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Banques participatives: les leaders veulent plus d'accès au marché des capitaux

Banques participatives: les leaders veulent plus d'accès au marché des capitaux

Loin du discours alarmiste sur la faiblesse des ressources, les 3 leaders du marché réclament un meilleur accès au marché des capitaux pour accompagner une activité en croissance rapide.

 

Par A. Hlimi

 

Après près de 4 années d'activité, les banques participatives commencent à avoir, doucement mais sûrement, pignon sur rue. Elles comptent 150 agences fin 2020, avec un nombre de clients en hausse de près de 50% en une année, pour un peu plus de 4 Mds de dirhams de dépôts à vue jusqu'à mars 2021 et quasiment 15 Mds de dirhams de financements.

Le secteur a montré sa résilience en période Covid-19 avec notamment 3,5 Mds de DH de financements immobiliers en 2020, soit autant que les banques conventionnelles. Mais cette expansion rapide d'activité a un talon d'Achille que nous connaissons tous aujourd'hui, tant les banques participatives n'ont pas arrêté d'en avertir leur écosystème : la faiblesse des ressources, qui couvrent tout juste le tiers, voire la moitié des financements.

Si dans le conventionnel les moyens de financement et les ressources sont quasi illimités en faisant appel, entre autres, au marché interbancaire, ce n'est pas encore le cas pour les banques participatives. Ces dernières ne peuvent compter que sur les dépôts de leurs clients, qu'ils soient à vue ou rémunérés (comptes d'investissement), ou sur les Wakala Bil Istitmar fournies par leurs actionnaires, et qui sont des crédits de trésorerie intergroupe conformes à la Charia. Une autre approche, plus engageante encore pour les actionnaires, consiste à augmenter le capital à chaque fois que cela est nécessaire. Ce qui reste, somme toute, limité pour financer la demande.

Une clientèle en besoin d'équipements

Souvent, pour expliquer cette absence de ressources, les opérateurs pointent du doigt les clients potentiels des banques participatives qui s'y dirigent pour se financer, mais n'y transfèrent pas leur compte bancaire, considérant ces banques comme des sociétés de financement. L'on pointe également du doigt une sorte de trahison de la part des particuliers, qui ont longuement réclamé ces banques et qui, une fois arrivées, traînent les pieds pour y aller.

Mouna Lebnioury, DG de Bank Al Yousr, l'une des trois banques participatives les plus actives du marché, ne souhaite pas se cacher derrière ces raisons liées à la perception. Pour elle, la problématique des ressources est réelle, mais inhérente à la jeunesse et à la croissance rapide de l'activité. «Compte tenu des tickets moyens sur les compartiments financements et épargne, nous avançons beaucoup plus rapidement sur les financements que sur les ressources», explique-t-elle. Lebnioury avance également l'argument du taux d'équipement, expliquant que la clientèle des banques participatives est souvent bien équipée.

«Plusieurs de nos clients viennent pour le financement et ne sont pas de simples clients déposants, puisqu'ils disposent déjà de comptes auprès du conventionnel», souligne-t-elle à l'occasion d'une conférence organisée par l'ESCA.

La DG de Bank Al Yousr avoue également que le secteur a, au démarrage, restreint sa cible aux particuliers étant donné le manque de produits existants. Mais les choses sont en train de s'améliorer avec l'ouverture des produits participatifs aux entreprises. Abdessamad Issami, président du Directoire de Umnia Bank, qui a fait une entrée fracassante sur le marché au lancement, adopte lui aussi les mêmes éléments explicatifs, refusant de se cacher derrière les obstacles.

Pour lui, il est normal d'assister à des tensions au démarrage : «Il ne faut pas oublier que notre quotidien est de recruter des clients, dont une bonne partie est déjà bancarisée auprès d'un réseau conventionnel qui a bien équipé ses clients. Cela prend du temps, d'autant plus que notre réseau bancaire est jeune».

Dans un marché où le réseau est le principal point de contact avec le client, il faut dire que les 150 agences des banques participatives au Maroc ne font pas le poids devant les presque 7.000 agences détenues par les banques conventionnelles. «Notre industrie continue d'étendre son réseau et est de plus en plus visible. C'est ce qui nous permet d'afficher une croissance rapide de la clientèle», assure-t-il.

Mieux informer

Youssef Baghdadi, président du Directoire de Bank Assafa, actuel leader du marché, insiste sur le volet communication pour élargir la base de clientèle épargnante, et donc réduire les tensions sur les ressources. Il invite, à l'occasion de cette conférence, les clients et prospects à entrer en contact avec les banques participatives pour connaître la réelle valeur ajoutée des banques participatives et l'étendue de leur offre. «La banque participative offre tous les services bancaires classiques, avec plusieurs avantages pour les clients particuliers», note-t-il.

D'ailleurs, il explique que les dépôts ont augmenté de 30% en 2020, malgré le contexte que nous avons traversé, grâce à la prise de conscience progressive des clients. Il se félicite de la résilience du secteur et souhaite que l'ensemble des acteurs du marché se positionnent comme des banques qui accompagnent les clients au quotidien et non des sociétés de financement. Par ailleurs, Abdessamad Issami balaie également du revers de la main les arguments relatifs au prix.

Les banques participatives ayant été taxées de banques chères au démarrage, force est de constater que l'encours des financements montre que beaucoup de clients y trouvent leur compte. En revanche, Issami avoue qu'il y a encore un effort à faire au niveau de la promotion. Le grand public ne connait pas encore convenablement le secteur et le patron de Umnia Bank avance pour cela un argument de budgets, qui restent limités pour une industrie financière naissante.

Un gap de liquidité

Outre le gap de ressources que les trois leaders du marché expliquent principalement par l'effet âge, Abdessamad Issami évoque un effet de liquidité : les emplois des banques participatives sont à 86% orientés immobiliers, alors que moins de 7% sont alloués à l'équipement des particuliers et 7% pour l'équipement industriel. «Quand on calcule la duration de nos emplois, nous obtenons le double de la duration du portefeuille des banques conventionnelles, ce qui crée des tensions de liquidité», fait-il remarquer.

Si les trois leaders participatifs du marché au Maroc ne s'avouent pas vaincus face à la situation, ils concèdent néanmoins que pour le moment, les moyens de combler les gaps de ressources ou de liquidité ne sont pas encore là. Ils réclament des outils de marché pour pallier ces creux de liquidité, à l'image des émissions obligataires ou un marché interbancaire dédié. Mais même si un marché interbancaire se mettait en place pour compléter le développement des sukuks, de la wakala bil istitmar et des dépôts d'investissement, ces instruments ne pourraient résoudre que des problématiques de financement à court terme.

Reste le sujet de l'orthodoxie des financements à long terme avec les emplois à long terme. Ici, les banquiers participatifs devront faire appel au marché obligataire et à la titrisation sous contrainte, avec notamment le Sukuk Ijara. Selon Issami, l'ensemble des banques participatives, si elles décident de se regrouper, ont un potentiel d'émission ne dépassant pas les 100 MDH de Sukuk Ijara, ce qui est faible.

Selon les opérateurs, des Sukuks d'investissement et des Sukuks de financement sont en train d'être instruits auprès des autorités pour faciliter les financements à long terme. Et, quoi qu'il en soit, le salut ne viendra que du marché des capitaux, en premier, et du développement des dépôts à vue, en second.

 

 

 

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