opportunité de réinventer son avenir l’est tout autant.