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Epargne et placements: «Les marchés réagissent de manière excessive à l’inflation US»

Epargne et placements: «Les marchés réagissent de manière excessive à l’inflation US»

Edmund Shing, Chief Investment Officer BNP Paribas Wealth Management, et Soraya Mahfoud, directeur Banque Privée – BMCI, nous offrent dans cet entretien un tour d’horizon de l’actualité des marchés financiers et du comportement des différentes classes d’actifs.

 

Propos recueillis par A. Hlimi

Finances News Hebdo : Certains économistes évoquent une spirale plus longue que prévue de l'inflation US. Pensez-vous que ce sera le cas ou bien le sujet est définitivement dépassé ? 

Edmund Shing : Je crois que les marchés financiers sont en train de réagir de manière excessive à trois mois de données sur l’inflation américaine plus élevées que prévu. En général, nous nous attendons à ce que les taux d’intérêt élevés et l’atténuation des pressions structurelles sur l’offre permettent à l’inflation américaine de baisser d’ici la fin de cette année, parallèlement à un ralentissement de la consommation des ménages à mesure que la demande d’emploi diminue. Plusieurs composantes de l’inflation américaine devraient ralentir dans les mois à venir  :  les loyers liés au logement,  l’assurance automobile, l’inflation des services liée à la croissance des salaires, qui devrait baisser à mesure que le chômage commence à augmenter.  Cependant, il est trop tôt pour dire que le sujet de l’inflation américaine «plus élevée pour plus longtemps» est définitivement derrière nous, car une présidence Trump à partir de 2025 pourrait voir des droits de douane plus élevés sur les importations et de nouvelles réductions d’impôts, ce qui pourrait stimuler à nouveau l’inflation.

 

F.N.H. : Quelles sont vos anticipations de la politique monétaire de la FED et de la BCE ? Des pivots sont-ils possibles cette année ?  

E. Sh. : Oui, nous nous attendons à ce que la Réserve fédérale américaine et la Banque centrale européenne commencent à réduire leurs taux d’intérêt de référence cette année. La BCE devrait commencer à baisser ses taux directeurs en juin, la croissance économique dans la zone Euro étant déjà très faible (les ménages ont tendance à épargner plus qu’à dépenser à l’heure actuelle). L’inflation en Europe se rapproche relativement rapidement de l’objectif de 2% de la BCE. Nous nous attendons à ce que cette dernière procède à trois baisses de taux cette année (à 3,25% d’ici la fin de 2024), et davantage en 2025. Aux États-Unis, compte tenu de la demande robuste des consommateurs et de la nécessité de voir l’inflation chuter vers 2%, la FED attendra jusqu’en septembre avant de réduire son taux des fonds fédéraux. Nous ne prévoyons qu’une seule baisse des taux de la FED cette année, 4 réductions de taux supplémentaires en 2025 et peut-être plus en 2026.  De manière générale, nous nous attendons à ce que de plus en plus de Banques centrales dans le monde réduisent leurs taux d’intérêt cette année et l’année prochaine, tandis que la flambée d’inflation due à la pandémie de COVID-19 et au conflit en Ukraine continue de s’estomper, et dans la mesure où les taux d’intérêt élevés actuels ont pour effet de ralentir la demande économique globale.

 

F.N.H. : Vous évoquez dans votre présentation un nouveau Bull Market sur les matières premières. Pourquoi ? 

E. Sh. : Le monde a sous-investi dans la nouvelle production de matières premières (énergie, métaux, agriculture) depuis 2015 en raison de la faiblesse des prix de ces dernières et de la consolidation rapide des industries énergétiques, minières et alimentaires à l’échelle mondiale. Mais il existe un dicton auquel je souscris : «Le remède aux prix bas, ce sont les prix bas». Plus les prix des produits de base resteront bas, plus les entreprises productrices de ces mêmes produits sous-investiront dans de nouvelles capacités, voire fermeront même temporairement ou définitivement la production existante. Ceci entraîne finalement une baisse de l’offre jusqu’à ce qu’elle soit égale, puis inférieure à la demande, ce qui conduit finalement à une hausse des prix des produits de base. Selon nous, la combinaison de quatre facteurs aujourd’hui est à l’origine d’un nouveau marché haussier :

• Sous-investissement dans la nouvelle production de matières premières (par exemple les puits de pétrole et de gaz, les mines);

• Consolidation des principaux secteurs producteurs de matières premières comme les grandes sociétés pétrolières, gazières, minières, d’engrais et agricoles qui ont fusionné ou acheté d’autres producteurs de matières premières, en se concentrant ensuite uniquement sur la production la moins coûteuse et donc la plus rentable;

• Faiblesse des stocks mondiaux de matières premières clés comme le cuivre, l’argent, l’étain et le pétrole qui sont tombés à leur plus bas niveau depuis plusieurs années;

• Demande accrue en lien avec la transition énergétique et les objectifs de «zéro carbone» net, ce qui implique une croissance énorme des énergies renouvelables et des infrastructures de transmission de l’énergie. Cela entraîne des dépenses initiales considérables dans des produits clés tels que l’acier et le béton pour l’installation d’éoliennes, par exemple.

Le cuivre est en forte demande pour l’électrification de l’économie mondiale, en particulier pour les véhicules électriques (qui consomment 4 fois plus de cuivre qu’un véhicule essence/ diesel conventionnel) et pour l’expansion et la modernisation des réseaux de transport d’électricité.

 

F.N.H. : Dans le contexte actuel, quelles classes d'actifs conseillez-vous de surpondérer dans les portefeuilles ?

E. Sh. & Soraya Mahfoud : Nous privilégions les catégories d’actifs suivantes :

• Les actions : la liquidité mondiale abondante, la croissance positive des bénéfices, l’impact favorable des rachats d’actions sur les bénéfices et la baisse des taux d’intérêt à long terme sont des facteurs porteurs pour les actions. À l’heure actuelle, nous préférons les secteurs plus sensibles sur le plan économique, notamment les secteurs des services financiers, des produits de base et des biens et services industriels. Nous avons par ailleurs un biais pour les marchés boursiers en dehors des États-Unis qui ont des valorisations plus attractives, comme la zone Euro, le RoyaumeUni, le Japon et l’Amérique latine. Nous favorisons également les actions exposées à certains thèmes d’investissement à long terme, tels que l’eau potable. 

• Les métaux précieux, y compris l’or et l’argent. L’or physique reste pour nous un actif clé de diversification et une bonne source de protection des portefeuilles des clients contre les risques d’incertitude géopolitique et de volatilité des marchés. Nous apprécions également l’argent pour sa valeur en tant que métal monétaire comme l’or, mais aussi en tant que composant clé des panneaux solaires et de l’industrie électronique.

• Les métaux industriels sont essentiels à la transition énergétique, notamment le cuivre. La croissance de la demande de cuivre devrait être forte dans les années à venir, tandis qu’aucune nouvelle mine de cuivre n’augmentera l’offre mondiale de manière significative. Tout cela suggère un prix plus élevé pour le cuivre à long terme. Nous conseillons donc un investissement dans le cuivre et dans les producteurs de cuivre.

• Certaines obligations, dont les obligations souveraines émergentes qui offrent un rendement attractif, notamment par rapport aux obligations d’entreprises américaines à haut rendement.

 

F.N.H. : Quelles solutions de placement sont proposées par BNPP pour profiter au mieux du contexte actuel du marché ?

S. M. : A la BMCI Banque Privée, notre démarche ne se limite pas à un simple placement de produits, elle repose plutôt sur la construction d'une stratégie de placement personnalisée qui correspond au profil d’investisseur de nos clients, à leurs objectifs et à leur tolérance au risque.  Nous préconisons généralement de construire cette stratégie autour d’un socle sécuritaire, dont la proportion va dépendre de l’appétence au risque du client, et qui va être constitué :

• de produits de taux classiques (DAT, CD, ou OPCVM peu risqués);

• et d’une poche d’assurance épargne pour le volet prévoyance, et aussi pour les nombreux avantages offerts dans le cadre de la planification patrimoniale.

A ce socle, viennent s’ajouter des satellites, composés d’actifs généralement plus risqués, qui viennent apporter de la diversification. Ils vont permettre de dynamiser la performance globale du portefeuille sur l’horizon d’investissement.  Nous pouvons y retrouver une poche d’actions en titres vifs ainsi que des OPCVM action, diversifié ou sur des thématiques particulières, pour apporter une diversification locale. Nous recommandons ensuite d’introduire une diversification internationale supplémentaire à travers des positions sur de nouvelles classes d’actifs et zones géographiques en optant pour les certificats de dépôts structurés.

En accord avec la réglementation marocaine, ces produits permettent de s’exposer, à partir du Maroc et de comptes en dirhams, à tout type de sous-jacent à l’international (indices boursiers, paniers d’actions, paniers de devises, matières premières comme l’or, l’argent…). Ils présentent deux avantages  : la recherche de performance et la garantie du capital à l’échéance. Ils ont également la particularité d’offrir des solutions permettant de tirer profit de toutes les configurations de marché (haussier, baissier, stable ou volatil) et d’implémenter ainsi les recommandations de la Stratégie de BNP Paribas Wealth Management.

 

F.N.H. : Des exemples précis ?

S. M. : Il est possible de structurer ce type de produits sur des thématiques très variées, mais si nous devions en retenir quelques-unes à mettre en avant, en lien avec la Stratégie de BNP Paribas Wealth Management, ce serait celles autour de l’or jaune et de l’or bleu. D’abord l’or jaune, valeur refuge de référence. L'intérêt est tant conjoncturel, avec des perspectives qui restent haussières à moyen terme, que structurel, puisque l'or possède des vertus de diversification et de décorrélation par rapport aux classes d'actifs traditionnelles.  Puis l’or «bleu», en lien avec le stress hydrique. La demande croissante en eau offre de nombreuses perspectives d’investissement. Et nous pourrions structurer un produit sur cette thématique en choisissant de prendre position sur l’indice BNPP Global Water qui investit dans des entreprises internationales directement impliquées dans la filière de l’eau. Notre force est de pouvoir capitaliser sur notre adossement au Groupe BNP Paribas et sur l’accès à toutes ses expertises, pour proposer à la clientèle Banque Privée des solutions d’investissement sur des marchés et des thématiques très variés, à partir de placements au Maroc.

 

 

 

 

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