Les autorités se penchent sur la régulation de la Blockchain.
Différentes approches sont adoptées.
Par Y.S
Au-delà des vertus et des applications de la Blockchain, l’enjeu de sa régulation est aujourd’hui au cœur des débats et a de plus en plus une résonance très marquée. Si l’idée d’un encadrement juridique de la Blockchain fait consensus, des divergences sur les modalités de mise en œuvre subsistent.
A première vue, la question de la régulation ne va pas de soi. Car l’innovation et le droit n’ont pas toujours fait bon ménage. Même si le droit a toujours réussi à appréhender les innovations, surtout celles matérielles.
«Il y a toujours la tentation de régulation, ne serait-ce que par posture, et parce qu’il y a des acteurs nouveaux et des activités nouvelles que nous ne maîtrisons pas», affirme Pascal Agboyibor, avocat associé chez Asafo&Co.
Toutefois, tous les intervenants présents lors de l’Africa Blockchain Summit 2019 étaient unanimes à dire qu’il faut réguler les effets de la Blockchain, plutôt que la technologie elle-même.
«Nous ne régulons pas l’autoroute, nous régulons la façon de conduire dans l’autoroute. Nous ne régulons pas une infrastructure, nous régulons l’usage de l’infrastructure», explicite Nadia Filali, directrice des programmes Blockchain et pilote de LaBChain du Groupe Caisse des Dépôts.
«Faut-il réguler la Blockchain ? Non. Faut-il réguler les effets de la Blockchain ? Oui», abonde dans le même sens Hubert De Vauplane, avocat associé chez Kramer Levin Paris.
Ce dernier explique que la Blockchain, et derrière les crypto-actifs, pose des questions sur la substance du droit, sur la propriété et sur la preuve.
Il ajoute que toutes ces réflexions que l’on a autour de cette technologie conduisent à se poser la question : faut-il changer le droit et adapter la réglementation pour accompagner cette mutation ? Le droit au sens substantiel, la règlementation au sens conjoncturel.
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Quelle régulation ?
Les Proof of Concept de la Blockchain font ressortir des cas de régulation différents.
«A l’international, nous n’avons pas encore de cadre réglementaire exhaustif et harmonisé. Globalement, il y a 3 types de régulation», mentionne Hiba Zahoui, directrice de la supervision bancaire auprès de Bank Al-Maghrib.
Il y a l’approche «wait and see», via laquelle les régulateurs collectent les données, suivent les businessmodels, évaluent les risques potentiels, avant de formuler tout cadre réglementaire. Cette approche présente l’avantage d’éviter une régulation trop précipitée mais, en même temps, peut induire à un flou réglementaire et à un risque d’émergence d’activités non régulées.
Il y a aussi l’approche de «la proportionnalité de la réglementation» adoptée par certaines juridictions, dont la France. Ces dernières édictent, au fur à mesure du développement de la technologie, un certain nombre de standards et de législations. La France a d’ailleurs complété récemment son cadre réglementaire régissant les applications de la Blockchain aux services financiers, en l’étendant aux prestataires de services sur actifs numériques.
La dernière approche est celle du «bac à sable» ou «Sandbox». Elle autorise le développement de la technologie de la Blockchain dans le domaine financier, dans un environnement contrôlé. C’est une approche qui vise à balancer entre la volonté de préserver la stabilité financière et en même temps encourager l’innovation. Elle présente, elle aussi, un certain nombre de limites (concurrence, manque d’équité en termes de régulation, risques juridiques pour la Banque centrale).
«Nous, en tant que Banque centrale, nous avons vocation à réguler les services financiers et non pas la technologie sous-jacente. Il s’agira de comprendre comment la Blockchcain et les autres technologies innovantes vont pouvoir, en soutenant les activités financières, respecter les principes qui sous-tendent la régulation financière. Tout cela nous amène à benchmarker, à coordonner, à écouter les pratiques réalisées ailleurs au niveau national et international», résume H. Zahoui. ◆