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Entretien : «La publication des dépenses fiscales est très utile»

Entretien : «La publication des dépenses fiscales est très utile»

Co-auteur d’une note de réflexion intitulée «Fiscalité équitable au Moyen-Orient et en Afrique du Nord», Mario Mansour revient dans cet entretien sur les principales conclusions issues de l’analyse des régimes fiscaux de la région MENA. Chef adjoint de la Division de la politique fiscale au Fonds monétaire international (FMI) et grand spécialiste des politiques économiques de la région MENA, Mario Mansour a eu l’amabilité de répondre à titre personnel aux questions de FNH. Ses réponses n’engagent nullement la prestigieuse institution de Bretton Woods. 

Finances News Hebdo : En étudiant le caractère équitable des régimes fiscaux de la zone MENA, quelle est la conclusion principale que vous tirez de ce travail de recherche ?

Mario Mansour :  La conclusion principale est que ces régimes peuvent être plus équitables qu’ils ne le sont aujourd’hui. Cela est valable, non seulement en matière de politique fiscale, mais aussi en ce qui concerne l’action des institutions en charge du recouvrement de l’impôt. Comme vous l’avez remarqué, nous n’avons pas mesuré ou estimé le degré d’iniquité des régimes. Nous avons voulu fournir une analyse par type d’impôt, en utilisant des données et des indicateurs disponibles. 

F.N.H. : Où situerez-vous le modèle fiscal marocain, concernant notamment son efficacité et sa capacité d’aboutir à une plus grande équité ? 

M. M. : Tout ce qu’on peut dire là-dessus, c’est que le Maroc génère une recette plus importante que celle constatée dans les autres économies recensées dans notre étude. Deux facteurs sont susceptibles d’expliquer ce constat. D’une part, une meilleure action des institutions en charge du recouvrement. D’autre part, une structure économique différente de celles des autres pays se trouve à l’origine de ce résultat. Les taux d’imposition restent relativement élevés, comparés à ceux des pays de l’Est de la Méditerranée. Cela dit, il est difficile de classifier les pays de la région sur l’échelle de l’équité fiscale. Comme je l’ai précisé précédemment, notre analyse est basée sur plusieurs indicateurs de l’équité fiscale, plutôt que sur une mesure spécifique qui permette de faire des comparaisons entre différents pays. A ma connaissance, ce travail n’a jamais été fait pour la région MENA. 

F.N.H. : Quel regard portez-vous sur l’expérience de publication des dépenses fiscales menée par un certain nombre de pays, dont le Maroc ? Sachant que le Maroc se contente jusqu’ici de diffuser des détails sectoriels de ses dépenses fiscales, pensez-vous qu’il serait opportun, dans un souci de transparence fiscale, d’aller jusqu’à dévoiler le nom des entreprises bénéficiaires de dérogations et d’exonérations fiscales ? 

M. M. : La publication du rapport sur les dépenses fiscales est très utile, et j’espère que le ministère de l’Economie et des Finances continuera à le faire. La publication des entreprises bénéficiaires des dépenses fiscales est un sujet très compliqué, pas seulement politiquement, mais aussi techniquement. Car, in fine, à titre d’illustration, ce ne sont pas les entreprises qui en tirent bénéfice, mais plutôt des individus (actionnaires, travailleurs, clients, etc.). Comment faire alors pour estimer le montant relatif à chacun des bénéficiaires ? Puis, qu’en est-il des dépenses fiscales liées à la fiscalité indirecte, comme la TVA ? Je pense qu’il n’est tout simplement pas possible de mesurer et d’identifier qui bénéficie de l’exonération des produits alimentaires, car tout le monde en achète. C’est probablement pour ces raisons que, généralement, les pays ne publient pas la liste des entreprises bénéficiaires, mais se contentent de les grouper par secteur économique, par décile de revenu, par région, par département ministériel, etc. 

Propos recueillis par Wadie El Mouden

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