Une nouvelle année démarre, l'occasion de remettre les compteurs à zéro et repartir sur de bonnes bases en termes de stratégies boursières. Sélection.
Par : Adil Hlimi et Youssef Seddik
Préférez-vous plutôt le prix bas ou la promesse de croissance ? Le débat de style de gestion «Growth vs Value» est éternel. La stratégie Growth consiste, en effet, à miser sur des valeurs à développement rapide. A l'opposé, via une stratégie «Value», les investisseurs achètent des actifs sous-évalués (dont le prix est supposé trop faible par rapport aux fondamentaux des entreprises).
Le risque de la stratégie «Value» est de tomber dans des «Value Traps» : des valeurs décotées mais amenées à le rester pour de bonnes raisons, souvent fondamentales.
Le risque du style «Growth» est d’acheter des actions qui ne donnent pas de résultats à la hauteur des attentes du marché ou qui atteignent la maturité plus vite que prévu.
Une étude* sur le marché boursier casablancais fait ressortir que la stratégie Value est la plus performante. Elle a été comparée à quatre autres stratégies (Quality, Volatility, Momentum et Size), sur une période allant de septembre 2003 à décembre 2017.
Cette stratégie suppose que les investisseurs sélectionnent les valeurs bon marché qui devraient surperformer les actions les plus chères à long terme. La stratégie «Value» est classée comme un facteur «procyclique», ce qui signifie qu'elle a tendance à surperformer pendant les périodes d'expansion économique. Les ratios du PER, du P/B et le ratio DYD (rendement dividende) permettent de faire une bonne sélection Value.
Momentum
La stratégie «Momentum» suppose que les valeurs qui ont récemment connu de bonnes performances boursières, devraient continuer à surperformer le marché à court terme.
Globalement, les investisseurs suivent la tendance afin de ne pas rater une bonne affaire.
La stratégie Momentum a réalisé des performances très solides historiquement avec un rendement annualisé de 14,1% entre 2003 et 2017.
Mean Reversing
La «Mean Reversing» est un concept mathématique souvent utilisé comme stratégie dans les marchés financiers. Il suppose que les prix d'actifs reviennent vers leurs moyennes après un décalage rapide, anormal et parfois prolongé des cours. Avec la stratégie «Mean Reversing», l'investisseur parie sur le retour, tôt ou tard, d'une action vers ses niveaux normatifs. Ce qui n'est pas toujours le cas.
Le Mean Reversing s’intéresse surtout aux périodes durant lesquelles la volatilité est élevée et où aucune tendance ne se dégage véritablement.
La stratégie induit par contre des pertes lorsque la période de haute volatilité laisse place à une nouvelle tendance.
Plusieurs indicateurs techniques ou boursiers peuvent être utilisés pour repérer ces mouvements anormaux, notamment le RSI (Relative Strenght Index), les bandes de Bollinger, le PER ou même le PE de Shiller.
Trend Following
Le Trend Following consiste à suivre une tendance qu’elle soit haussière ou baissière. Ce type de stratégie parie toutefois sur le long terme. Le temps nécessaire pour qu’une tendance se forme et dure. Le postulat de base est qu’une tendance établie a plus de chance de se poursuivre que de se renverser.
Contrairement aux autres approches, aucun objectif temporel ou financier n'est donc déterminé, la position étant conservée aussi longtemps que les critères de suivi de tendance restent valides.
Quality
La stratégie «Quality» suppose que les investisseurs favorisent les entreprises ayant des businessmodels solides et des avantages compétitifs durables. Dans la littérature, la stratégie «Quality» est catégorisée comme un facteur «défensif», susceptible de donner ses fruits pendant les périodes de contraction économique.
Selon CDG Capital, cette stratégie a généré un rendement annualisé de plus de 15% au cours de la période étudiée, enregistrant ainsi la 2ème meilleure performance annuelle moyenne après la stratégie Value. Bien que cette stratégie factorielle ait affiché une surperformance à long terme, sa performance à court terme a été cyclique et a généré des rendements négatifs pendant les années 2008, 2011, 2012, 2013, 2015.
Sur la période 2004-2017, comparativement aux autres stratégies, la stratégie «Quality» affiche la perte maximale la plus élevée, soit 37,3%.
Size
La stratégie «Size» consiste à investir dans les petites capitalisations. En effet, cette stratégie suppose que les entreprises de petite taille sont souvent en mesure de surperformer les plus grandes entreprises à long terme.
Par ailleurs, cette stratégie d’investissement est classée comme un facteur «pro-cyclique», ce qui signifie qu’il a tendance à porter ses fruits dans les périodes d'expansion économique.
L’analyse de l’évolution historique de l’indice sur la période étudiée montre que le facteur «Size» affiche la pire performance comparativement aux autres stratégies, et globalement sous-performe l’indice MASI.
En effet, le rendement annualisé de la stratégie «Size» ressort à seulement 5,2% contre 9,3% pour le Masi.
Toutefois, notons que la stratégie a surperformé le MASI pendant les années 2005, 2009, 2011 et 2013. Par ailleurs, en dépit d’une faible volatilité comparativement à l’ensemble des stratégies, l’indice «Size» affiche le couple rendement/ risque le moins attractif, soit un ratio de Sharpe de 0,09 contre une moyenne de 0,36.
Risk
La stratégie «Risk» met l’accent, comme son nom le suggère, sur la notion de risque. En effet, les investissements à faible volatilité prennent en considération les actions qui affichent un niveau de risque inférieur à celui de l’ensemble du marché.
Cette stratégie suppose que les investisseurs préfèrent des pertes inférieures plutôt que des gains supérieurs. Elle est par ailleurs considérée comme une stratégie défensive, qui permet de réduire le risque en période de repli des marchés, tout en conservant l'exposition au marché actions.
L’indice capte ainsi les performances quotidiennes d’un portefeuille constitué des actions qui offrent une faible volatilité. Selon les calculs de CDGK Research, depuis septembre 2003, le facteur «Faible volatilité» a généré un rendement annualisé de seulement 8,8% pour un faible niveau de risque, mesuré à travers les ratios volatilité (32,5%) et pertes maximales (26,7%). En dépit de performances annuelles habituellement en deçà du rendement marché, le facteur «faible volatilité» a généré globalement des rendements supérieurs au marché en période de repli.
Backtester les stratégies
Au final, aucune stratégie n'est infaillible. Une validation par son évaluation sur le passé est nécessaire. Ou ce que l’on appelle communément le «Backtest». Ce passé doit être suffisamment large : il n’est pas difficile de concevoir une stratégie gagnante sur six mois, sur dix ans c’est plus compliqué.
Les investisseurs chevronnés préconisent la mise en oeuvre d’un portefeuille diversifié entre les différentes stratégies pour pallier les inconvénients de ces approches qui sont principalement dus à la cyclicité des primes de risque procurées et aux risques extrêmes que comportent certains facteurs. Ceci devrait, par conséquent, permettre aux investisseurs de bénéficier régulièrement de rendements supérieurs au Masi.
Et pour 2020 ?
2020 démarre logiquement avec moins de potentiel pour la stratégie Value après le rallye de fin d'année de 2019. La décote offerte l'an dernier a été en (bonne?) partie consommée.
Notre conviction est que 2020 sera une année plus propice aux stratégies de Momentum et de Trend Following décrites plus haut.
Les valeurs qui inscrivent de nouveaux sommets historiques ou dépassent des seuils importants sont susceptibles de générer les meilleures performances.
Aussi, sur la première moitié de l'année, un potentiel intéressant attend la thématique Quality avec des entreprises de taille importante et offrant une perspective de dividende intéressante. Ces valeurs devront continuer à profiter de l'arbitrage taux/actions opéré par les institutionnels.