L’activité des banques participatives connait un bon démarrage. Le financement Murabaha ne pâtit pas de l’absence de l’assurance Takaful. En revanche, s’il y a aujourd’hui un travail à faire, c’est au niveau des intervenants dans le circuit d’achat d’un bien immobilier : notaires, promoteurs, etc.
Voilà plus de deux mois que les banques participatives ont officiellement démarré leurs activités au Maroc. Depuis quelques semaines, les premiers financements Murabaha pour l’acquisition de biens immobiliers ont été réalisés. De l’avis de plusieurs professionnels, le démarrage de l’activité est globalement prometteur. «Ça marche bien», nous dit l’un d’eux qui a requis l’anonymat. «Les craintes que nous avions au départ se sont dissipées. Il y a un certain engouement aujourd’hui, et les gens achètent», poursuit-il.
Des couacs ? «Il y en a toujours, c’est normal pour un démarrage. Mais rien de compromettant ni de grave», assure notre source.
Les banquiers craignaient que l’absence de l’assurance Takaful «décès» devant accompagner les produits Murabaha ne constitue un frein au moment de l’acte d’achat du client. Les banques participatives ont visiblement trouvé une parade provisoire. Elles font signer aujourd’hui au client qui souscrit à un contrat Murabaha une déclaration sur l’honneur, qui l’engage à souscrire à l’assurance Takaful une fois que celle-ci sera disponible.
«Une banque ne peut se payer le luxe de ne pas financer des gens sous prétexte qu’il n’y a pas d’assurance halal, surtout au lancement», explique notre source. «Le risque de réputation, qui est l’un des risques les plus forts dans le secteur de la finance participative, pourrait lui être fatal», ajoute-t-elle.
Et si le client venait à décéder avant que l’assurance ne soit souscrite, comment réagir ? «C’est laissé à la discrétion des banques», poursuit notre interlocuteur, qui précise qu’une telle situation s’est déjà présentée par le passé, à l’époque où une société de financement avait proposé des produits participatifs. «Elle avait alors géré ce cas à l’amiable avec les héritiers du défunt client. Un délai leur a été donné pour rembourser la somme restant due».
Un circuit pas complètement huilé
Selon un autre spécialiste de la finance participative, s’il y a aujourd’hui un gros travail à faire, ce n’est pas au niveau des banques, mais plutôt du côté de l’écosystème qu’il y a autour, c’est-à-dire les intervenants dans le circuit d’achat d’un bien immobilier. C’est le cas par exemple des notaires, dont une partie n’aurait toujours pas assimilé certaines dispositions fiscales prises en faveur du contrat Murabaha. «Aujourd’hui, certains notaires ne savent pas, par exemple, qu’ils ne paieront pas de droits d’enregistrement dans la première vente, mais dans la deuxième», précise notre source.
Le constat est le même concernant certains promoteurs immobiliers qui n’assimilent toujours pas les subtilités de la finance participative ainsi que les principes et le circuit de la Murabaha. «Certains demandent encore des appoints», dit, tout sourire, notre interlocuteur. Idem pour certains employés du service du cadastre. «Dans certaines délégations, le notaire ramenait avec lui le texte de loi de la Loi de Finances pour justifier qu’il n’a pas à payer 4% du bien, mais seulement 1.000 dirhams», raconte notre source.
Au-delà de l’anecdote, ces petits dysfonctionnements peuvent créer un retard dans la conclusion de l’achat du bien. Ce qui n’est pas sans impacter négativement la relation entre la banque et le client, qui ne comprend pas ce retard.
Les banques participatives en sont bien conscientes. C’est la raison pour laquelle elles multiplient, entre autres, les ateliers de formation avec les notaires.
Au niveau interne, les banques ont également quelques réglages à faire, que ce soit en termes de système d’information et de formation du réseau de distribution. «Certains conseillers clientèles ne sont pas encore totalement au point concernant les subtilités de la finance participative», explique notre source. Et d’ajouter que «le véritable défi est là : information, explication, clarté». ■
Takaful : Priorité aux produits «décès» et d’«épargne long terme»
L’ACAPS travaille actuellement sur les conditions générales des types de contrats d’assurance (contrat-type) de plusieurs produits afin que les futures compagnies Takaful puissent immédiatement les commercialiser une fois leur agrément d’exercer en poche. Sur la trentaine de produits d’assurance, l’urgence concerne le produit décès qui doit accompagner le contrat Murabaha, ainsi que les produits d’épargne long terme (épargne retraite, etc.).
«Les banques disposent de comptes d’investissement pour faire de l’épargne à court terme, voire à moyen terme. C’est le cas aussi pour la banque participative, sauf que les appellations diffèrent et les principes de la rémunération aussi. Pour l’épargne à long terme, c’est l’assurance qui prend le relais (épargne retraite, etc.) Dans le cas de Takaful, il faut que les personnes qui souhaitent faire fructifier leur argent sur le long terme, selon leurs convictions religieuses, puissent accéder à des produits d’épargne à long terme halal».
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A.E