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Entretien : «La Banque Populaire n’a pas de besoin structurel en liquidité»

Entretien : «La Banque Populaire n’a pas de besoin structurel en liquidité»
Les solutions de collecte de l’épargne à moyen terme ont été accueillies timidement par le marché.
Le décalage constaté entre l’évolution des crédits et des dépôts ne constitue pas un différentiel important pour déclencher une réelle tension à la hausse sur les taux débiteurs.
Le point avec Othmane Tajeddine, Directeur de la banque des marchés à la Banque Populaire. - Finances News Hebdo : Que pensez-vous de la situation des liquidités ? 
- Othmane Tajeddine : La liquidité du système bancaire est globalement satisfaisante. Les agrégats monétaires sont bons et la Banque centrale veille constamment à un approvisionnement suffisant en liquidité pour accompagner la croissance de notre économie et garantir la stabilité des taux.
Nous avons assisté, durant les trois ou quatre dernières années, à une croissance des dépôts de la clientèle moins rapide que celle des crédits. Cette configuration, accentuée par l’importante hausse des prix des matières premières et les turbulences que traverse l’économie mondiale, a généré des besoins importants en terme de liquidité pour les banques. 
Pour faire face à cette situation, le secteur bancaire a été accompagné par Bank Al-Maghrib qui a procédé à un abaissement progressif du taux de la réserve monétaire de 15 à 6%.  
Ensuite, le secteur bancaire a eu recours, de façon soutenue, aux avances hebdomadaires de Bank Al-Maghrib, qui se situent autour de 25 milliards de MAD, soit à peine 4% des ressources bancaires, ou encore l’équivalent de la réserve monétaire.
Le secteur bancaire a également fait appel au marché des capitaux, via l’émission de certificats de dépôts, ou encore la dette subordonnée, dans le but d’améliorer sa liquidité et consolider son assise financière. Ainsi, l’encours des titres de créances émis par le secteur bancaire est passé de 31 milliards en 2008 à 60 milliards de MAD à fin août 2011.
Enfin, la titrisation des créances est un autre moyen d’améliorer la liquidité, même si les banques n’y ont pas encore recours de façon significative.

- F.N.H : Face à votre besoin croissant de liquidités, comment arrivez-vous à gérer le manque de liquidité au sein de votre établissement bancaire ?
- O.T : La Banque Populaire n’a pas de besoin structurel en liquidité, cependant, et au gré de l’évolution de l’activité, notre trésorerie va fluctuer sur une bande plutôt étroite.
Par ailleurs, nous avons sollicité le marché financier à plusieurs reprises et la confiance des investisseurs se trouve renforcée à chaque opération (emprunt obligataire, augmentation de capital) avec des taux de réussite dépassant toujours nos attentes.
Aussi, nous portons une grande attention à notre portefeuille investissement qui dépasse aujourd’hui les 15 milliards de MAD et qui nous permet un accès facile à la monnaie centrale. Je pense notamment aux opérations de régulation monétaire telles les avances hebdomadaires de Bank Al-Maghrib.
Et enfin, la Banque Populaire continue de placer la collecte et le développement de l’épargne nationale comme étant un axe stratégique prioritaire de son business modèle. Tous les efforts sont ainsi déployés en direction de la bancarisation et de la mobilisation de l’épargne à moyen et long termes.

- F.N.H : Quel est en moyenne votre besoin de liquidité ? Est-ce que le montant servi par BAM est jugé satisfaisant ?
- O.T : Habituellement, notre besoin est largement absorbé par la taille du business quotidien, et dans les périodes de tension, la Banque centrale injecte efficacement la liquidité nécessaire pour équilibrer la trésorerie de notre banque et celle de tout le système bancaire.
Il est important de noter que notre banque dispose d’une marge suffisante sur son coefficient d’emploi, lui permettant de gérer au mieux ses besoins en liquidité.
À titre de précision, la réserve monétaire obligatoire, correspondant au solde moyen que la BCP doit maintenir auprès de BAM, s’est chiffrée sur les 6 premiers mois de l’année 2011 aux alentours de 6,2 MM de MAD. 

- F.N.H : Quelles sont les mesures à entreprendre que vous proposez pour atténuer cette crise ? (Améliorer la bancarisation, mobiliser l'épargne longue...?)
- O.T : Plusieurs solutions ont été mises en place par le secteur bancaire en coordination avec les pouvoirs publics, je pense notamment aux produits d’épargne défiscalisés. 
Les solutions de collecte de l’épargne à moyen terme ont été accueillies timidement par le marché. Elles n’ont pas permis d’atteindre les objectifs escomptés.
Dans l’attente de procéder aux aménagements nécessaires pour rendre ces solutions plus attractives, il est nécessaire de déployer les solutions classiques de bancarisation et de collecte de l’épargne grand public.
La densification du réseau bancaire combinée à une tarification adéquate, à une modulation des offres de services bancaires et à une adaptation des véhicules de crédit et de dépôt restent, à notre sens, les meilleurs moyens de mobiliser l’épargne.
Le marché de la finance islamique, qui cherche encore sa place dans le paysage financier marocain, peut également apporter une bonne valeur ajoutée. Les banques sont appelées à développer davantage de solutions répondant aux besoins de la population intéressée par ce compartiment.

- F.N.H : Vu la progression des crédits d'une manière plus élevée que celle des dépôts, prévoyez-vous un resserrement des conditions de financement de l'économie (taux d'intérêt, durée de remboursement, examen des dossiers...) ?
- O.T : Le décalage constaté entre l’évolution des crédits et des dépôts ne constitue pas un différentiel important pour déclencher une réelle tension à la hausse sur les taux débiteurs, surtout que les banques ont la possibilité de recourir à d’autres sources de financement disponibles. 
Cependant, la persistance des périodes de tension sur les liquidités peut pousser les banques à une gestion plus fine de leur trésorerie et, par là même, de leur politique en matière d’octroi de crédit. 

- F.N.H : Dans un contexte de lancement de plusieurs projets d'investissements gouvernementaux, de manque d'épargne longue et de déficit du Trésor, espérez-vous un abaissement du taux de la réserve obligatoire par la Banque centrale ou encore la diminution du taux directeur ?
- O.T : Les baisses successives du taux de la réserve monétaire ont en effet permis d’atténuer l’impact et la récurrence des périodes de tension sur le cash. 
La Banque centrale continue de surveiller de très près le marché pour combler les éventuels besoins en liquidité et fournir la profondeur nécessaire au marché.
Quant au taux directeur, la décision dépendra de plusieurs éléments, notamment les niveaux de prix et le taux de croissance de l’économie nationale et internationale. 
Bank Al-Maghrib gère, à notre avis, de manière très efficiente les agrégats monétaires de notre pays ; les dix dernières années ont montré une très bonne adéquation entre la politique monétaire, l’inflation et la croissance économique. 
Dossier réalisé par I. Ben, W. M,& D. W.

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