Sur toute l’année 2015, le crédit bancaire n’a progressé que de 0,5%. Préoccupée par cette situation, la Banque centrale se réunira très bientôt avec les banques et le patronat pour remettre la machine en marche. Pour 2016, la croissance du PIB a été revue à la baisse à 2,1%. Sur le plan des comptes extérieurs, les vents favorables continuent de souffler sur les réserves de change.
0,5% ! C’est, à fin 2015, le taux de croissance du crédit bancaire sur l’année, selon les dernières statistiques de Bank Al-Maghrib (BAM), qui tenait son ultime Conseil de l’année 2015. En début d’année, la prévision de croissance des crédits était de 4%. Autant dire que le crédit bancaire, en dépit de toutes les volontés, est en perte de vitesse, et cela devient problématique. Abdellatif Jouahri, Wali de BAM, le reconnait volontiers et fait part de sa préoccupation face à cette situation. «Malgré les deux baisses successives des taux directeurs et la baisse des taux débiteurs pratiqués par les banques, le crédit reste atone. On est loin de la tendance longue durée du crédit qui doit être de 9%», déplore A. Jouahri.
La faiblesse de la demande et la montée des impayés sont certes des variables explicatives de cette tendance. Mais elles sont loin d’expliquer toutes les causes et, surtout, l’ampleur du phénomène. Une analyse plus fine et approfondie, à la fois de l’offre et de la demande de crédit, s’impose pour connaitre les autres facteurs qui enrayent sa progression. «Une réunion tripartite rassemblant la CGEM, le Groupement professionnel des banques marocaines (GPBM) et la Banque centrale se tiendra dès le début de l’année 2016 pour mettre sur la table l’ensemble des données et voir d’où vient le blocage en vue de trouver les solutions à apporter pour que la machine se réenclenche au profit de la croissance», annonce le gouverneur de BAM.
PIB 2016 : +2,1% au mieux
L’autre indicateur très suivi par les observateurs, qui a été revu à la baisse, est celui du taux de croissance de l’économie nationale pour l’année 2016, qui devrait s’établir, d’après les prévisions de BAM, à un petit 2,1%. Cette croissance molle subit de plein fouet «l’effet ciseau» de la campagne agricole. Après une précédente campagne record (115 millions de quintaux), la prochaine devrait être beaucoup plus modeste (au mieux 70 millions de quintaux selon BAM et la Loi de Finances 2016). «Nous avons maintenu nos prévisions de campagne moyenne. Mais avec ce retard des pluies, ces prévisions pourraient être revues à la baisse», précise A. Jouahri. Dans pareil scenario, la croissance du PIB en 2016 pourrait être inférieure à 2%. «Cela dépendra de la pluviométrie de février et mars», souligne, fataliste, le gouverneur. Pour ce qui est de l’exercice 2015, l’année devrait se terminer sur un taux de croissance proche de 4,5%, avec une progression de la valeur ajoutée non agricole limitée à 3,3%. Quant au taux de chômage, il augmente de 0,5 point lors du troisième trimestre pour s’établir à 10,1%. Sur les trois premiers trimestres de l’année, seulement 41.000 postes ont été créés.
8 mois de devises
L’embellie du côté des comptes extérieurs du Royaume continue. Les rentrées de devises augmentent grâce au bon comportement des phosphates (+20,6% sur un an) et l’essor des exportations automobiles (+18,5%). De même, les transferts de MRE se maintiennent à un bon niveau (+3% en un an), et les IDE affluent toujours (+7% sur les 11 premiers mois de l’année). Seules les recettes touristiques fléchissent, contexte international oblige (-0,9%). De l’autre côté, les factures pétrolières (-30%) et alimentaires baissent de façon drastique, dans le sillage de la forte baisse des cours mondiaux. «Nous avons la chance que les cours du phosphate ne suivent pas la tendance à la baisse du prix des denrées alimentaires. Il y a un décrochage entre les deux», précise A. Jouahri. Dans ces conditions, le déficit du compte courant devrait ressortir à 2,2% du PIB en 2015, et s’atténuer davantage en 2016 (sur la base d’un baril à 51,4 dollars) pour s’établir à 1%. Les réserves de change s’en retrouvent considérablement améliorées de 24% à 220,8 milliards de dirhams à fin novembre, soit près de 6 mois et 26 jours d’importation. «Les 7 mois seront atteints d’ici la fin de l’année», espère le Wali de BAM. A ce rythme, les 8 mois d’importation pourraient être atteints d’ici fin 2016, estime la Banque centrale. Notons enfin que sur le plan de l’inflation, elle devrait atteindre 1,5% en 2016 et 2% début 2017. «Nous avons tenu compte dans nos prévisions d’inflation de la décompensation progressive du sucre à compter de janvier 2016 sur une période de 18 mois. En revanche, nous n’avons pas tenu compte des autres réformes comme celle des retraites», conclut le gouverneur.
Amine Elkadiri