Hassan Boubrik, président de l’Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale
Les frontières de l’assurance devront s’élargir pour couvrir convenablement les risques émergents, comme la digitalisation, la cyber risques, les risques climatiques, etc.
Pour profiter des potentiels offerts par les évolutions technologiques, il sera primordial pour la profession de les accompagner, pour ne pas avoir à les subir.
Le point avec le régulateur marocain du secteur en marge de la 6e éditio du RDV de Casablanca de l’assurance.
Propos recueillis par D. William
Finances News Hebdo : En tant que régulateur, que vous inspire le thème choisi pour le RDV de Casablanca de l’assurance, à savoir «Les nouvelles frontières de l’assurance» ?
Hassan Boubrik : Devenu un moment privilégié, le RDV de Casablanca de l’assurance est une occasion d’échange et de partage sur des enjeux et des questions d’intérêts communs entre les différents acteurs de l’industrie de l’assurance. Dans la continuité des deux précédentes éditions, qui se sont penchées sur les thématiques de la «Disruption» et du «Digital», le comité d’organisation a choisi pour cette édition un sujet d’une grande pertinence, et qui interpelle autant le régulateur que les acteurs du marché; celui des nouvelles frontières de l’assurance.
Tout au long de ces dernières années, les frontières de l’assurance n’ont cessé de se déplacer considérablement et elles continueront certainement à le faire dans le futur pour différentes raisons, que ce soit la mondialisation, le développement des nouvelles technologies, avec notamment la digitalisation des services et le Big Data, ou encore l’émergence de nouveaux risques, tels que le cyber-risque ou le risque climatique. En plus de la couverture de ces risques, les frontières de l’assurance devront également s’élargir pour englober les populations vulnérables et jusque-là non couvertes.
F.N.H. : Considérez-vous les nouvelles technologies comme génératrices de risques ou plutôt comme des opportunités offertes à la profession ?
H. B. : Les évolutions technologiques constituent des opportunités de développement considérables pour la profession ainsi que pour l’industrie des assurances de manière générale.
Le Big data, l’intelligence artificielle ou encore la digitalisation constituent des facteurs de croissance pour le secteur, puisqu’ils peuvent avoir des impacts positifs sur les rendements des opérateurs, sur la diversification de l’offre et sur l’amélioration de la couverture des risques pour les segments les plus vulnérables de la population. Les nouvelles technologies, qui reposent sur l’automatisation et l’analyse de données, combinées au potentiel de distribution des canaux digitaux, présenteront plusieurs bénéfices pour le consommateur, que ce soit en termes de réactivité dans le traitement des dossiers et d’optimisation de l’expérience client (déclaration de sinistre à distance, disponibilité de l’information et du service…) ou en termes de diversité et d’offre de produits de plus en plus personnalisés et adaptés.
Mais les évolutions technologiques peuvent également impliquer un certain nombre de risques pour le secteur des assurances. Ces évolutions donnent lieu à l’apparition et à l’émergence de nouveaux acteurs (fintech, insurtech) qui pourraient, en intervenant totalement ou partiellement au sein de la chaîne de valeur, bouleverser les opérateurs classiques en remettant en cause un certain nombre de pratiques assurantielles traditionnelles; tarification, produits, distribution, etc. Les questions de la vulnérabilité des données personnelles et de la cybercriminalité se posent également avec acuité. Pour cela, les assureurs devront proposer des solutions de couverture adaptées.
Pour profiter des potentiels offerts par les évolutions technologiques, il sera primordial pour la profession de les accompagner, pour ne pas avoir à les subir. Les assureurs devront donc faire preuve d’agilité et d’innovation, tout en gardant au centre de leurs préoccupations la «relation-client», gage de compétitivité et de croissance.
F.N.H. : Justement, sur le volet réglementaire, où en êtes-vous avec les discussions menées avec la profession à propos de la solvabilité basée sur les risques ?
H. B. : Les discussions avec le secteur sont bien avancées, que ce soit sur le volet quantitatif (pilier I) ou qualitatif (pilier II).
Concernant le volet quantitatif
(pilier I), relatif aux calculs des provisions techniques et des fonds propres, la première étude d’impacts, lancée en mai 2018, s’est achevée en novembre 2018. Elle a porté dans un premier temps sur la «valorisation du bilan prudentiel». Cette première étude d’impact a constitué, pour les deux parties, un excellent entrainement en vue du passage à SBR.
Les paramètres de calcul du capital de solvabilité requis sont actuellement en cours de calibrage au sein de l’Autorité. Ils devraient être transmis au secteur pour discussion, et s’ensuivra une seconde étude impacts 2019 et qui portera, quant à elle, sur le calcul du «Capital de solvabilité requis» (CSR). Elle nous permettra d’émettre une première appréciation sur la solvabilité des acteurs sous ce nouveau régime et d’effectuer les ajustements nécessaires en conséquence.
Quant au volet qualitatif (Pilier II) et concernant notamment les fonctions clés, les concertations avec le secteur sont quasiment clôturées. Nous travaillons actuellement sur la mise en place de textes d’instructions qui détaillent certaines exigences définies au niveau du projet de circulaire. Parmi ces exigences, nous retrouvons entre autres l’EIRS «l’Evaluation interne des risques et de la solvabilité», un exercice d’introspection imposé par ce nouveau régime consistant pour les compagnies à évaluer leur solvabilité de façon prospective et ce, au regard de leurs plans stratégiques et de leur propre appétit au risque.
Nous prévoyons de soumettre ces différents textes d’instruction au secteur pour discussion prochainement. Suite à cela, un calendrier de mise en œuvre opérationnelle sera mis en place en concertation avec le secteur et ce, certainement avant la fin de l’année. ◆