Un engagement financier plus audacieux de la part des investisseurs locaux est crucial pour catalyser le secteur fintech et stimuler une croissance comparable à celle observée dans d'autres régions.
Par D. M.
Dans le paysage dynamique des startups africaines, les jeunes entreprises marocaines se distinguent par leur ingéniosité et leur volonté d'innover, mais elles peinent à rivaliser en termes d'investissements avec leurs homologues nigérianes, égyptiennes, kenyanes ou sud-africaines. En 2023, sur les 2,9 milliards de dollars levés par les startups du continent, le Maroc n'a capté que 17 millions de dollars, soit à peine 0,4% de ce montant, selon les données de la plateforme Africa The Big Deal.
À la question de savoir pourquoi le Maroc, bien que doté d’une solide économie et d’un système financier bien établi, ne parvient pas à se positionner sur cette niche de la fintech, Sofiane Gadrim, directeur des nouvelles technologies (CTO) et co-fondateur d’Atela, statue sur certains obstacles, tout en restant optimiste. Pour lui, le manque de compétences spécialisées reste un obstacle significatif pour le développement des fintech au Maroc.
Ce domaine, exigeant une expertise pointue en technologie et finance, est actuellement soutenu par un effort conjoint des institutions éducatives et des structures d'accompagnement. Au delà des salles de classe, le Maroc bénéficie d'un réseau d'incubateurs dynamiques. Ces plateformes offrent du mentorat, des formations pratiques et des opportunités de mise en réseau, bien que leur coordination laisse parfois à désirer, entraînant des redondances et un manque d'alignement stratégique entre les différentes initiatives. Gadrim reste tout de même optimiste, dans la mesure où des programmes académiques sont en cours d’adaptation pour mieux refléter les besoins du marché avec des technologies émergentes telles que la blockchain, l’intelligence artificielle et la cybersécurité.
Secteur bancaire rigide et réglementation contraignante
Un autre obstacle est la rigidité de la réglementation. Cette rigidité entrave l'innovation et décourage les investissements, contrairement au pays susmentionnés, où les fintech ont pu prospérer en raison d'un écosystème bancaire plus souple. Notre source affirme qu’en 2022, Bank Al-Maghrib a pris une mesure prometteuse en lançant des «sandboxes réglementaires». Une initiative accueillie avec enthousiasme comme un progrès significatif pour le secteur fintech marocain. Cependant, deux ans plus tard, les détails concrets de son impact et les retours d'expérience manquent, laissant un besoin de transparence sur les résultats de ces expérimentations. Sachant que ces espaces permettent aux startups de tester des innovations dans un cadre réglementaire assoupli, favorisant ainsi la créativité. Parallèlement, il évoque le rôle décisif des capital-risqueurs locaux qui, malgré un contexte peu favorable, doivent dynamiser l'écosystème en s'engageant davantage.
«À l'étranger, certaines startups parviennent à lever d'importantes sommes d'argent simplement sur la base d'un pitch prometteur. En comparaison, les 17 millions de dollars investis au Maroc semblent dérisoires, même dans un environnement économique difficile. Un engagement financier plus audacieux de la part des investisseurs locaux est crucial pour catalyser le secteur fintech et stimuler une croissance comparable à celle observée dans d'autres régions», explique Gadrim.
Besoin d'implication de tous les acteurs
Pour favoriser la croissance des startups marocaines, une implication accrue du secteur public dans l'octroi de marchés aux entreprises locales est nécessaire. Actuellement, le secteur public marocain achète peu de services auprès des startups, ce qui limite leur potentiel de croissance et leur capacité à exporter leurs technologies.
«La collaboration étroite entre tous les acteurs, startups, établissements éducatifs, régulateurs et investisseurs est indispensable. En renforçant ces interactions, le Maroc peut non seulement revitaliser son secteur fintech, mais aussi se positionner comme un leader régional et international dans ce domaine», confirme le co-fondateur d’Atela. Malgré ces défis, le Maroc montre des signes d'amélioration. Des entités privées et institutionnelles ont lancé plusieurs initiatives de financement ces dernières années, telles que UM6P Ventures, le Fonds Innov Invest de Tamwilcom et le Fonds Mohammed VI pour l'investissement (FM6I). Ces initiatives, combinées à la croissance du nombre de fonds de capital-risque dans le pays, devraient permettre au Maroc de franchir de nouveaux paliers dans le financement des startups au cours des prochaines années.