Le monde de l’assurance s’est donné rendez-vous durant deux jours à Casablanca pour penser l’avenir du secteur. Dans un contexte de mutations profondes, les nouvelles technologies dictent désormais les règles.
Par Désy M.
Le Rendez-vous de Casablanca de l’assurance, qui se tient les 16 et 17 avril 2025, s’impose comme un véritable «Davos sectoriel». Cette 11ème édition connait une forte présence de différents organismes d’assurances venus d’Afrique, d’Amérique et d’Asie, avec pas moins d’un millier de participants.
Avec la collaboration de «Colibri», l’intelligence artificielle choisie par la Fédération marocaine de l’assurance (FMA) pour lier la théorie à la pratique, cet évènement permet d’explorer les bouleversements profonds et les perspectives prometteuses que l’intelligence artificielle (IA) et les technologies émergentes offrent au secteur de l’assurance.
Présente à ces assises, la ministre de l’Economie et des Finances, Nadia Fettah Alaoui, a affirmé que «l’intelligence artificielle transforme en profondeur nos sociétés, mais elle est surtout une formidable opportunité pour améliorer la performance du secteur, enrichir l’expérience client et étendre l’inclusion financière».
Son intervention a posé les jalons d’un plaidoyer clair pour une IA au service de l’humain et de la résilience collective. Au fil des interventions, un consensus s’est dessiné, à savoir que l’IA ne se limite plus à une promesse technologique. Elle bouleverse déjà les pratiques, notamment l’automatisation des souscriptions, la détection des fraudes, la tarification affinée et la gestion prédictive des sinistres. Mieux encore, elle devient un levier d’inclusion, à travers les solutions mobiles qui touchent les populations rurales ou peu assurées.
Pour Mohamed Hassan Bensalah, président de la FMA, l’IA représente une transformation majeure. «Elle touche déjà tous les maillons de notre chaîne de valeur : de la souscription à la gestion des sinistres, de la relation client à la détection de fraude», a-t-il expliqué. Il a appelé à bâtir un cadre éthique, responsable et inclusif, propice à l’émergence des Insurtechs et à une couverture plus large des populations.
«Cette révolution doit être accompagnée, encadrée et pensée de manière éthique et responsable. Nous devons travailler en étroite collaboration avec les régulateurs pour mettre en place un cadre réglementaire adapté qui encourage l’innovation, tout en protégeant les assurés», a-t-il déclaré. Bensalah a également rappelé que si ces avancées technologiques sont déterminantes, d’autres mutations majeures, plus structurelles, s’annoncent pour le secteur. Il a notamment cité la révision attendue du barème d’indemnisation en assurance automobile, resté inchangé depuis 1984.
Une réforme essentielle qui aura un impact direct sur les niveaux de prix et devrait s’accompagner d’une refonte des critères tarifaires, dans une logique de tarification plus juste et mieux ajustée aux profils des assurés. Même son de cloche du côté de l’Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS). Son secrétaire général, Othmane Khalil El Alamy, a insisté sur les mutations profondes impulsées par l’IA, la blockchain et le cloud : «L’essor de l’IA générative redéfinit en profondeur les métiers de l’assurance. Cette dynamique se reflète également dans les chiffres : le secteur marocain a connu une hausse de 5,2% des primes en 2024, atteignant 59,6 milliards de dirhams», a-t-il ajouté. Face à ces transformations, un écosystème dynamique s’organise.
L’ACAPS a lancé le programme «Émergence» pour fédérer les acteurs autour de cas d’usage concrets de l’IA, tandis que des projets structurants comme la dématérialisation de l’attestation d’assurance automobile sont en cours de finalisation. Parallèlement, la stratégie nationale s’oriente vers une IA responsable, adossée à des data centers conformes aux standards internationaux, et une législation proactive, notamment via la loi 05-20 sur la cybersécurité.
L’actualité concernant la CNSS a résonné comme un avertissement pour l’ensemble du secteur. Plusieurs intervenants ont évoqué cet incident pour souligner l’urgence d’une cybersécurité renforcée et d’une gouvernance rigoureuse des données. Notons que la séance inaugurale a également été marquée par la signature d’une convention technique entre la FMA et l’Association des assureurs du Ghana (pays à l’honneur), portant sur le partage d’expériences en matière d’usage du digital. Ainsi que la signature d’une charte relative à l’intégration de l’aspect genre dans la conception et la commercialisation des produits d’assurance entre l’ACAPS et la FMA.