Malgré une croissance des revenus de 5,3% au 3ème trimestre, l’indice Masi recule, signe que les investisseurs exigent davantage pour des valorisations élevées. Le marché devient plus sélectif en récompensant uniquement les entreprises capables d’une croissance pérenne et exponentielle.
Par Y. Seddik
Les investisseurs en Bourse sont-ils devenus insatiables ? À la lecture des performances du troisième trimestre 2024, la question mérite d’être posée. Car si les revenus des sociétés cotées continuent leur ascension avec une progression de 5,3% – la plus forte hausse enregistrée depuis six trimestres –, l’indice Masi accuse un repli de 2% depuis le 20 novembre, selon Attijari Global Research. Une correction qui laisse penser que le marché ne se contente plus de croissance : il exige des résultats supérieurs à des valorisations élevées.
Dans ce contexte, la réaction du marché est parlante. Malgré des performances financières solides dans plusieurs secteurs, les investisseurs se montrent de plus en plus sélectifs. Les valorisations actuelles, relativement élevées, imposent aux entreprises un rythme de croissance soutenu pour justifier leurs niveaux de prix.
Quelques évolutions sectorielles illustrent parfaitement cette discordance entre performances financières et réaction du marché, toujours selon AGR :
• Secteur bancaire : Le secteur a consolidé sa place de locomotive avec une croissance de +9% du produit net bancaire (PNB) au T3-2024. Pourtant, sa capitalisation boursière peine à décoller.
• Secteur minier : Avec des revenus en progression de 18%, le secteur réalise une performance notable. En face, sa capitalisation n’augmente que de 1,2%, signe que cette croissance, aussi impressionnante soit-elle, n’éveille pas un enthousiasme proportionnel. Peut-être que le marché semble déjà avoir intégré ces résultats dans les cours ?
• BTP : Le secteur des BTP affiche une progression de 18% de ses revenus au troisième trimestre. Pourtant, sa capitalisation recule de 5,1%.
• Cimenteries : Après un second trimestre difficile marqué par une baisse de 8%, le secteur connaît une embellie avec une reprise des revenus de +10 %. Mais là encore, les investisseurs restent sur leur réserve, la capitalisation du secteur se contractant de 1,8%.
À travers ces réactions, le marché envoie un message clair : la croissance ne suffit plus, elle doit désormais être exponentielle et pérenne pour susciter l’adhésion des investisseurs. Ces derniers ne sont pas uniquement à la recherche d’une amélioration ponctuelle des résultats, mais bien d’une croissance soutenue et de perspectives claires sur le long terme. Dans un contexte de valorisations tendues, les investisseurs semblent intégrer des scénarios de croissance plus ambitieux, ce qui met ainsi les entreprises sous pression. Autrement dit, lorsqu’une action se négocie à des multiples élevés, chaque point de croissance compte, et toute déception est immédiatement sanctionnée.
Vers une Bourse plus sélective ?
Le comportement du marché révèle aussi un retour à une certaine rationalité. Les investisseurs semblent chercher à distinguer les performances réelles des effets d’embellie conjoncturelle. Ils scrutent davantage la capacité des entreprises à maintenir leur croissance dans un environnement post-inflationniste, à optimiser leurs marges malgré les pressions sectorielles et à investir dans l’avenir pour garantir des revenus récurrents et stables. Le troisième trimestre 2024 consacre un changement de paradigme sur le marché actions. Les investisseurs sont devenus plus exigeants, une conséquence directe des valorisations élevées et d’un environnement où l’appétit pour le risque s’accompagne d’une certaine rigueur.
Désormais, pour les entreprises cotées, la croissance est une condition nécessaire mais non suffisante pour séduire les marchés. Seules celles capables de dépasser les attentes et d’offrir des perspectives solides parviendront à justifier les niveaux de prix actuels. Dans un marché où chaque Dirham investi doit rapporter plus, la performance financière est un ticket d’entrée, mais la confiance reste à conquérir. «Qui paye cher, exige plus» !