Lors d’une conférence organisée par SFM Conseil, Antoine Mayaud, membre de l’Association familiale Mulliez (AFM) – un puissant groupement d’intérêt économique rassemblant plus de 1.000 membres et pilotant une fortune professionnelle estimée à 28 milliards d’euros –, a partagé son expérience sur les ressorts de cette réussite.
Par Y. Seddik
1. Impliquer les conjoints
Contrairement à l'idée reçue selon laquelle les conjoints doivent rester en retrait, Antoine Mayaud prône leur intégration active. En effet, leur apport est double : d’une part, ils injectent une vision extérieure qui enrichit la réflexion stratégique et, d’autre part, ils jouent un rôle clé dans la transmission des valeurs entrepreneuriales aux jeunes générations. Ainsi, en étant associés aux prises de décisions, ils contribuent à limiter les tensions et à garantir un dialogue familial plus fluide.
2. Encourager la création
L’un des écueils majeurs des entreprises familiales réside dans l’attente implicite que les descendants reprennent automatiquement l’affaire. Or, cette pression peut s’avérer contre-productive et pousser certains jeunes à se détourner de l’entreprise familiale. À l’inverse, favoriser l’entrepreneuriat au sein de la famille permet non seulement de renouveler les idées, mais aussi d’éviter la stagnation.
3. Se doter d'une vision claire et partagée
Pour éviter les divisions internes, il est impératif de définir une orientation commune. C’est pourquoi la famille Mulliez a mis en place un processus rigoureux : tous les sept ans, elle se projette à vingt ans pour établir des objectifs stratégiques partagés. Ce travail de planification contribue non seulement à renforcer la vision collective, mais aussi à instaurer une dynamique cohérente. Comme le souligne Antoine Mayaud, «il n'y a de bon vent que pour celui qui sait où il va».
4. Dialogue et transparence
Une gouvernance familiale efficace repose avant tout sur une communication sincère et constructive. À cet égard, il est essentiel d’instaurer un climat où les sujets sensibles peuvent être abordés sans tabous. En effet, la transparence ne doit pas seulement concerner la gestion financière, mais aussi les ambitions et attentes de chacun. De plus, en période de crise, la bienveillance est de mise, tandis qu’en période de succès, l’exigence doit prévaloir.
5. Formaliser par écrit les règles de gouvernance
L’absence de documentation écrite est souvent une source de conflits familiaux. Pour pallier ce risque, il est recommandé d’établir une charte familiale détaillée. Ce document, qui précise les règles d’entrée et de sortie du capital, les engagements des actionnaires et les principes de prise de décisions stratégiques, sert de cadre structurant. Ainsi, il garantit que chacun comprend et respecte les règles du jeu, limitant ainsi les éventuelles divergences.
6. Une gouvernance efficace et équilibrée
Un autre point crucial consiste à bien distinguer pouvoir exécutif et pouvoir stratégique. Trop souvent, les familles confondent leadership opérationnel et détention du capital. Or, pour éviter une centralisation excessive des pouvoirs, il est nécessaire d’instaurer un équilibre entre plusieurs instances : un conseil de famille, un conseil d’administration et un comité exécutif aux rôles clairement définis.
7. Prendre soin de la cohésion familiale
Au-delà de la performance économique, la pérennité d’une entreprise familiale repose sur la solidité de ses liens internes. C’est pourquoi il est recommandé d’organiser régulièrement des événements intergénérationnels, de proposer des formations sur la gouvernance d’entreprise et d’intégrer progressivement les jeunes aux décisions stratégiques.
8. Organiser une transmission progressive et réfléchie
Un des pièges fréquents est d’attendre trop longtemps avant de céder la direction. Or, comme le souligne Antoine Mayaud, «il vaut mieux partir trop tôt que trop tard». Ainsi, la transmission doit être anticipée et structurée en plusieurs étapes : tester les successeurs pressentis sur différents projets, leur confier des responsabilités croissantes et les former à la gouvernance.
9. Transmission patrimoniale et succession managériale
Enfin, il est fondamental de ne pas confondre héritage et direction opérationnelle. En effet, si tous les héritiers doivent avoir accès à la transmission patrimoniale, cela ne signifie pas nécessairement qu’ils doivent diriger l’entreprise. Parfois, il est plus judicieux de confier la gestion à des professionnels externes, tout en conservant un rôle d’actionnaire actif ou de membre du conseil de surveillance. En guise de conclusion, Antoine Mayaud illustre cette philosophie par une métaphore évocatrice : «Le sillon n'est droit que si les deux chevaux avancent à la même vitesse».