En décidant d’abaisser le taux directeur de 0,25% à 2,25%, Bank Al-Maghrib tente d’apporter son soutien à l’activité économique qui devrait connaître une année particulièrement difficile, avec une croissance qui n’excédera pas 1%. La Banque centrale tente également, par tous les moyens, de relancer le crédit bancaire, en impliquant banques, patronat et gouvernement.
Premier Conseil de l’année de Bank Al-Maghrib et premier coup de pouce à l’activité économique, avec la réduction de 25 points de base à 2,25% du taux directeur. Il faut dire que cette décision est assez logique au vu de la révision à la baisse des prévisions de croissance établies par la Banque centrale. Celle-ci table sur une progression du PIB de seulement 1% en 2016, conséquence du fort recul de la valeur ajoutée agricole. «D’après nos nouveaux modèles d’analyse et de prévision, la campagne agricole ne devrait pas dépasser les 38 millions de quintaux», explique Abdellatif Jouahri, Wali de BAM, lors de son habituel point de presse post-Conseil. Et ce, au moment où la valeur ajoutée non agricole continue de progresser de façon limitée (2,9% en 2016).
Cette baisse du taux directeur a été rendue possible par l’absence de pression inflationniste, précise le gouverneur de BAM, que ce soit sur le plan interne ou le plan externe. Ainsi, après un taux de 0,4% en 2014, de 1,6% en 2015, le taux d’inflation devrait retomber à 0,5% en 2016, selon les prévisions. Par ailleurs, il n’y a pas de risque d’inflation importée compte tenu de la situation aux USA et, surtout, en Europe. «Le revers de la médaille, précise Jouahri, c'est que la faible demande extérieure adressée au Maroc pèse sur l’activité économique». Par ailleurs, l’amélioration considérable des réserves de change de plus d’un mois, la baisse des déficits publics (les 3% de déficit budgétaire seront atteints en 2017) ainsi que l’atonie du crédit, sont autant de facteurs qui justifient la décision de baisser les taux.
Les paradoxes du crédit
La faiblesse du crédit bancaire justement, notamment celui destiné aux entreprises non financières, reste une épine dans le pied de la Banque centrale qui cherche par tous les moyens à le relancer. L’année 2015 aura été particulièrement désastreuse pour le crédit au secteur non financier (c’est-à-dire à l’économie réelle) qui n’a crû que de 0,4% (la Banque centrale anticipe une légère reprise du crédit de 2,5% en 2016). Situation paradoxale où les dépôts bancaires flambent (+7% pour les dépôts à vue et +11% pour les dépôts à terme), et où la liquidité bancaire devrait devenir excédentaire en 2016, et ce pour la première fois depuis 2007. «Concrètement, cela signifie que les banques n’auront plus à recourir aux avances de la Banque centrale».
Autre paradoxe, et non des moindres, la baisse sensible des taux débiteurs appliqués par les banques n’a pas eu d’effet significatif sur la relance du crédit aux entreprises. Curieuse situation où l’argent n’a jamais été aussi bon marché et les crédits jamais aussi faibles. Comme l’explique le Wali de BAM, les efforts menés par la Banque centrale pour faciliter la transmission monétaire ont porté leurs fruits depuis les deux baisses successives de 25 pbs du taux directeur décidées fin 2014. «Les taux débiteurs ont baissé de 60 pbs, dépassant les deux baisses successives du taux directeur», se félicite-t-il. Mais il reconnaît que ce n’est pas suffisant pour relancer la machine. Il y a d’autres freins qu’il faut identifier clairement.
C’était d’ailleurs l’objet de la réunion tripartite entre BAM, le patronat et les banques, en début d’année 2016, pour tenter de dépasser cette situation. «Pratiquement, toutes les fédérations de la CGEM étaient présentes. Et parmi les points importants qui ont été relevés, figure celui du délai de paiement», souligne le gouverneur. «Il s’agit non pas seulement des retards de paiement entre l’Etat et le privé, mais aussi ceux interentreprises. On parle de milliards de DH. D’ailleurs, nous sommes en train de préparer un mémorandum à l’attention du gouvernement pour essayer de cerner ces chiffres et voir comment on peut avoir un reporting régulier», annonce-t-il. BAM a également convenu avec les banques de communiquer à leurs clients la notation de leur dossier de crédit, et à signer avec un deuxième Crédit bureau avec une offre de services plus large. Jouahri veut également savoir si la décélération du crédit n’a pas d’autres sources a priori moins évidentes. «Y a-t-il des entreprises qui versent dans l’informel ? Est-ce que les années électorales n’amènent pas un certain attentisme des affaires ?», s’interroge-t-il. «Je n’ai pas d’éléments d’appréciation, je me pose juste la question car il est nécessaire que nous allions tous plus en avant dans l’analyse», conclut-il.
Amine El Kadiri