A trois mois de l’entrée en vigueur de la nouvelle circulaire de la DAPS, encadrant l’encaissement des primes et le règlement des sinistres, le ton monte d’un cran entre les intermédiaires membres de l’UMAC et l’autorité de tutelle. Le nouveau dispositif, aux yeux des agents généraux et cabinets de courtage, constitue un danger pour la profession.
Les intermédiaires et les courtiers d’assurances considèrent qu’il existe bien un malaise au sein de la profession. À l’origine de leur angoisse, une circulaire diffusée le 16 juillet dernier, par la Direction des assurances et de la prévoyance sociale (DAPS), et dont l’entrée en vigueur est prévue, au plus tard, le 31 mars 2016. À leurs yeux, ce nouveau dispositif censé encadrer la relation entre les intermédiaires et les compagnies d’assurances serait «plein d’ambiguïtés» et constitue un danger pour la profession. La circulaire, arguent-ils, soulève de nombreuses questions aussi bien en termes d’applicabilité qu’en termes de teneur juridique.
A commencer par le nouveau cadre conventionnel exigé, étant donné que la circulaire oblige les assureurs à établir des traités de nomination avec les agents et des conventions de collaboration avec les cabinets de courtage. Les membres de l’Union marocaine des agents et courtiers d’assurances émettent des réserves sur ce cadre conventionnel au regard, disent-ils, du déséquilibre caractérisant le rapport de force vis-à-vis des compagnies d’assurances. En clair, l’UMAC réclame l’adoption d’un «traité de nomination type» pour les agents, approuvé d’un commun accord entre l’administration, les compagnies d’assurances et l’association la plus représentative des intermédiaires. Un benchmark à l’international confirmera que c’est une mesure minimale pour préserver un équilibre de pouvoirs dans la relation compagnie/agent sous l’oeil bienveillant de l’autorité de tutelle.
Dualité !
Mais la grande nouveauté apportée par la circulaire reste celle donnant aux compagnies le choix ou non de confier aux intermédiaires la possibilité d’encaisser les primes et/ou régler les sinistres en leur nom. En effet, stipule l’article 4 de ladite circulaire, lorsque l’intermédiaire n’est pas habilité à encaisser les primes au nom d’une entreprise d’assurances et de réassurances, le paiement de la prime ne peut être effectué que par chèque barré et non endossable libellé au nom de la compagnie d’assurances. Cette mesure, soutient l’UMAC, déboucherait sur un système dual : une partie du réseau (notamment les agents généraux) encaisserait entre les mains des compagnies d’assurances et une seconde partie qui continuerait à reverser les primes encaissées comme c’est le cas aujourd’hui. Reste maintenant à savoir, s’interrogent les membres de l’UMAC, comment sauvegarder les droits des intermédiaires face à des compagnies qui peuvent manifester un abus de position dominante. Puis, ajoute-t-on, comment peut-on préserver le réseau de proximité (agents et courtiers) si de gros intermédiaires disposant de moyens financiers puissants peuvent accorder des facilités de paiement à leur clientèle. A suivre l’argumentaire de l’UMAC, l’application de la nouvelle circulaire aura pour conséquence la naissance d’un réseau de distribution à deux vitesses : une catégorie d’intermédiaires serait traitée selon des conditions bien négociées et confortables et une autre catégorie, fragile sous l’effet de nouvelles contraintes, condamnée tôt ou tard à disparaître. D’autant que les traités de nomination et les conventions de collaboration qui fixeront les conditions d’encaissement, de reversement et de gestion des sinistres seront négociés au cas par cas. Les intermédiaires s’attendent à un manque à gagner du fait que la nouvelle circulaire suppose que les assurés sont tous bancarisés, dans la mesure où, pour les intermédiaires non habilités à encaisser, les primes seront réglées par chèque barré non endossable au nom des compagnies. Les membres de l’UMAC pointent du doigt également les procédures d’encaissement, d’émargement et de reversement, jugées lourdes, très compliquées et très contraignantes. On reproche également à la nouvelle circulaire le fait de ne pas évoquer le problème du solde impayé des assurés, lequel pèse lourdement sur la trésorerie des intermédiaires. Sur ce point précis, la DAPS dit ne pas avoir vocation à interférer dans la relation liant les intermédiaires aux assurés, quoiqu’elle se montre prête à traiter les grands dossiers conflictuels, au cas par cas. En revanche, rassure-t-on auprès de la DAPS, ce problème d’arriérés ne se reproduira plus de la même ampleur, étant donné que le nouveau dispositif a nettement réduit la durée probable des arriérés de paiement. En effet, l’article 5 de ladite circulaire oblige les intermédiaires à déclarer les primes encaissées dans un délai de dix jours. Mieux, la prime est considérée encaissée totalement lorsque les intermédiaires d’assurances accordent des facilités de paiement de leur propre initiative. Ces derniers sont également tenus, avant de délivrer une attestation d’assurance, de vérifier les antécédents afférents aux incidents de paiement dans une application adossée à la Fédération marocaine des sociétés d’assurances et de réassurances.
Wadie El Mouden