En moins de 2 mois, les interventions de Bank Al-Maghrib sur le marché de change ont dépassé les 6 Mds de dirhams. Pourtant, la valeur du Dirham reste élevée. Les avantages et inconvénients de cette situation.
C’est un problème de pays riches que vit le Maroc actuellement . Celui de la monnaie forte qui, d'habitude, préoccupe des économies et des banquiers centraux dans des pays comme la Chine, les EtatsUnis ou la Suisse. A l'origine de cette situation, un déséquilibre de l'offre et de la demande sur le Dirham en faveur de la demande. Pour comprendre l'origine de ce déséquilibre, il faut remonter au confinement du printemps 2020.
«La décélération des exportations marocaines à l'époque a été moins rapide que celle des importations durant cette même période. Ce qui a donné un excédent de devises chez les banques, qui est uniquement cyclique et temporaire. A cela, s'ajoutent les transferts sur la balance des paiements qui renforcent la position de change des banques», explique Abdelmalek Benabdeljalil, président de l'Association marocaine des salles des marchés (AMSM), dans une interview à Boursenews.
Dit autrement, les exportateurs et les agents économiques qui recevaient des devises, les vendaient en contrepartie de Dirhams (en l'achetant) et soutiennent donc sa valeur qui est passée sous 9 DH pour un Dollar cet automne. La position de change des banques est donc passée, en quelques mois, d'un solde négatif de 1 Md de dirhams à un solde positif de 10 Mds.
Un Dirham fort : Des avantages et des inconvénients
Un Dirham fort peut avoir des effets négatifs sur les exportations du Maroc en les rendant moins compétitives. Mais, pour un pays comme le nôtre, qui reste importateur net et dont la dette extérieure est principalement libellée en Dollar, la perte de compétitivité des exportateurs serait compensée par un plus faible service de la dette en Dollar, exprimé en monnaie nationale, et qui avoisine les 29 Mds de dirhams par an. La Banque centrale peut choisir de laisser le marché rechercher lui-même une valeur d'équilibre, ou intervenir pour freiner la surchauffe. Le dosage est subtil et les enjeux macroéconomiques ainsi que les montants en jeu sont importants.
Bank Al-Maghrib entre en jeu
La Banque centrale a fait le choix d'intervenir. Il faut dire que depuis l'élargissement des bandes de fluctuation du Dirham, les interventions de 2021 sont les premières dans le sens de l'achat. Les montants épongés ont dépassé les 6 Mds de dirhams, ramenant la position de change des banques de 10 Mds de dirhams à un peu plus de 3 Mds.
La semaine dernière, deux nouvelles adjudications ont été réalisées pour un montant total de 166 millions de dollars. Il est important de souligner que BAM intervient au prix du marché et n'influence pas le prix de référence qui est constaté quotidiennement sur le marché de change.
En conférence de presse en septembre 2021, à l'occasion de la réunion de politique monétaire de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri avait expliqué que malgré ces interventions, le Dirham reste au contact de la borne basse de la bande de fluctuation. Cela signifie que malgré les ponctions de Bank Al-Maghrib, qui finalement se retrouve vendeur de dirhams, sa valeur ne baisse pas. Il reste fort ! Selon le Wali, il faudrait une reprise des importations pour freiner cette tendance.
Le président de l'AMSM confirme ce constat et explique que les cambistes continuent d'anticiper une appréciation du Dirham. Deux raisons majeures soutiennent ces anticipations : la première réside dans le déséquilibre entre les exportations et les importations, qui continuera de s'accentuer en faveur des exportations. Deuxièmement, il y a les transferts des MRE, qui devront atteindre, selon les prévisions de Bank Al-Maghrib, un chiffre record de 87 Mds de dirhams en 2021. Autant dire que BAM va devoir continuer à intervenir pour limiter la surchauffe.
Un phénomène conjoncturel
Avant d'intervenir, la Banque centrale a tout de même effectué ses calculs et projections pour s'assurer que le Dirham n'est pas désaligné et que ce phénomène n'est que conjoncturel. Il en va de la crédibilité de l'institution et de la monnaie dont elle a la charge.
«Nous nous sommes assurés que le phénomène n'est pas structurel en effectuant des évaluations du Dirham à travers toutes les méthodes du FMI, et nous avons confronté nos résultats à ceux des experts du Fonds qui ont confirmé nos résultats. Car si le phénomène était structurel, il aurait fallu prendre d'autres décisions, comme élargir les bandes de fluctuation», a révélé Abdellatif Jouahri.
Avec plus de 300 Mds de dirhams de réserves de change, couvrant plus de 7 mois d'importations (ce qui est beaucoup, voire inutile de l'avis des économistes pour une économie avec le degré d'ouverture du Maroc), Bank Al-Maghrib dispose de suffisamment de marge de manœuvre pour poursuivre ses interventions autant que nécessaire, tant que le phénomène est considéré comme passager.