Fitch Ratings prévoit une amélioration des bénéfices des banques marocaines en 2024.
Elle s'attend également à ce que le coût du risque reste globalement stable à 110 points de base en 2023-2024.
Par Y. Seddik
Au cours du premier semestre de 2023, les banques marocaines ont continué à afficher une reprise solide de leur rentabilité, atteignant des niveaux record de bénéfices nets. Cette performance positive a été soutenue par des marges opérationnelles favorables, bien que des charges de dépréciation élevées aient tempéré une amélioration encore plus significative. Toutefois, la tendance positive devrait se maintenir au second semestre de 2023 et en 2024, grâce à des taux d'intérêt plus élevés et à la croissance du portefeuille de prêts.
Selon une récente analyse de Fitch Ratings, les sept plus grandes banques du Maroc ont enregistré une augmentation de 28% de leur bénéfice net agrégé au premier semestre 2023. Cette croissance a été stimulée par des revenus plus élevés, notamment une hausse de 7% du produit net bancaire, résultant de taux d'intérêt sur les prêts atteignant leurs niveaux les plus élevés depuis 2017.
Un facteur clé de la résilience des banques marocaines face aux défis économiques a été leur solide assise de financement, largement alimentée par des dépôts bon marché en comptes courants et en épargne, qui représentent 77% des dépôts du secteur à la fin du troisième trimestre 2023. En revanche, il est important de noter que la réévaluation des actifs est plus lente que dans de nombreux marchés émergents, en raison des maturités relativement longues, ce qui a contribué à freiner l'amélioration. Malgré cela, l'inflation en baisse et les mesures visant à réduire les coûts devraient contribuer à réduire davantage les ratios coûts/revenus.
Le ratio moyen des sept plus grandes banques est passé à environ 45% au premier semestre 2023, par rapport à environ 50% en 2022. Les charges de dépréciation annuelles des banques ont augmenté de 18% au premier semestre 2023 par rapport à l'ensemble de l'année 2022, portant le coût annuel moyen du risque à 110 points de base des prêts bruts. Toutefois, malgré cette augmentation, le ratio moyen des prêts en étape 3 est resté stable à 9,6%, le ratio moyen des prêts en étape 2 a légèrement augmenté à 8,6%, et le ratio moyen des charges de dépréciation par rapport au bénéfice opérationnel préalable à la dépréciation s'est amélioré, atteignant 31% au premier semestre 2023.
Ces charges de dépréciation accrues ont été principalement dues à la provision pour le risque lié à la qualité des actifs, résultant de l'inflation élevée, de la hausse des taux d'intérêt et de la croissance modeste du PIB réel au Maroc. De plus, les banques panafricaines ont renforcé leurs provisions pour refléter les risques accrus liés à certaines de leurs opérations ailleurs en Afrique. Malgré la dynamique positive, il convient de noter que Fitch a récemment abaissé la note de plusieurs pays où l'une ou plusieurs des banques marocaines opèrent, tels que l'Égypte, l'Éthiopie, le Ghana, le Kenya et la Tunisie. Cette décision a eu un impact sur la perception des risques dans ces pays, incitant les banques à renforcer leurs provisions pour faire face à ces défis.
La normalisation des charges de dépréciation vers les niveaux de 2019, que l'on prévoyait d'atteindre d'ici la fin de 2023, prendra probablement plus de temps en raison des incertitudes économiques mondiales accrues et des risques élevés dans certains pays d'Afrique. La croissance du PIB réel au Maroc devrait atteindre en moyenne 3,3% en 2024-2025, mais l'inflation et les taux d'intérêt resteront élevés, ce qui exercera des pressions sur la solvabilité des emprunteurs. Les éventualités de croissance plus faibles que prévu dans la zone Euro ou de maintien de prix de l'énergie et des denrées alimentaires élevés pourraient peser sur les prévisions.
Néanmoins, malgré ces défis, le ratio moyen de rentabilité des fonds propres annualisée (ROAE) des banques est passé à 10,8% au premier semestre 2023, par rapport à 8,7% en 2022. On s'attend à une amélioration continue en 2024, bien que des charges de dépréciation persistantes pourraient freiner une reprise plus vigoureuse. Dans l'ensemble, la résilience des banques marocaines face à un environnement économique complexe et en évolution démontre leur capacité à s'adapter et à prospérer, tout en restant exposées à des défis importants. Mais la vigilance reste de mise.