A quelques mois de l’apparition des premières banques participatives, le cadre fiscal de la Mourabaha et de la Ijara Mountahia Bitamlik a été revu pour plus d’équité et de neutralité fiscale. Le législateur n’a pas souhaité donner d’avantages fiscaux à ces produits. Il a aligné leur fiscalité sur celle des produits bancaires conventionnels. Aucune disposition fiscale n’a été prise en ce qui concerne les produits de financement type Musharaka.
Les experts et autres spécialistes qui militent depuis des années en faveur d’une finance islamique forte et attractive au Maroc sont rassurés : le traitement fiscal réservé par le législateur dans la Loi de Finances 2016 aux produits participatifs a, partiellement, répondu à leurs attentes. Ces dispositions fiscales, qui concernent les produits participatifs les plus connus que sont Mourabaha et Ijara Mountahia Bitamlik (IMB, apparenté au leasing), vont faire baisser le coût de ces produits et les rendre plus compétitifs, à la grande satisfaction des promoteurs de la Banque «halal».
A quelques mois de l’ouverture des premiers guichets de banques participatives (mars 2016 selon plusieurs sources), ces amendements du Code général des impôts (CGI) arrivent à point nommé. Car, en dépit de l’adoption par le Maroc d’une loi bancaire permettant l’installation de banques participatives, un vide fiscal subsistait, laissant planer un doute sur la compétitivité des produits islamiques qui y seront commercialisés. La fiscalité a, en effet, toujours été l’obstacle numéro un à la commercialisation des produits participatifs tels que la Murabaha et la Ijara. Dès 2007, ces deux produits participatifs ont été commercialisés au Maroc à travers Dar Assafaa, filiale d’Attijariwafa bank. Le moins que l’on puisse dire est qu’ils n’ont pas connu un franc succès, alors même que plusieurs enquêtes ont démontré auparavant l’attrait du consommateur marocain pour ces produits.
Ni avantagé ni pénalisé
«Il y avait une série de contraintes fiscales à traiter, notamment la double imposition de ces produits au moment de l’achat du bien par l’établissement et au moment de la vente du bien au client», explique Hamid Khouloud, directeur du Centre marocain de finance participative Quodwa, et président de la commission fiscalité CGEM de la région de Tensift. Ce dernier s’est exprimé à l’occasion du «Sommet de la Finance islamique et participative», organisé récemment à Casablanca par le cabinet i-performance, et qui a réuni un grand nombre d’experts. «Il ne faut pas que la foi coûte cher», résume assez justement un participant à la conférence.
Pour que la «foi» ne pénalise pas le portefeuille des clients, la question de la neutralité fiscale des produits participatifs devenait urgente. «Il ne s’agit pas d’avoir un avantage fiscal pour ces produits, mais juste de parvenir à l’équité fiscale par rapport aux produits conventionnels», souligne H. Khouloud. «Nous demandions juste que la banque islamique s’aligne sur le conventionnel et bénéficie des mêmes conditions fiscales, ni plus ni moins», poursuit-il.
Selon cette logique du «je n’encourage pas, je ne pénalise pas», le législateur a donc remédié à la distorsion fiscale existant entre les deux types de produits, en les mettant tous deux sur un même pied d’égalité, que ce soit en matière de paiement de l’IR, de taux de TVA (voir encadré).
Aucune disposition sur Mousharaka
Si la neutralité fiscale de la Mourabaha et de l’IMB sera effective dès janvier 2016, qu’en est-il des autres produits de financement des entreprises, type Mousharaka et Moudaraba ? Pour ces cas précis, la Loi de Finances 2016 est restée muette. «L’IS concernant ces produits n’est pas abordé dans la Loi de Finances, et le vide juridique fiscal persiste», explique H. Khouloud. «Ceux qui vont se lancer dans la Mousharaka (équivalent du capital-risque) s’exposeront à un risque fiscal très important», avance pour sa part Abderrafi El Maataoui, expert-comptable. «En réalité, le message de l’Etat est très clair : ne faîtes pas de Mousharaka pour l’instant», poursuit-il. Une attitude du législateur qui peut se comprendre, selon certains experts, qui jugent qu’il est préférable de commencer par des produits simples avant de passer à des produits qui requièrent plus de technicité et, surtout, de transparence. «Plusieurs études soulignent que durant les premières années qui suivent le lancement des banques participatives, les produits Mousharaka croissent de manière très confidentielle», note cet assureur. «Par ailleurs, il y a ce problème de transparence des bilans des PME. Nous ne sommes pas encore prêts pour la Mousharaka; il faut y aller progressivement», préconise-t-il.
Toujours est-il qu’en attendant une révision de la fiscalité des produits participatifs destinés au financement des entreprises, les futurs opérateurs devraient mettre le paquet sur les produits Ijara et Mourabaha, délestés de leur encombrant boulet fiscal. Selon certaines estimations dévoilées lors de la conférence, les contrats Mourabaha devraient représenter près de 80% des contrats lors des premières années.
Les nouveautés de la Loi de Finances 2016
Mourabaha : Dans la LF 2016, il a été décidé la suppression de la déduction, en matière d’IR, des intérêts et de la rémunération convenue dans le cadre d’un contrat Mourabaha en cas d’indivision.
IMB : il a été institué un régime fiscal spécifique. En cas d’acquisition d’un logement, la loi instaure la déduction du montant de la marge locative payée par les contribuables, dans la limite de 10% du revenu global. En cas d’acquisition d’un logement social destiné à l’habitation principale, la loi instaure la déductibilité du revenu salarial du montant du coût d’acquisition et de la marge locative payée par le contribuable aux établissements de crédit et aux organismes assimilés. La LF 2016 exonère aussi le profit réalisé sur la cession d’un immeuble ou partie d’immeuble occupé à titre d’habitation principale depuis au moins 6 ans. En matière de TVA, le taux est ramené à 10%, comme s’il s’agissait d’un contrat Mourabaha.
Enfin, dans le cadre de contrats Mourabaha ou IMB, il a été décidé l’exonération de la TVA sur l’habitat social.
Amine Elkadiri