Le système préférentiel de CFC est désormais désigné comme responsable du maintien du Maroc dans la liste grise des paradis fiscaux.
Le Royaume a jusqu’à fin 2020 pour se conformer.
Les négociations avec l’UE et les travaux avec l’OCDE se font dans les meilleures conditions selon la DGI, et le prochain rendez-vous est prévu en avril.
Par : Badr Chaou
"Lors de nos discussions avec l’Union européenne et l’OCDE, nous avions clairement notifié à ces derniers que la conformité fiscale prendra du temps. Il est donc tout à fait normal que nous soyons toujours en liste grise des paradis fiscaux de l’Union européenne. Je tiens également à signaler que les discussions avec les deux parties avancent bien et se font dans les meilleures conditions». C’est par ces mots que Khalid Zazou, Directeur général des Impôts par intérim, a commenté pour Finances News la récente décision de l’Union européenne de maintenir le Maroc dans sa liste grise des paradis fiscaux. Le Conseil de l’Union européenne considère toutefois le Maroc comme un pays «coopératif» pour la mise en oeuvre de ses engagements de conformité fiscale.
On ne peut nier que le Royaume a fourni un grand effort pour sortir de ladite liste, ces deux dernières années notamment. Le pays a en effet revu les mesures fiscales des zones franches d’exportations (ZFE), et a établi de nouveaux barèmes en termes d’impôts pour les sociétés en ce qui concerne Casablanca Finance City (CFC).
De même, il n’a pas ménagé ses efforts pour instaurer plus d’équité fiscale entre les entreprises, qu’elles soient étrangères ou marocaines.
«Nous avons unifié les taux entre les entreprises étrangères et marocaines en proposant les mêmes produits. Car, pour l’UE, le fait que le produit ne soit pas taxé pareillement pour toutes les entreprises, est synonyme de subvention déguisée», explique le patron de la DGI.
Par ailleurs, le Maroc a également défendu sa cause avec ardeur, à en croire Khalid Zazou. «Nous avons défendu nos intérêts d’arrache-pied, car l’Union européenne était sceptique quant à l’idée de ne pas imposer immédiatement les sociétés dans lesdites zones avec les nouveaux barèmes.
Mais ils ont finalement compris la situation. Les entreprises dans les zones franches vont en effet bénéficier de 20 ans d’exercices sous l’ancien régime, avant de basculer vers le nouveau. Je tiens à préciser que nous sommes le seul pays arabe à avoir bénéficié de ce traitement et à s'être vu accorder un tel délai», souligne-t-il.
Le blocage CFC
Si les négociations ont pu aboutir pour ce qui est des zones franches et d’exportations, c’est au niveau de Casablanca Finance City que les choses restent à aplanir dans les pourparlers avec l’UE. Car, contrairement aux zones franches d’exportations (ZFE), où l’ancien régime fiscal est limité dans le temps, à CFC ce n’est pas le cas.
Autrement dit, les entreprises qui s'y sont implantées avant 2020 n’ont pas de limite de temps sous l’ancien régime. «Nous sommes actuellement en pleine discussion afin de limiter dans le temps l’ancien régime fiscal de CFC et inviter les entreprises qui y sont implantées à passer au nouveau. Ce dernier reste tout aussi intéressant, et plusieurs entreprises ont déjà manifesté leur intérêt».
Prochain rendez-vous en avril
Le statut d’un pays est réexaminé régulièrement et peut évoluer après la mise en application de ses engagements. Plusieurs mesures ont déjà été adoptées par la Loi de Finances 2020, portant notamment sur l’harmonisation des entreprises en zones franches et d’exportation. D’autres mesures, telles que la suppression des régimes spéciaux des banques offshores ainsi que des holdings financiers, ont également été prises.
Selon Khalid Zazou, «les discussions se prolongent et nous avons déjà beaucoup avancé sur ce dossier. Les travaux en cours reposent sur un processus d’évaluation bien précis et approfondi, il est normal encore une fois que cela prenne du temps. Le dialogue pour la conformité fiscale se poursuivra tout au long des prochains mois. Notre prochain rendez-vous avec l’UE et l’OCDE pour faire le point sur l’avancement desdits travaux est prévu pour le mois d’avril».
Trois questions à Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d’administration fiscale de l’OCDE
«Le Maroc a fait des avancées en 2019»
Finances News Hebdo : Vous aviez indiqué lors d'une interview que vous nous aviez accordée que l'adoption de la loi sur les mesures anti-BEPS, ainsi que celle relative à l'échange de données contribueraient à la sortie du Maroc de la liste grise de l'UE. De même, le Royaume a revu la fiscalité de certaines zones franches par souci de conformité. Ces mesures sont-elles insuffisantes, vu que le Maroc a été reconduit dans ladite liste grise ?
Pascal Saint-Amans: Le Maroc a fait des avancées en 2019. Lorsque la liste de l'UE a été publiée pour la première fois, en décembre 2017, le Maroc y était inclus pour trois raisons distinctes : l’absence de ratification de la convention multilatérale concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale (MAC), l’existence de régimes fiscaux préférentiels et l’absence d’adhésion au Cadre inclusif sur le BEPS.
Depuis lors, le Maroc a rejoint le Cadre inclusif sur le BEPS en mars 2019 et ratifié la MAC en mai 2019. À ce jour, le Maroc demeure sur la liste grise de l’UE, mais seulement au motif des régimes fiscaux préférentiels. A cet égard, l'UE avait identifié en 2017 six régimes fiscaux préférentiels auxquels le Maroc a depuis apporté des changements (y compris les zones franches comme vous le mentionnez), à l’exception d’un seul pour lequel des modifications sont en cours. En d'autres termes, bien que le Maroc demeure sur la liste grise, force est de reconnaître que des progrès ont été accomplis.
F.N.H. : Concrètement, qu'est-ce qui fait que le Maroc figure toujours dans cette liste grise ?
P. S. A. : Le Maroc a un régime fiscal préférentiel, Casablanca Finance City (CFC), pour lequel certains changements législatifs sont toujours en cours. Le placement du Maroc sur la liste grise -par opposition à la liste noire- est une reconnaissance que des travaux législatifs sont en cours et, pour cette raison, le Maroc s’est vu accorder un délai supplémentaire jusqu'à fin 2020 pour procéder aux modifications législatives nécessaires.
F.N.H. : Quelles devraient être les prochaines étapes pour le Maroc, afin qu'il défende sa cause et sorte de la liste grise ?
P. S. A. : Le Maroc continuera en 2020 à travailler en étroite collaboration avec le Secrétariat de l'OCDE en vue de finaliser les dernières modifications législatives relatives au régime CFC. La prochaine mise à jour de la liste de l'UE est prévue pour octobre 2020 et l'UE envisage à cet égard de prendre en compte les travaux du Forum de l'OCDE sur les pratiques fiscales dommageables.