Les taxes parafiscales sont souvent décriées en raison de leur violation du principe de l’unicité budgétaire. Instaurées par la loi ou par décret, elles échappent au Budget général de l’Etat tant en termes de ressources que de dépenses. Mohamed Hdid, expert-comptable et associé gérant-fondateur du cabinet Hdid et associés, nous éclaire sur la manière dont ces taxes échappent au contrôle du Parlement.
Finances News Hebdo: Pouvez-vous rappeler brièvement à notre lectorat les principaux enjeux liés à l'instauration des taxes parafiscales ou taxes affectées ?
Mohamed Hdid: Les taxes parafiscales sont souvent définies comme étant l’ensemble des taxes et des redevances obligatoires perçues dans un intérêt économique ou social au profit d'une personne morale de droit public autre que l'Etat et les collectivités territoriales ou même d’une personne morale de droit privé chargée des missions de service public. Elles sont souvent décriées en raison de leur violation au principe de l’unicité budgétaire qui veut que l'ensemble des dépenses et des recettes doive figurer dans un document unique. Elles peuvent conduire à un véritable démembrement de la puissance publique, aggravée par leur diversité et celles des organismes qui en sont bénéficiaires. A contrario, ces taxes peuvent dans certains cas permettre le financement d’une politique sectorielle ou d’un projet précis et même constituer un instrument commode pour orienter de façon très souple certaines interventions économiques ou sociales ponctuelles.
F.N.H.: Quelle appréciation faites-vous des taxes actuellement en vigueur, si l'on prend en considération qu'elles demeurent en dehors du champ de la Constitution ?
M. H.: Ces taxes instaurées par la loi ou par décret échappent au budget général de l’Etat, tant en termes de ressources que des dépenses. Au Maroc, diverses taxes parafiscales existent, la plus importante est la taxe sur le ciment qui génère des ressources de l’ordre de 2 milliards de dirhams par an. Sur un autre registre, l’instauration d’une taxe parafiscale peut aboutir à l’inverse des résultats escomptés. La taxe sur le sable en est un exemple éloquent. Ces taxes peuvent également créer une pression fiscale poussant les agents économiques concernés à de l’évasion fiscale et, par conséquent, à l’effritement de l’assiette fiscale sur laquelle sont basés d’autres impôts et taxes finançant le Budget de l’Etat. Sur un plan purement technique, ces taxes concurrencent les impôts de l’Etat parce qu’elles viennent en déduction de la base de l’impôt sur les sociétés, ce qui a poussé le législateur à prévoir pour certaines taxes parafiscales leur non-déductibilité du résultat fiscal depuis 2013.
F.N.H.: En raison des nouveaux enjeux budgétaires marqués par l'efficacité de la dépense publique et de la soutenabilité des finances publiques, n'est-il pas plus judicieux de veiller à la discussion de ces taxes dans le cadre de la Loi de Finances et de leur contrôle par le Parlement pour s'assurer de leur bonne affectation ?
M. H.: En général, les taxes parafiscales sont créées par la loi et donc votées par le Parlement, même s’il existe encore des taxes parafiscales instituées par des mesures réglementaires. Le problème se situe plutôt au niveau de l’exécution de ces taxes, et donc des montants collectés et de l’usage qui en est fait. Les défenseurs de l’unicité budgétaire soutiennent que tous les prélèvements soient budgétisés dans les recettes de l’Etat et l’affectation vers tel secteur ou telle entité soit décidée également dans le cadre des dépenses de l’Etat, ce qui permet un meilleur contrôle de ces recettes et dépenses.
F.N.H.: Dans le même sillage, on remarque que la Loi organiques des Finances de 2015, dont le leitmotiv est de garantir la transparence financière, n'a rien prévu à cet égard. Quel commentaire pouvezvous nous faire à ce sujet ?
M. H.: Sans être formel sur votre affirmation, la solution peut consister, comme c’est le cas en France, dans la présentation en annexe à chaque Loi de Finances d’un état où figurerait la plupart des taxes parafiscales.
Propos recueillis par S. Es-siari