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Fiscalité/Capital investissement : Ce que réclament les professionnels

Fiscalité/Capital investissement : Ce que réclament les professionnels

 

Entretien avec Adil Rzal, président de l'Association marocaine des investisseurs capital (AMIC).

 

Le président de l’AMIC détaille les doléances fiscales de la profession pour favoriser l’essor de l’activité.

La contribution fiscale des entreprises accompagnées par le capital investissement double pratiquement entre l’entrée et la sortie de l’investisseur en capital.

 

Propos recueillis par Badr Chaou

 

Finances News Hebdo : Quelles sont vos attentes pour la prochaine Loi de Finances afin de favoriser l'essor de l'activité ?

Adil Rzal : Il convient de noter que l’émergence du capital investissement dans les pays matures s’accompagne de l’adoption d’un ensemble de règles et de lois pour mieux organiser la croissance de l’activité, afin d’attirer encore plus d’investisseurs tout en les protégeant des risques inhérents à toute activité de placement.

Nos attentes relatives à la Loi de Finances sont liées à la mise en place d’un environnement plus équitable au capital investissement au Maroc notamment.

 

F.N.H. : Par quoi se traduit cet environnement dit équitable ?

A. R. : Il se traduit notamment par l’exonération de la TVA sur les frais de gestion pour les fonds ; la mise en place de la consolidation fiscale et des avantages fiscaux liés au régime mère-filiale.

Des mesures favorisant l’épargne à long terme et la prise de risque des investisseurs institutionnels (compagnies d’assurances, fonds de pension et autres).

Ce type d’incitations fiscales liées à la durée de détention des titres encouragerait les investisseurs institutionnels à placer leur argent dans les fonds d’investissement.

De plus, les compagnies marocaines d’assurances devraient être autorisées à investir une part de leurs provisions techniques dans les fonds d’investissement non structurés en OPCC.

De même, un traitement fiscal plus favorable est souhaitable, telle une réduction de l’IR pour les personnes physiques qui investissent dans les fonds de capital investissement en contrepartie du risque lié à la composition d’actifs de ce type de véhicules.

Des incitations fiscales pour les sociétés cibles pour encourager les entreprises à recourir au capital investissement pourraient également être favorables, sur le principe des sociétés cotées, avec un format différent. L’AMIC propose un abattement de l’IS pendant toute la présence du capital investisseur au capital de l’entreprise.

Il y a également une réforme à faire concernant l’adaptation de la fiscalité aux start-up, aux fondateurs et aux investisseurs en capital amorçage/risque : adaptation de la réglementation des changes et de l’export pour l’internationalisation des start-up, stocks-options, avantages fiscaux, exonérations fiscales à la création de jeunes entreprises innovantes, exonération de la TVA ou report de TVA sans pénalité, exonération d’IR pour les salariés de la start-up, renforcement des crédits d’impôts pour tout investissement dans un fonds d’amorçage, start-up et projets de recherche et développement, transparence de l’IS pour les véhicules autres que les OPCC pour tous les investisseurs, incitations fiscales pour les prestataires de services (juridiques, fiscales) qui s’adressent aux start-up.

 

F.N.H. : Y a-t-il aujourd'hui des frottements fiscaux auxquels il faut faire face, et qui empêchent le développement de cette activité ?

A. R. : Les deux frottements fiscaux principaux sont liés à la non-récupération de la TVA par les fonds et l’absence de régime mère-filiale.

Aujourd’hui, au Maroc, les fonds paient la TVA sur les frais de gestion sans pouvoir la récupérer. C’est comme si les fonds paient un impôt à l’Etat avant de commencer à investir ! Compte tenu du volume des montants investis et du risque inhérent à l’activité d’investissement en capital, il est important pour les fonds de pouvoir récupérer la TVA déboursée sur leurs frais de gestion. Dans la majorité des pays concurrents, les sociétés de gestion ont la possibilité de récupérer la TVA ou en sont exonérées.

Dans le cadre du développement du capital-transmission, les sociétés de gestion ont généralement recours à une holding d’acquisition. La consolidation fiscale et le régime mère-filiale favoriseraient, notamment la fiscalisation des intérêts de la dette et le développement de cet important segment du capital investissement.

Dans plusieurs pays, il existe un régime fiscal qui permet de consolider les résultats fiscaux de chaque société d’un groupe. En d’autres termes, les résultats déficitaires d’une société du groupe ou de la holding viennent compenser les bénéfices des autres sociétés générant ainsi une économie d’impôt. Le Maroc est actuellement en retard par rapport à ses voisins (Algérie et Tunisie), qui disposent déjà d’un régime de consolidation fiscale. Il est donc important aujourd’hui de s’aligner sur un régime fiscal favorable à l’environnement global de l’investissement. L’adoption d’un régime de consolidation fiscale constituerait au Maroc un avantage pour les groupes de sociétés en général et pour les acteurs du capital investissement en particulier.

 

F.N.H. : Quelle est la contribution aujourd'hui de l'activité du non coté pour la collectivité ?

A. R. : Les sociétés financées par le capital investissement enregistrent sur la durée des performances supérieures à la moyenne des entreprises marocaines en termes d’évolution du chiffre d’affaires et des effectifs.

En 2018, les entreprises investies ont, en effet, vu leurs chiffres d’affaires et leurs effectifs croître en moyenne respectivement de 12,8% et 16% par an (Rapport annuel sur le CI au Maroc réalisé par Grant Thorton).

Ces performances se traduisent par l’augmentation de la contribution fiscale (TVA, IR, IS et autres taxes ou impôts) des entreprises investies grâce à l’amélioration du couple transparence/performance.

Enfin, l’amélioration de la gouvernance et du développement de la responsabilité sociale et environnementale est également extrêmement importante dans les sociétés cibles.

 

F.N.H. : Quelle est la spécificité de ce modèle de gouvernance ?

A. R. : Les systèmes de gouvernance mis en place par les investisseurs en capital leur permettent de s’impliquer fortement dans les sociétés cibles et de mettre en place de réelles améliorations au niveau opérationnel. Cette capacité à conduire des changements opérationnels dans une entreprise constitue un facteur clé de différenciation par rapport aux marchés cotés.

L’approche sur le long terme de l’investisseur en capital permet la mise en place de stratégies fondamentales de création de valeur, bien au-delà des résultats à court terme.

Par nature, le capital investissement ne peut tirer ses performances que de la croissance réelle et durable des entreprises dans lesquelles il investit (gagnant/gagnant).

La durée moyenne d’investissement étant de 6,1 années, et la seule façon de créer durablement de la valeur dans l’entreprise cible consiste à faire en sorte que celle-ci se développe, gagne des parts de marché, rationalise sa gestion et assainisse sa gouvernance. L’investisseur en capital ne se contente donc pas de faire de l’achat et de la vente de parts de capital, il engage directement ses compétences, son savoir-faire et son expérience. De cette façon, il se différencie de tous les autres métiers financiers en créant de la valeur réelle dans les entreprises investies.

 

F.N.H. : Peut-on quantifier la contribution du non coté en termes d'impôts ?

A. R. : La commission «Etudes et Statistiques» de l’AMIC a réalisé une étude, qui sera très prochainement rendue publique, sur l’impact fiscal du capital investissement. Les résultats de celle-ci montrent clairement que la contribution fiscale des entreprises accompagnées par le capital investissement double pratiquement entre l’entrée et la sortie de l’investisseur en capital.

En d’autres mots, les incitations et/ou exonérations que pourrait consentir l’Etat en matière de capital investissement seraient entièrement compensées et même largement rétribuées grâce aux contributions fiscales des entreprises investies.

 

F.N.H. : Quelles sont vos perspectives pour le reste de l'année ?

A. R. : En l’absence de chiffres semestriels, l’AMIC table sur une année conforme aux meilleures années, à savoir des investissements d’environ 800 MDH avec un segment de l’amorçage plus dynamique grâce au fonds Innov Invest.

Notre association est également focalisée sur l’organisation de sa conférence annuelle, qui réunit l’ensemble des acteurs du capital investissement et se tiendra au début de l’année 2020.

Enfin, la profession souhaite lever davantage de fonds afin de maximiser la création de valeur dans les entreprises et appelle les autorités à améliorer le cadre fiscal pour les entrepreneurs et les investisseurs qui utilisent cette classe d’actifs, génératrice de revenus fiscaux et d’impacts économiques et sociaux indéniables. 

 

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