- Brahim Benjelloun-Touimi, administrateur-Directeur général exécutif de BMCE Bank of Africa, explique pourquoi la banque a choisi de dimensionner son activité et d’opérer une baisse de voilure.
- La croissance du Groupe reprendra sur le rythme assez vif qu’elle a pu connaître auparavant.
Finances News Hebdo : Vous venez de présenter les résultats financiers du groupe BMCE BoA. Comment s’est porté le Groupe et dans quelles mesures votre présence en Afrique a-t-elle impacté vos résultats ?
Brahim Benjelloun-Touimi : L’Afrique représente une part de pourcentage importante du bilan, et conséquemment une part importante du PNB. L’Afrique est incontournable dans la stratégie voulue par les actionnaires du Groupe et par le président Othman Benjelloun, en premier chef. Ce n’est pas par hasard qu’en 2015, le président Benjelloun a décidé d’accoler à la marque BMCE Bank le suffixe d’Africa. C’est pour définitivement ancrer cette stratégie africaine.
Les résultats au premier semestre ne sont pas représentatifs de ce que le Groupe a fait depuis sa privatisation, puisqu’ils ont marqué un repli de 12,5%. Ils ont été réalisés dans un contexte où le plan stratégique 2019-2021 et le plan d’accompagnement des fonds propres vont être examinés d’ici la fin de l’année. Partant, toute capitalisation de la banque ne se ferait qu’en 2019.
Dans ce contexte là, le senior management a pris ses responsabilités pour faire en sorte de dimensionner l’activité. Tout cela est subi et n’est pas volontaire; cela s’est fait progressivement. Et la baisse de voilure qui a dû être opérée s’est répercutée dans les résultats.
Toujours est-il que nous avons renforcé la solvabilité de la banque de juin à juin. Quand nous voyons les deux dernières années, notamment la période 2016-2018, les ratios de solvabilité ont augmenté. Par exemple, le coefficient de solvabilité a pris 20 centimes entre juin 2016 et juin 2018, le ratio Tier 1 a presque pris 50 centimes entre juin 2016 et juin 2018. En deux ans, le coefficient de solvabilité, cette fois-ci en compte sociaux, a pris à peu près 60 centimes, et de la même manière le ratio Tier 1 a pris un demi-point en compte social. Tout cela pour vous dire que notre préoccupation était de faire en sorte que la banque soit conforme à la réglementation prudentielle et qu’il n’y ait pas de signal donné que nous allions être en-deçà.
Mais soyez certains, encore une fois, que la croissance reprendra sur le rythme assez vif qu’elle a pu connaître, mais à la faveur de la mise en œuvre d’un plan stratégique et du plan d’accompagnement en fonds propres qui lui est assorti.
F.N.H. : Vous avez récemment affirmé que le panorama d’affaires au Gabon est une opportunité à saisir pour votre groupe bancaire. Quelles sont ces opportunités ? Une implantation au Gabon est-elle dans vos perspectives ?
B. B. T. : Ce pays est un pays ami du Maroc et je crois qu’il y a eu une confusion du côté gabonais. Nous avons été chez le régulateur d’Afrique Centrale pour nos implantations en Afrique Centrale. Nous en avons deux, à savoir la Congolaise de Banque et BoA RDC.
Le fait qu’il y ait eu ces discussions de la part des Gabonais nous honore, puisque l’expertise des Marocains est recherchée. Mais au moment où l’on se parle, nous ne pouvons pas envisager d’implantation au Gabon tout de suite. Ce sont des plans, puisque le président Benjelloun répète souvent qu’il souhaiterait, à terme, être présent dans l’ensemble des pays d’Afrique. Mais je pense qu’il y a des arbitrages entre les rentabilités et les coûts en capital qu’il faut opérer à la faveur encore une fois d’un plan stratégique.
Cela dit, nous sommes tout à fait disposés à considérer toute coopération qui ne serait pas consommatrice de fonds propres, qui pourrait être sous forme d’échanges d’expériences et de savoir-faire. En tout cas, le Gabon est un pays ami du Maroc et, en tant que Marocains, nous ne l’oublions jamais.
F.N.H. : Vous avez récemment lancé un important programme de soutien entrepreneurial avec l’Université Hassan II, d’autant plus que vous avez organisé l'African Entrepreneurship Award. Quelles sont les grandes lignes de ce projet et à qui s’adresse-t-il ?
B. B. T. : L’objectif est véritablement d’institutionnaliser un pont entre l’Université et le monde des affaires et l’activité économique. L’incubateur que nous mettons en place est véritablement là pour permettre de favoriser l’entrepreneuriat. Tous les gens qui fréquenteront l’incubateur ne seront pas tous des entrepreneurs, mais ils amélioreront très certainement leur employabilité, et c’est cela que nous recherchons.
L’idée est de créer un écosystème autour de cet incubateur qui est à l’ISCAE et qui sera également à l’Université Hassan II, et sans doute à l’Université européenne de Fès, pour précisément être un réceptacle de toutes ces expertises du monde académique, du monde entrepreneurial, des praticiens, des banquiers, des financiers… Le but est de favoriser encore une fois la dissémination de savoir-faire afin qu’il y ait davantage de créations de richesses et d’emplois.
F.N.H. : L’agence de notation extra-financière, Vigeo Eiris, vient de vous décerner le prix du «Top Performers RSE 2018». Une réaction ?
B. B. T. : Après que l’on a annoncé que BMCE Bank est dans l’indice boursier ESG 10, nous sommes très heureux d’avoir été, encore une fois, distingués pour la cinquième fois consécutive. A travers ce prix, ce sont six domaines de la responsabilité sociale dans lesquels nous sommes engagés qui ont été salués. Nous sommes fiers de cela, car nous œuvrons de cette manière à donner du sens à la finance. Parce que je le répète, pour ma part, une finance qui n’a pas de sens n’a pas de sens. ■
Propos recueillis par Lilia Habboul