◆ Marquée par de fortes incertitudes, la conjoncture actuelle ne permet pas à tous les contribuables de régulariser leur situation en 2020.
◆ Il faut procéder à un ciblage selon les secteurs et la catégorie des assujettis.
Par C. Jaidani
Dans le cadre du projet de Loi de Finances 2020, le gouvernement a lancé plusieurs amnisties fiscales visant notamment les activités informelles, les avoirs à l’étranger, les déclarations rectificatives, les chèques en bois et aussi les revenus locatifs. Ces dispositions ont été reconduites dans le projet de Loi de Finances rectificative 2020. Le gouvernement espère avec ces nouvelles mesures renforcer ses recettes fiscales et permettre aux contribuables de régulariser leur situation.
Sous l’effet de la crise économique actuelle, des voix s’élèvent actuellement, véhiculant l’idée d’un prolongement de ces amnisties jusqu’au prochain exercice, surtout que le gouvernement prépare actuellement le projet de Loi de Finances 2021. Ils avancent plusieurs arguments comme le délai court et les contraintes liées à la crise sanitaire qui perturbent leurs activités ainsi que les démarches administratives et comptables.
Pour les revenus locatifs, par exemple, des échos recueillis auprès des agences immobilières font état de difficultés de recouvrement des mensualités. Pour certains biens immobiliers, le cumul des arriérés atteint des niveaux importants. Cela impacte le revenu des propriétaires et, par conséquent, ils ne peuvent régulariser leur situation fiscale. Il est donc essentiel de donner plus de temps pour que les locataires puissent s’acquitter de leurs engagements. Interrogés à ce sujet, plusieurs spécialistes confortent l’idée d’un prolongement des amnisties fiscales, invoquant la situation exceptionnelle que traverse le pays et la conjoncture morose. Toutefois, les avis sont mitigés quant à la manière de piloter ces amnisties.
«Le gouvernement a présenté la mouture des amnisties fiscales en octobre 2019 dans un contexte bien déterminé, complètement différent de la situation actuelle. Certes, les dispositions ont été reprises dans le cadre de la Loi de Finances rectificative avec quelques ajustements, mais elles restent quelque part en déphasage avec l’environnement post-Covid-19. Contrairement aux amnisties lancées auparavant, l’initiative actuelle risque de ne pas donner les effets escomptés avec le climat d’incertitude qui règne actuellement. Un prolongement permettra de donner des signes de confiance au monde des affaires, générant au passage les ingrédients nécessaires pour stimuler la croissance», souligne Youssef Oubouali, professeur de droit fiscal.
Il précise que «l’amnistie est une exception et pas la règle. Il faut tirer profit des expériences conduites par le passé dans ce domaine. Certains assujettis sont de mauvais contribuables, quelle que soit la forme d’arrangement proposée. Par exemple, dans l’informel, les formules déclinées ont donné très peu d’effet. Les personnes ciblées ne veulent adhérer à aucune démarche, même à des taux d’imposition extrêmement réduits. Il faut procéder par ciblage, soit au niveau sectoriel ou par catégorie de contribuable», ajoute Oubouali.
En effet, certains secteurs comme le tourisme ont été fortement impactés par la crise économique et toutes les prévisions révèlent qu’ils ne pourront retrouver une activité avant le deuxième semestre 2021, voire 2022. Par ailleurs, il faut noter que la conjoncture incertaine et les mesures restrictives actuelles pèsent lourdement sur les personnes ayant des avoirs à l’étranger. «La plupart de ces personnes ne peuvent régulariser leur situation si elles ne se déplacent pas dans les pays où elles disposent de ces avoirs (pour la quasi-totalité des pays européens).
Actuellement, il est difficile de voyager en Europe à cause des restrictions imposées, d’autant plus que ces gens redoutent le risque d’être bloqués à cause de l’interdiction de voyage imprévisible», souligne Abdelaziz Slaoui, professeur d'économie.