Le krach boursier chinois, qui a fait souffler un vent de panique sur les places financières internationales, trouve son origine dans une succession d’erreurs du gouvernement chinois, qui a incité les particuliers à investir massivement en Bourse. Si le calme est revenu depuis, il n’est que passager, estime Omar Fassal, spécialiste de la finance internationale chez CDG Capital.
Si la crise chinoise s’est révélée au monde au moment du krach de la Bourse de Shangaï durant le mois de juillet 2015, entraînant dans son sillage la dégringolade des principales places boursières internationales, les premiers signes d’essoufflement datent de 2013, comme le rappelle Omar Fassal, analyste des marchés financiers internationaux chez CDG Capital. Cet expert en finance internationale, s’exprimait à l’occasion d’une conférence sur la crise chinoise, organisée par l’Institut marocain des relations internationales (IMRI). «Dès 2013, des personnes comme Georges Soros, le magnat américain de la finance, ont alerté sur la menace de la crise chinoise», indique O. Fassal.
Les premiers signes dès 2013
Le ralentissement chinois connaît ses prémices dès 2013, plus précisément au moment où la réserve fédérale américaine (FED) décide de réduire ses achats d’actifs (effets «tapering»). Pour limiter la sortie de capitaux étrangers, les Banques centrales des pays émergents augmentent leurs taux directeurs afin d’offrir une rémunération attractive aux capitaux étrangers. Mais cette hausse des taux d’intérêt a pour effets collatéraux de freiner la croissance. Le coût du financement et de l’investissement devient plus cher. Et ce cycle haussier commence, dès 2013, à ralentir la croissance chinoise.
Comme le rappelle notre expert, la croissance du PIB chinois subit une baisse d’année en année. Elle frôlait les 14% dans les années 2000, elle était encore de 11% en 2010, et de 7,4% l’année dernière. Pour l’année 2015, ce sera la première fois depuis les années 80, que l’économie chinoise n’atteint pas son objectif de croissance. Le consensus de Reuters table sur une croissance de 6,9%. Mais comme l’explique O. Fassal, les statistiques sur le PIB chinois ne sont pas les plus fiables. Pour mieux appréhender le ralentissement de la Chine, il faut se pencher sur certains indicateurs qui ne trompent pas: les exportations diminuent, la production industrielle est en baisse, le secteur immobilier est en surcapacité, et le secteur bancaire a déjà trop prêté par rapport à ses fonds propres. Le ralentissement est réel, et les autorités chinoises ont décidé d’accompagner ce ralentissement en soutenant la demande intérieure à travers la stimulation des marchés boursiers. «Un marché boursier haussier apprécie le patrimoine des ménages, qui peuvent, dès lors, consommer davantage», explique O. Fassal. Les entreprises surendettées (147% du PIB) se financeront par augmentation de capital et non par crédit bancaire. «C’est le début des ennuis», résume notre interlocuteur.
Euphorie boursière à Shanghai
Le gouvernement chinois a tout fait pour encourager les particuliers chinois à investir en Bourse. Les délais pour les IPO ont été réduits, les conditions d’octroi d’effet de levier ont été allégées, et les sociétés de Bourse ont prêté de plus en plus d’argent aux investisseurs pour acheter des actions. Le marché boursier chinois a alors connu une euphorie incroyable, avec des chiffres records pour les IPO: 39% des deals mondiaux au premier semestre 2015 ont été réalisés en Chine (241 IPO). Les fonds levés sur les marchés chinois ont augmenté de 143% d’une année à l’autre ! Les entreprises cotées sont survalorisées, avec parfois des PER de 90. Par ailleurs, en quelques mois, la taille des fonds d’emprunts au courtier est passée à 4,5% de la capitalisation cumulée des Bourses de Shanghai et Shenzen. A titre de comparaison, à New York, ce taux est de 3%. Bref, tous les éléments d’une bulle spéculative étaient réunis.
Une accalmie artificielle et temporaire
Lorsque la bulle éclate, les autorités chinoises réagissent pour stopper la dégringolade à travers plusieurs mesures fortes. Ainsi, le gouvernement décide le blocage des IPO, une nouvelle baisse des taux directeurs, la suspension de la vente à découvert, etc. Ces mesures ont freiné la baisse, mais comme l’explique si bien O. Fassal, l’accalmie n’est que passagère : «C’est un calme amené par la force». Qu’adviendra-t-il une fois que ces mesures temporaires disparaîtront ? Il faut probablement s’attendre à un nouveau krach dans les prochains mois, ou tout au moins à une forte correction.
Toujours est-il que le ralentissement aura un impact sur l’économie mondiale, notamment les pays émergents exportateurs de matières premières. Le Fonds monétaire international (FMI) vient de revoir à la baisse la croissance mondiale pour 2015 (autour de 3%) et pourrait une nouvelle fois être revue à la baisse en octobre 2015.
Concernant le Maroc, O. Fassal assure que l’impact du ralentissement chinois sur le Royaume ne serait pas immédiat. «Nous n’exportons pas en masse vers la Chine qui est un pays plus compétitif que nous», précise O. Fassal. Et le niveau des importations chinoises au Maroc reste limité. Si impact il doit y avoir, il se fera de manière indirecte, via l’Europe, qui demeure notre principal partenaire commercial.
En revanche pour les pays africains, notamment ceux qui exportent des matières premières vers la Chine, les effets seront plus rudes. Les IDE chinois vers le continent africain vont diminuer, et les exportations à destination de la Chine, grande consommatrice de matières premières, vont également s’amenuiser. Et cela pèsera sur la croissance de ces pays. Il faut savoir que la Chine, en consommation, représente 54% de l’aluminium mondial, 50% du nickel, 46% du zinc, 45% de l’acier, 31% du coton et 23% de l’or.
Amine Elkadiri