Au Maroc, la fiscalité locale demeure considérablement pénalisée par l’absence de structures spécialisées et dédiées au niveau des collectivités locales. L’autre grief est relatif à l’absence de diversification des ressources des communes, qui découlent essentiellement de l’assiette foncière. Dans l’optique d’optimiser la gestion fiscale locale, deux conventions pour la mobilisation du potentiel fiscal concernant les villes de Rabat et Casablanca, ont été signées. Ce qui permet à la Trésorerie générale du Royaume (TGR) et à la Direction générale des Impôts (DGI) de prêter main forte aux collectivités locales pour l’amélioration de leur gestion fiscale. Lotfi Missoum, Directeur du contrôle, de l’audit et de l’inspection à la Trésorerie générale du Royaume, dresse, à travers cet entretien, la situation de la fiscalité locale au Maroc.
Finances News Hebdo : Aujourd’hui, quels sont les principaux défis et les challenges majeurs de la fiscalité locale au Maroc ?
Lotfi Missoum : En matière de fiscalité locale, tout l’enjeu est de mettre en place de vraies structures administratives fiscales. Aujourd’hui, on relève l’absence de structures dédiées à la fiscalité au niveau des collectivités locales. A titre d’exemple, au niveau local, il n’existe pas encore de directions administratives avec des services de recouvrement organisés et bien outillés pour s’acquitter de leur mission. Cette défaillance en matière d’organisation fiscale se traduit par des émissions d’ordre de recette tardives, à la limite des délais de prescription. Parfois, il arrive même que les adresses des redevables ne soient pas bien identifiées. Ce qui rend particulièrement difficile le travail de recouvrement des ordres de recette de la part des comptables. De ce fait, on assiste à la réduction drastique des taux de recouvrement des créances communales. Ce qui, bien évidemment, impacte négativement les ressources des collectivités locales, tout en retardant considérablement leurs projets de développement.
F.N.H. : Lors de ce 9ème colloque, bon nombre d’intervenants ont martelé que les collectivités souffrent davantage de manque d’expertise en matière de mobilisation des ressources que de disponibilités de celles-ci. Quelle est votre opinion sur cette question ?
L. M. : A mon sens, comme je l’ai dit dans mon allocution, il faut un réel re-ingeneering de la fiscalité locale. Actuellement, les taxes confiées aux collectivités s’avèrent être mal gérées, de surcroît, elles concernent essentiellement le domaine foncier. Chiffres à l’appui, 70% des taxes recouvrées par les communes ont trait à l’assiette foncière. Au regard de cette situation, il y a lieu de diversifier les sources de financement des collectivités locales. Il ne faut plus les asseoir uniquement sur l’assiette foncière. Au niveau des collectivités locales, on constate aussi une certaine aversion au recours à l’emprunt. Or, par exemple, la France affiche un ratio de dette des collectivités locales/population estimé à 917 euros, d’après le rapport sur les collectivités territoriales en France, en 2013. Au Maroc, ce ratio se contracte à 49 dirhams. L’autre constat est que le montant global de la dette des collectivités a reculé lors des trois dernières années. L’encours est ainsi passé de 1,7 à 1,6 Md de DH. J’estime que les collectivités locales doivent explorer le levier de l’emprunt pour mobiliser davantage les ressources disponibles, indispensables pour financer leur développement.
F.N.H. : L’autre talon d’Achille de la fiscalité locale est la carence des communes en matière de ressources humaines qualifiées en la matière. Existe-t-il des pistes de partenariat entre la TGR, le ministère de tutelle et les collectivités locales afin de remédier à cette faiblesse ?
L. M. : La TGR, la DGI et un certain nombre de Wilayas ont souscrit à des conventions de mobilisation du potentiel fiscal. A ce titre, il est question que la TGR et la DGI prêtent main forte aux collectivités locales, dans l’optique de mieux organiser leur administration fiscale. Ce partenariat faciliterait, entre autres, les recensements d’impôts en cas de sous-déclaration, ce qui permet de mieux mobiliser le potentiel fiscal des différentes communes. Deux conventions ont été signées. Il s’agit de celles des villes de Rabat et de Casablanca.
F.N.H. : Quelle lecture faites-vous des dépenses des collectivités locales ?
L. M. : Tout d’abord, il est important de souligner qu’une grande réforme concernant les dépenses publiques est en cours. Celle-ci consiste à raccourcir les délais de paiement, qui devraient être de 60 jours au total, avec 45 jours pour l’ordonnancement et 15 jours pour le comptable public. Cette réforme est induite par un diagnostic qui, actuellement, révèle, en moyenne, que les délais de paiement globaux tournent autour de 149 jours. Ce qui est trong long et pénalisant pour les fournisseurs.
Ce dysfonctionnement montre aussi un timing de flottement non maîtrisé. C’est-à-dire entre la période où le fournisseur fait parvenir la facture et le moment où l’administration appose la date du service fait. Ce temps se révèle être particulièrement long. Aujourd’hui, il existe une réelle volonté politique de réduire les délais de paiement. Au niveau de la TGR, notamment au niveau des comptables, le délai de paiement tourne autour de 9 jours, alors que le délai réglementaire l’allonge à 15 jours
Propos recueillis par M. Diao