Mehdi Baghdadi, expert-comptable et commissaire aux comptes du Cabinet Firec & associés
- En dépit d’une forte volonté de fusion, beaucoup de projets de rapprochement tombent à l’eau.
- Mehdi Baghdadi, expert-comptable et commissaire aux comptes du Cabinet Firec & associés, analyse les subtilités de l’activité des fusions-acquisitions au Maroc.
Finances News Hebdo : Comment se comporte l'activité des fusions-acquisitions au Maroc ainsi que celle de votre cabinet en la matière ?
Mehdi Baghdadi : Le marché des fusions acquisitions (M&A) au Maroc est en constante amélioration depuis quelques années, quand bien même le nombre de transactions demeure toujours faible. Deux transactions sortent du lot et justifient ainsi la bonne performance du Maroc, ces deux dernières années, à savoir celle du rachat d’Allianz de la filiale marocaine Zurich Assurances pour 244 millions d’euros, et celle du rachat de Holcim Maroc par Lafarge Ciments.
Par ailleurs, d’autres opérations ont aussi eu lieu ces dernières années, notamment le rachat de la sucrerie raffinerie de l’Oriental, Sucrafor, par l’opérateur sucrier national, Cosumar, ainsi que la fusion de Vecteur LV (VLV), filiale du Groupe Label’ Vie et Petra, pionnier de l’immobilier commercial au Maroc, avec comme objectif la création d’une foncière de taille importante, diversifiée et assurant un rendement stable.
SGS (géant suisse de l’inspection et de la certification) a aussi racheté la société marocaine Laagrima, dans le but de compléter son offre de services pour le marché agroalimentaire marocain et de développer son réseau existant. ENGIE a fait de même pour les activités de SPIE Maroc et poursuit ainsi son développement dans les services en Afrique.
L’augmentation des transactions au Maroc s’explique notamment par plusieurs facteurs. Il y a lieu de citer l’arrivée des fonds d’investissement qui démontrent un appétit d’acquisition. A cela s’ajoute l’ouverture constante de notre économie vers des marchés internationaux, sachant que le Maroc est devenu un hub économique entre l’Afrique et l’Europe.
Enfin, les politiques et les stratégies économiques mises en place par le Royaume (création d’infrastructures de transport, zones industrielles et logistiques, programmes sectoriels, le tout soutenu par des avantages fiscaux) constituent également des facteurs explicatifs.
La principale caractéristique des acquisitions réalisées au Maroc est qu’elles s’inscrivent dans une véritable stratégie de long terme, dont le but premier est de pénétrer le marché africain.
Il faut aussi relever que dans l’optique d’encourager les transactions, la Loi de Finances 2018 a instauré une disposition fiscale favorable consistant à exonérer les droits d’enregistrement (4%) pour les cessions d’actions ou de parts sociales dans les groupements d’intérêt économique (GIE) et les sociétés autres que les sociétés immobilières transparentes (SCI hors champ de l’IS) et les sociétés à prépondérance immobilière.
L’activité de fusion-acquisition prend une part de plus en plus importante dans notre pôle Conseil au sein du Cabinet Firec & associés. Le cabinet accompagne ses clients (fonds d’investissement, multinationales ou de grands groupes marocains dans une volonté de se structurer) aussi bien en amont qu’en aval de leur opération de fusion/acquisition et/ou de restructuration.
F.N.H. : Au Maroc, quels sont généralement les motifs qui sous-tendent les opérations de fusions-acquisitions ?
M. B. : Les objectifs recherchés sont la création d’une structure ayant la taille nécessaire pour devenir un acteur compétitif face à une concurrence rude. A cela, il faut ajouter la consolidation des acquis et du savoir-faire accumulé sur plus de deux décades. L’optimisation des performances économiques et le renforcement des potentialités financières ainsi que la mise à profit de la réelle synergie dans les structures, les moyens humains, matériels et financiers constituent également des motifs.
Enfin, l’autre but est le développement de la complémentarité des sociétés dans la gestion des différents métiers dans lesquels elles évoluent.
F.N.H. : Quel est votre retour d'expérience en la matière ?
M. B. : Le processus de fusion-acquisition est lourd administrativement et peut s’avérer long. Compte tenu de notre expérience, un bon nombre de projets de fusion ne voient jamais le jour, au Maroc, malgré une forte volonté d’union ou de partenariat.
Les principales raisons pour lesquelles ces fusions n’aboutissent pas sont à chercher dans les objectifs et les stratégies qui ne sont finalement pas partagés par les sociétés.
Les valorisations parfois irréalistes ainsi que le contrôle fiscal pratiquement inéluctable pour les sociétés absorbées constituent des éléments de blocage. Cela dit, quand les fusions aboutissent, d’autres difficultés en aval sont rencontrées : elles sont inhérentes à la période de turbulence organisationnelle, à la culture des deux sociétés, à la gestion des ressources humaines et à la gestion des passifs.
F.N.H. : Enfin, quels sont les secteurs les plus concernés par ces opérations au Maroc ou dans la région MENA et pourquoi selon vous ?
M. B. : Les secteurs les plus concernés au Maroc par les opérations de fusions/scissions sont les banques et les assurances qui enregistrent les plus grosses transactions.
Le Groupe Saham Assurances a été l’un des acteurs majeurs des fusions et acquisitions depuis deux décennies, leader aujourd’hui en Afrique et au Moyen-Orient.
Concernant l’agriculture, de nombreuses scissions ont été constatées après la mise en place, depuis quelques années, d’une fiscalisation encadrée dans le secteur. Pour l’industrie agroalimentaire, des opérations de scissions ont vu le jour en vue de détacher des activités (exemple : activité de distribution et activité de production). L’on relève également des opérations de fusions pour compléter la gestion des différents métiers liés à l’agroalimentaire. Tout autant, l’industrie est également concernée pour des raisons essentiellement de synergies. ■
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Propos recueillis par M. Diao