Rachid Outariatte, président de l'Association professionnelle des sociétés de Bourse et Directeur général de CDG Capital Bourse.
Les sociétés de Bourse veulent accompagner le train de réformes en cours.
Rachid Outariatte, revient sur les catalyseurs identifiés par les professionnels pour dynamiser la place.
4 leviers prioritaires : le prêt-emprunt de titres, la fiscalité, le Market Making et les ETF.
Propos recueillis par Adil Hlimi
Finances News Hebdo : L'APSB a réalisé une étude approfondie sur les pistes de développement de la Bourse de Casablanca. Quelles en ont été les principales conclusions ?
Rachid Outariatte : L'APSB, en collaboration avec le cabinet conseil O Finance, a réalisé une étude d'envergure il y a quelques temps et qui est déjà en cours d'actualisation. Elle a été réalisée dans un contexte particulier où il y a eu la démutualisation de la Bourse de Casablanca et les réformes qui vont avec, notamment le cahier des charges qui prévoit la mise en place d'un marché à terme, d'une chambre de compensation et d'une consolidation des infrastructures du marché boursier.
L'APSB a jugé important d'apporter sa réflexion à cette dynamique. Il s'agit tout d'abord, dans une première partie de l'étude, de faire le diagnostic de l'état de la Bourse de Casablanca en se basant sur des comparables pour dégager les forces et les faiblesses de ce marché.
L'étude a permis de cerner nos points forts : d'excellents régulateurs, un écosystème aux normes et efficace, des sociétés cotées de taille importante, une capitalisation boursière importante mais concentrée, qui n'arrive pas à capter tous les secteurs dynamiques de l'économie marocaine.
Notre marché a aussi des lacunes structurelles : le plus important est le manque de liquidité, au point que le Maroc est passé de statut «Emergent» à «Frontière» dans la classification MSCI.
Le flottant est également faible et le train des réformes prend du temps et peine à se transformer en produits et solutions à proposer aux investisseurs.
Je peux également citer la concentration comme frein au développement de notre marché, qu'il s'agisse de la concentration en termes d'intervenants, d'investisseurs ou même de volumes en Bourse sur les sociétés cotées. Quatre sociétés représentent assez régulièrement plus de 50% des volumes traités.
F.N.H. : Quelles sont, selon vous, les mesures à mettre en place pour dynamiser le marché ?
R. O. : Nous proposons dans l'étude une centaine d'actions pour dynamiser la Bourse de Casablanca. Certaines sont plus structurantes que d'autres ou plus faciles.
Certaines propositions peuvent rapidement être mises en place alors que d'autres demandent du temps. Pour être pratique, nous avons identifié 10 mesures impactantes dont 4 à 5 ont été considérées prioritaires avec les partenaires (Bourse de Casablanca, CFC, ASFIM, salle de marché...).
La première est le prêt-emprunt de titres. La loi existe et un amendement est en cours. Nous pensons que le prêt-emprunt de titres peut jouer un rôle dans la dynamique du marché en termes de liquidité et d'efficience.
Aujourd'hui, le volume se fait uniquement quand le marché est haussier car les gains ne se font que dans ce sens. Permettre aux investisseurs de jouer la baisse va réguler les variations excessives et limiter les phénomènes d'exubérance des marchés.
Le deuxième point important, selon nous, est la fiscalité. Nous estimons que c'est un levier pour orienter l'épargne, mais également les entreprises vers la Bourse. Le relèvement du plafond du PEA à 2 MDH a été pour nous une réussite.
La prochaine étape serait d'avoir une fiscalité avantageuse pour les investisseurs personnes physiques et pour les promoteurs dans le cadre de leurs projets de transmission d'entreprises à travers la Bourse par exemple.
Un troisième point est celui du Market Making. A l'image du fonctionnement du marché des valeurs du Trésor, nous pensons que l'introduction du Market Making va dynamiser le marché et encourager les investisseurs réticents à cause de la liquidité épisodique du marché.
Enfin, les ETF (Exchange Traded Fund) nous paraissent également un moyen central de faire passer un cap à la Bourse de Casablanca. Ces ETF sont schématiquement des OPCVM cotés. Tout en offrant un moyen de diversification, à moindre coût, aux investisseurs, ils pousseront les gérants qui les proposent à répliquer les positions à la Bourse et donc augmenter la liquidité de cette dernière.
Le lancement des ETF passe par une revue de la loi sur les OPCVM. La loi est en discussion et nous sommes convaincus qu'elle sera opérationnelle dans quelques mois.
F.N.H. : Que compte faire l'APSB pour accompagner ces réformes ?
R. O. : L'APSB doit accompagner les réformes et être une force de proposition. Les études que nous menons, permettent d'identifier des pistes concrètes d'amélioration pour le marché auprès des régulateurs et du législateur.
Un autre axe qui nous parait important est celui de l'information financière. Notre nouveau site (apsb.ma) nous permet de consolider l'information des émetteurs et des sociétés de Bourse pour rapprocher l'investisseur de l'information financière. Ce site a été pensé pour donner également des informations sur les Bourses africaines.
Nous sommes également engagés dans le processus d'habilitation des professionnels car nous estimons que c'est un pas important dans la consolidation de la confiance sur le marché.
F.N.H. : Justement, votre association se positionne désormais sur le plan continental. Un mot sur ce projet ?
R. O. : Effectivement. Les entreprises et les banques marocaines ont réussi leur pari africain. Il est temps que le marché financier s'ouvre encore plus sur son environnement et se greffe à ce mouvement.
C'est dans ce cadre que nous avons été parmi les initiateurs d'une Association des associations des brokers africains (ASSDA). Dans ce sens, nous accompagnons une initiative menée par l'Association des Bourses africaines, présidée par Karim Hajji, Directeur général de la Bourse de Casablanca, qui est le projet AELP (African Exchanges Linkage Project).
Ce projet vise à connecter des Bourses africaines et il faut que les intermédiaires boursiers y adhèrent et que leurs clients y trouvent de l'intérêt pour qu'il puisse fonctionner.
L'APSB et les différentes associations de brokers adhérentes au projet ont l'ambition forte de participer à ce projet. Nous avons la conviction que cela va se faire à long terme. Mais il faut lever certaines contraintes en termes d'infrastructure de marché, de risque de change etc.
A terme, l'APSB souhaite que les investisseurs puissent agir d’une manière dynamique, quelle que soit la tendance du marché (d'où l'intérêt du prêt-emprunt de titres), sur plusieurs types d'actifs et sur plusieurs territoires. C'est notre ambition à moyen terme et pour cela, nous devons donner les meilleurs conseils à nos clients et leur offrir des conditions d'exécution optimales. C’est le vrai challenge de transformation de notre métier. ◆