Entre 2002 et 2021, les ressources transférées par l’Etat, y compris les subventions, représentent une part moyenne de 61,6% des ressources des collectivités territoriales au Maroc.
Les recettes provenant de la fiscalité gérée par les collectivités territoriales ne représentent en moyenne que 9% de leurs ressources entre 2002 et 2021.
Par M. Diao
Le processus de décentralisation, qui est un partage de pouvoir entre l’Etat et les collectivités territoriales, n’a cessé d’évoluer au cours des dernières années au Maroc. Le pays est toujours à la recherche d’un modèle de décentralisation optimal. Ce qui constitue un exercice loin d’être aisé. Pour cause, il est communément admis qu’un bon modèle de décentralisation doit prendre en considération un ensemble de paramètre clefs. Il s’agit, entre autres, des besoins en termes de subsidiarité et la préservation de la centralité du pouvoir de l’Etat. Le modèle de décentralisation idoine doit également garantir un développement local en parfaite harmonie avec l’élan de développement national.
Sachant qu’au Maroc, il existe de grandes disparités en termes de capacité de gestion, de disponibilité de ressources et du potentiel intrinsèque de toute nature entre les différentes collectivités locales. Au-delà de ce rappel, la recherche du meilleur modèle de décentralisation est toujours d’actualité dans plusieurs pays de l’OCDE, pour ne citer que la France. Ceci dit, le régime fiscal local est un élément crucial du modèle de décentralisation.
Le colloque-webinaire, organisé récemment par la Trésorerie générale du Royaume (TGR), en partenariat avec l’Association pour la fondation internationale des finances publiques (Fondafip), portant sur le thème de l’autonomie fiscale locale et le développement territorial, a contribué à une meilleure compréhension des enjeux majeurs en la matière aussi bien en France qu’au Maroc. Noureddine Bensouda, Trésorier général du Royaume, est formel. Le régime fiscal local conditionne dans une certaine mesure l’autonomie de gestion de la collectivité ainsi que le niveau de qualité des services dédiés aux citoyens. D’après le patron de la TGR, l’autonomie fiscale et l’autonomie financière, intimement liées, ne sont pas pour autant consubstantielles.
«L’histoire administrative et la culture politique, qui sont des facteurs étrangers aux ressources, influent sur la réalité de la décentralisation et ce, indépendamment du modèle théorique», dixit le haut commis de l’Etat. L’intervention des différentes personnalités a permis d’apporter des éléments de réponses aux questions suivantes : l’autonomie fiscale locale a-t-elle encore un sens pour le développement territorial ? En matière de gouvernance de la fiscalité locale : Qui décide, qui gère ?
L’exemple français est édifiant
Depuis le revers du système financier international de 2008, les rangs des partisans d’un Etat central fort ont grossi à travers le monde en raison, entre autres, du foisonnement des crises (pandémie, conflits, etc.). Lors de son allocution, le professeur Michel Bouvier n’a pas manqué de rappeler que le principe de l’autonomie fiscale des collectivités locales est généralement réfuté en France, même si la fiscalité locale garde toute sa légitimité, car les collectivités locales sont également des acteurs de développement local aux côtés de l’Etat central. La fiscalité locale souffre de plusieurs griefs en France (impertinence de certains impôts locaux, obsolescence de l’assiette, source d’évasion fiscale, etc.).
Dans la pratique, les communes françaises sont un peu plus autonomes sur le plan fiscal que les régions, même s’il y a lieu de rappeler que les collectivités locales ne sont pas habilitées à fixer des taux d’imposition. Ce qui est du ressort de la loi. Pour bon nombre de spécialistes, l’autonomie fiscale locale est susceptible de générer une incohérence fiscale et une augmentation de la pression fiscale. Elle pourrait aussi avoir pour conséquence l’accentuation des disparités en faveur des collectivités locales les plus attractives sur le plan fiscal.
Quid du Maroc ?
L’intervention de Noureddine Bensouda a éclairé bon nombre de participants sur le degré d’autonomie de la fiscalité locale au Maroc. En effet, l’Etat marocain demeure toujours le principal acteur du développement territorial et le premier investisseur au niveau des territoires. A l’échelle nationale, les collectivités territoriales disposent de trois types de recettes. Il s’agit des recettes transférées par l’Etat (qui sont les plus importantes), celles gérées par l’administration centrale pour le compte des collectivités locales (taxe d’habitation, taxe de services communaux et taxe professionnelle) et les recettes fiscales propres, lesquelles sont les plus faibles. L’analyse des ressources globales des collectivités territoriales (hors recettes d’emprunt) de 2002 à 2021 laisse apparaître une prédominance des ressources transférées par l’Etat, y compris les subventions, avec une part moyenne de 61,6% des ressources des entités territoriales (contre plus de 90% pour les régions, les provinces et les préfectures). A cela s’ajoute un trend haussier des ressources des collectivités territoriales entre 2002 et 2021.
«En dépit des multiples réformes de la fiscalité locale depuis 1976, les collectivités territoriales continuent de dépendre de l’Etat au niveau du financement», constate Bensouda. Les recettes provenant de la fiscalité gérée par les collectivités locales qui, en quelque sorte, mesurent le niveau de l’autonomie fiscale, ne représentent en moyenne que 9% des ressources des entités territoriales entre 2002 et 2021. «Les recettes fiscales propres sont trop limitées pour permettre aux entités territoriales de prétendre à une autonomie fiscale et participer pleinement au développement des territoires», analyse Bensouda. Ce dernier souligne un décalage entre le droit et la pratique.
Sachant que l’autonomie locale est consacrée par la Constitution de 2011 par la disposition de ressources financières propres et affectées par l’Etat aux collectivités territoriales. Pour autant, les autorités locales ont une autonomie relative en matière de décisions fiscales, comme en témoigne le pouvoir de fixation du taux de taxation dans une fourchette bien définie par la loi. Au final, dans la pratique, la gestion de la fiscalité locale serait altérée par des considérations politiques qui pénalisent la rentabilité fiscale. D’où la recommandation allant dans le sens de la gestion de la fiscalité locale assurée par une administration neutre et professionnelle.