Le projet relatif au basculement des PME aux normes IFRS n’accuse pas de retard, mais prend tout le temps nécessaire sachant que c’est un projet d’envergure.
Valeur aujourd’hui, la convergence des PME vers les normes IFRS reste optionnelle.
L’approche française privilégie les principes de libre choix, d’adaptabilité et de progressivité.
Entretien avec Abdellatif Bernossi, président de l’Ordre National des Experts-Comptables
- Finances News Hebdo : Dans ce contexte de crise, le projet de basculement vers les normes IFRS pour les PME est-il toujours d’actualité ?
- Abdellatif Bernossi : Certes, en pleine crise financière, quelques voix, notamment en Europe, se sont élevées pour remettre en cause le concept de «juste valeur», pierre angulaire de l’édifice des IFRS. Cependant, et très vite, ce débat n’a pas eu de suite et la convergence vers les normes IFRS poursuit son chemin dans différents pays à des rythmes plus ou mois soutenus.
- F. N. H. : Quelles sont les grandes lignes du plan d’action mis en place, les modalités et la démarche de ce basculement ? Et quels en sont les points de blocage ?
- A. B. : Au Maroc, l’adoption des normes IFRS, si elle est obligatoire pour le secteur bancaire depuis 2008, demeure, en revanche, optionnelle pour les sociétés cotées en Bourse. Parmi ces dernières, nombreuses sont celles qui s’y sont soumises volontairement.
L’avancement du projet de convergence des normes marocaines vers les normes IFRS se fait à deux niveaux actuellement. Le premier concerne le projet de loi sur la consolidation. Nous avons participé activement à son élaboration. Il vise, entre autres, à imposer la présentation des états financiers consolidés sous normes IFRS.
Le deuxième niveau est plus global et concerne la convergence des normes marocaines vers les normes IFRS.
- F. N. H. : Le tissu économique étant hétérogène et les attentes des PME étant différentes les unes des autres, ce plan a-t-il tenu compte de cette spécificité ?
- A. B. : L’approche de l’information financière selon les normes IFRS véhicule une culture différente de la nôtre qui est basée sur une approche historique des coûts, et la prééminence du juridique sur l’économique.
Par conséquent, c’est une révolution dans la communication financière qu’il faudra instaurer progressivement en l’accompagnant de mesures de sensibilisation et de formation. C’est ce qui explique que, même la réglementation européenne, en ce qui concerne les PME, confère aux normes IFRS, pour le moment, un caractère optionnel.
Quant à l’hétérogénéité des PME marocaines, elle ne joue que pour le délai et les modalités d’adoption des IFRS et non par rapport aux règles qui sous-tendent ces normes.
- F. N. H. : Où en sommes-nous dans le travail de la commission constituée d’experts-comptables ? Et avez-vous eu un feed-back de la part du ministère de l’Economie et des Finances ?
- A. B. : La commission en charge de ce projet a terminé la phase préparatoire relative, principalement, à la définition de la méthodologie d’approche. Cela signifie que nous sommes en attente de la décision du ministère de l’Economie et des Finances pour lancer les travaux techniques de convergence. Il n’y a pas de blocage, c’est un projet important et il convient de réunir les conditions requises pour sa réussite.
- F. N. H. : Quelle a été votre réaction suite au rejet de ces normes par les PME françaises ?
- A. B. : Comme avancé précédemment, l’aspect culturel n’est pas négligeable et les Latins partagent avec nous ce souci de la rigueur juridique qui ne permet pas, à titre d’exemple, d’inscrire à l’actif du bilan une immobilisation qui n’est pas, juridiquement parlant, propriété de l’entreprise comme c’est le cas pour les biens acquis en crédit-bail.
Aussi, depuis 1999, le Conseil de Réglementation Comptable agit progressivement par des règlements optionnels visant à converger vers les normes IFRS, tout en les adaptant aux spécificités de la PME française.
- F. N. H. : Si jamais ce basculement est maintenu, peut-on avoir une idée du planning de sa mise en œuvre ?
- A. B. : La convergence des normes marocaines vers les normes IFRS est, à mon avis, inéluctable. C’est un projet qu’il faut conduire avec intelligence et pragmatisme. L’approche française n’est pas inintéressante dans la mesure où l’on privilégie les principes de libre choix, d’adaptabilité et de progressivité. C’est un chantier de moyen terme. Nous attendons que le ministère lance les travaux techniques pour entamer ce cheminement progressif vers les IFRS, sachant que le monde de la finance bouge en permanence et que ce travail de normalisation aura, sans nul doute, un caractère permanent également.
Pages réalisées par SE & IB
30-09-2010