Bourse & Finances

Tous les articles

Gestion d’actifs : un big bang réglementaire pour les OPCVM

Gestion d’actifs : un big bang réglementaire pour les OPCVM

Le nouveau projet de loi introduit une refonte majeure du cadre réglementaire des OPCVM au Maroc. Avec de nouvelles catégories de fonds, un encadrement renforcé de la gestion des risques et une gouvernance plus stricte, cette réforme vise à dynamiser le marché de la gestion d’actifs et à attirer davantage d’investisseurs. Décryptage des principales mesures qui redéfiniront l’industrie des OPCVM.

 

Par Gh. Bennani

Avec près de 715 milliards de dirhams d’actifs sous gestion, les Organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) jouent un rôle central dans le financement de l’économie marocaine en permettant aux investisseurs de placer leur épargne dans des portefeuilles diversifiés. Cependant, avec l’évolution des marchés financiers, il était devenu nécessaire d’adapter leur cadre réglementaire pour mieux encadrer leur fonctionnement, renforcer la transparence et améliorer la gestion des risques.

Le nouveau projet de loi vise ainsi à moderniser le secteur en introduisant de nouvelles catégories d’OPCVM, en imposant des règles plus strictes aux sociétés de gestion et en mettant en place des mécanismes de protection des investisseurs. L’une des avancées les plus marquantes de cette réforme est la création des OPCVM participatifs, conformes aux principes de la finance islamique.

Ces fonds permettront aux investisseurs de placer leur capital dans des actifs respectant la charia, comme les sukuk, les dépôts d’investissement ou les actions d’entreprises exerçant des activités licites. Cette évolution répond à une demande croissante et pourrait attirer des capitaux en provenance d’investisseurs sensibles à ces principes éthiques. Une autre innovation importante est l’introduction des ETF (Exchange-Traded Funds). Ces OPCVM cotés en Bourse répliquent un indice de référence et offrent une plus grande liquidité. Leur développement pourrait rendre la Bourse de Casablanca plus dynamique et faciliter l’accès des petits investisseurs à des produits diversifiés à moindre coût.

En plus de ces nouvelles catégories, la réforme apporte une innovation structurelle qui facilite la gestion des investissements. Le projet de loi introduit les fonds à compartiments, une structure où un même OPCVM regroupe plusieurs sous-fonds, chacun fonctionnant comme un OPCVM indépendant avec sa propre valeur liquidative, stratégie et mode de financement. Ce modèle permet aux investisseurs de passer d’un compartiment à un autre sans frais fiscaux importants, rendant la gestion plus flexible et optimisée.

En complément, la réforme introduit deux nouvelles catégories d’OPCVM spécifiques qui répondent aux besoins d’investisseurs institutionnels et avertis. Les fonds dédiés, exclusivement réservés à un cercle restreint d’investisseurs professionnels, offrent une gestion sur-mesure et une plus grande flexibilité dans les stratégies d’investissement moyennant un mandat de gestion.

Quant aux OPCVM à règles de fonctionnement allégées (RFA), ils sont destinés aux investisseurs institutionnels et bénéficient d’un cadre plus souple, permettant une gestion plus dynamique et une prise de risque adaptée aux exigences des grands acteurs du marché. Ces nouvelles structures visent à attirer davantage d’investisseurs professionnels en leur proposant des solutions adaptées à leurs besoins spécifiques. La transparence et la gouvernance des OPCVM seront également renforcées.

Les sociétés de gestion devront fournir plus d’informations sur la composition des portefeuilles et les risques associés aux investissements. L’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC) aura des pouvoirs élargis pour contrôler le respect des règles et sanctionner les manquements. La valorisation des actifs devra respecter des critères stricts afin d’éviter des écarts injustifiés qui pourraient nuire aux investisseurs. Par ailleurs, des mesures seront mises en place pour limiter les conflits d’intérêts et garantir une meilleure protection des porteurs de parts.

Gestion des risques

La gestion des risques est un autre aspect clé de cette réforme. En période de crise, des rachats massifs de parts peuvent déséquilibrer un fonds et mettre en péril la stabilité du marché. Pour éviter ces situations, les sociétés de gestion auront la possibilité de plafonner temporairement les rachats lorsqu’ils dépassent un certain seuil fixé par l’AMMC. Ce plafonnement permettra d’exécuter les ordres de manière progressive et équitable. En cas de circonstances exceptionnelles, elles pourront également suspendre temporairement les rachats et l’émission de nouvelles parts pour une durée maximale de 30 jours, sous réserve d’informer l’AMMC et les investisseurs concernés. L’objectif est de protéger l’intérêt général et d’éviter des réactions de panique pouvant aggraver la volatilité des marchés.

D’autres mesures visent à garantir une meilleure diversification des investissements. Un OPCVM ne pourra pas investir plus de 20% de ses actifs dans des titres émis par un même émetteur, sauf pour les titres d’État. Ce ratio peut atteindre 35% lorsque l’OPCVM cherche à répliquer un indice sous certaines conditions spécifiques. L’encadrement des prêts et emprunts de titres sera renforcé afin d’éviter des prises de risques excessives. L’utilisation des instruments financiers dérivés sera également soumise à des règles strictes pour limiter les comportements spéculatifs et préserver la stabilité du marché. Le projet de loi modernise aussi les conditions de commercialisation des OPCVM.

Les investisseurs marocains auront désormais la possibilité d’accéder plus facilement à des fonds investis sur les marchés étrangers, sous certaines conditions définies par l’AMMC. À l’inverse, les OPCVM étrangers souhaitant proposer leurs produits au Maroc devront obtenir une autorisation préalable, garantissant ainsi une meilleure protection des investisseurs locaux et un contrôle accru sur les produits financiers commercialisés. Enfin, un cadre clair est défini pour les opérations de fusion, de scission et de liquidation des OPCVM ou de leurs compartiments. Une fusion pourra être envisagée si elle permet une meilleure gestion des actifs et une optimisation des coûts, sous réserve de l’accord des investisseurs et de l’AMMC. Une scission pourra être réalisée si cela répond aux besoins du marché. En cas de difficultés financières ou de non-respect des obligations réglementaires, un OPCVM pourra être liquidé selon des règles précises garantissant la protection des porteurs de parts.

Des sanctions en perspective

Pour assurer une mise en œuvre efficace de ces nouvelles règles, l’AMMC bénéficiera de pouvoirs accrus en matière de supervision et de sanction. Elle pourra retirer l’agrément d’un OPCVM ou d’une société de gestion en cas de non-respect des règles prudentielles. Des sanctions financières et disciplinaires seront également prévues pour toute infraction aux obligations de transparence et de gouvernance.

De plus, les sociétés de gestion devront signaler rapidement tout dépassement des seuils réglementaires afin de garantir une surveillance rigoureuse du marché. Avec cette réforme, le Maroc ambitionne de renforcer l’attractivité de son marché des OPCVM et d’aligner son cadre réglementaire sur les meilleures pratiques internationales. En rendant ces produits plus transparents, plus diversifiés et mieux encadrés, cette modernisation pourrait inciter davantage d’investisseurs, tant nationaux qu’étrangers, à s’engager sur le marché marocain.

Cependant, la réussite de cette transition dépendra de la capacité des acteurs du secteur à s’adapter aux nouvelles exigences et de l’efficacité des régulateurs à assurer un suivi rigoureux. Si ces conditions sont réunies, cette réforme pourrait marquer un tournant décisif pour l’évolution de la gestion d’actifs au Maroc et contribuer à la dynamisation des marchés financiers du pays. 

 

 

 

Articles qui pourraient vous intéresser

Dimanche 09 Mars 2025

Financement : «Le GCAM assure 85% des enveloppes globales dédiées au secteur agricole marocain»

Dimanche 09 Mars 2025

Banques : la nécessaire maîtrise des filiales à l'international

Samedi 08 Mars 2025

Marché à terme interbancaire : «Une pierre angulaire dans l’édifice d’un marché de change plus structuré»

Samedi 08 Mars 2025

Modernisation du cadre bancaire : Bank Al-Maghrib accélère ses réformes

L’Actu en continu

Hors-séries & Spéciaux