Mounim Zaghloul, président de l’Institut des auditeurs internes (IIA) du Maroc
Le Maroc accueille la 5e Conférence africaine de l’audit interne. Mounim Zaghloul, président de l’Institut des auditeurs internes (IIA) du Maroc, nous parle de cette édition. Il évoque aussi les écarts de pratique entre secteur public et privé au Maroc.
Finances News Hebdo : Quel sera le thème de cette édition ?
Mounim Zaghloul : Nous avons l’honneur d’organiser cette année la 5ème Conférence internationale de la Fédération africaine des instituts auditeurs internes, sous le thème «L’audit interne et les approches intégrées au service de la gouvernance et de la performance».
Cette conférence s’inscrit dans le cadre de la stratégie de l’Institut des auditeurs internes, visant à accompagner les chantiers structurants lancés au Maroc pour la consécration de l’Etat de droit, la moralisation de la vie publique, aussi bien sur le plan local que national, et la consolidation des principes de bonne gouvernance, à travers la dotation des organismes publics et privés marocains de professionnels de l’audit interne hautement qualifiés.
Elle intervient également dans une conjoncture où l’ancrage de la culture de bonne gouvernance, de la redevabilité et la réflexion sur les nouveaux modèles de développement sont au cœur des priorités des politiques publiques en Afrique. Les approches intégrées, grâce à un certain nombre de référentiels comme le COSO ERM 2017, le modèle des Trois lignes de défense, ou le KING IV, offrent plus de chance aux stratégies à la fois nationale et sectorielle, mais aussi au niveau des entreprises de réussir à travers un leadership éthique, tout en étant orientées vers la quête de la performance et l’efficacité des dispositifs de contrôle.
F.N.H. : Quel est le rôle de l'audit interne dans l'entreprise privée ? Est-ce la même chose dans les organisations publiques ?
M. Z. : La maturité du système de gouvernance, y compris l’audit interne, est souvent plus avancée pour les entreprises privées, eu égard à l’arsenal réglementaire et législatif, mais aussi à la pression exercée par le marché des capitaux qui exige une grande transparence ainsi qu’un renforcement des dispositifs de gouvernance et de contrôle.
Nous constatons aussi que les secteurs les plus avancés sont ceux fortement régulés, tels que le secteur bancaire qui est marqué par le renforcement des dispositifs de gouvernance et de contrôle grâce aux directives et circulaires émises par le régulateur Bank Al-Maghrib. Sur ce registre, des fonctions obligatoires comme la gestion des risques, la conformité, le contrôle permanent sont créées en tant que fonctions de seconde ligne de maîtrise et doivent coordonner leurs activités avec l’audit interne en tant que 3ème ligne de maîtrise.
Concernant le secteur public, le rôle de l’audit interne s’est amélioré ces dernières années grâce à la loi 69-00 relative au contrôle financier de l'Etat sur les entreprises publiques, mais aussi grâce au Code marocain des bonnes pratiques de gouvernance des entreprises et établissements publics.
Nous fondons de grands espoirs sur le projet de loi relatif à la gouvernance et au contrôle financier de l'Etat sur les établissements et entreprises publics et autres organismes, qui vise notamment à réorienter le contrôle vers l'appréciation des performances et la prévention des risques, en plus de la vérification de la conformité, au regard de la réglementation en vigueur.
F.N.H. : Comment qualifierez-vous le développement de cette activité au Maroc et en Afrique ? Le digital a-t-il changé les pratiques ?
M. Z. : L’audit interne est considéré dans les organisations matures comme l’un des piliers de la bonne gouvernance. Il est le conseiller stratégique et de confiance des conseils d’administration et des comités d’audit, pour leur donner une assurance raisonnable sur les risques inhérents à leurs activités, sur comment améliorer la gouvernance et la performance de leurs organisations... Cette panoplie de rôles assignés à l’audit interne est assurée en général à travers l’évaluation de l’efficacité et l’efficience du système de contrôle interne, le management des risques, la réduction de l’asymétrie d’information entre l’actionnariat et le dirigeant et, partant, la protection des intérêts de l’ensemble des parties prenantes. Cette question est au cœur des modèles de développement de la fonction non seulement en Afrique, mais à l’échelle mondiale. Elle sera débattue lors du Forum de gouvernance destiné aux administrateurs, directeurs généraux et directeurs d’audit interne, le mardi 26 juin 2018, et également lors de la première journée de de la Conférence AFIIA 2018, le mercredi 27 juin 2018.
En ce qui concerne le digital, l’audit interne n’est pas épargné à son tour par cette disruption mondiale. Tout un éventail de technologies puissantes (blockchain, intelligence artificielle ou plutôt augmentée, big data, Internet des objets…) va induire un bouleversement de la pratique du métier d’audit interne. Dans ce contexte, le président de l’IIA Mondial va nous présenter lors de cette conférence l’audit en 2030, à travers une vision des principales transformations que va subir cette profession.
F.N.H. : Quels sont les défis de cette activité au Maroc ?
M. Z. : Le premier défi consiste à garantir un environnement sain pour la pratique de l’audit interne à travers le renforcement de la culture de l’éthique, de la transparence et la consolidation de la bonne gouvernance.
Le second défi à relever par l’audit interne est la transformation digitale et l’innovation. Il est primordial d’adopter une démarche agile et proactive pour accompagner pleinement les organisations, tout en s’inscrivant dans une dynamique de changement. Pour cela, la fonction de l’audit interne doit saisir les opportunités qu’offrent des outils de big data en termes de capacité de traitement des données et d’exhaustivité des contrôles, mais aussi les modèles d’analyse prédictive pour lutter contre la fraude grâce à l’intelligence augmentée et les algorithmes de machine learning, etc. Ces sujets sont à l’ordre du jour de la seconde journée de la Conférence AFIIA 2018, le jeudi 28 juin. ■
Propos recueillis par A. Hlimi