L’Organisation africaine des assurances (OAA) déploie depuis des années des efforts pour doter le marché africain de capacités supplémentaires afin de faire face à des risques consistants. Le point avec Bachir Baddou, président du comité d’organisation de l’OAA et DG de la FMSAR.
Finances News Hebdo : Pouvez-vous nous brosser brièvement la genèse de l’OAA ?
Bachir Baddou : L’OAA est un événement qui a été créé il y a longtemps déjà, dans l’esprit de fédérer les entreprises d’assurances et de réassurance africaines au sein d’une seule organisation qui a un objectif scientifique. Ce qu’il faut savoir, c’est que cette organisation mène réellement des travaux de recherche. En son sein, il y a un secrétariat permanent qui, tout au long de l’année, anime des groupes de travaux. Actuellement, l’OAA mène une étude visant à voir comment doter le marché africain de l’assurance de capacités supplémentaires pour faire face, par exemple, à des risques catastrophiques. Par ailleurs, elle lance un Observatoire sur un certain nombre d’indicateurs et de chiffres sur le marché africain de l’assurance. Mieux encore, l’OAA pilote des pools dont le principe est de mettre en place des capacités financières pour couvrir certains dommages assez consistants, et qui peuvent difficilement être couverts par un assureur. Nous pouvons citer à titre exemple le pool aviation et le pool énergie. C’est dire qu’il s’agit d’une institution qui réunit toutes les sociétés d’assurances et de réassurance du continent et, partant, aide l’industrie africaine à progresser et à se développer.
F.N.H. : L’industrie d’assurance africaine souffre de multiples maux. Quels types de stratégies faut-il mettre en place pour les éradiquer ?
B. B. : Honnêtement, je dis toujours lorsque l’on parle de l’assurance africaine qu’il n’y a pas une Afrique ou deux. L’Afrique est plurielle à cause des différences entre les pays. A titre d’exemple, l’Afrique du Sud représente plus de 70% de l’assurance du continent. C’est énorme ! Le Maroc, à son tour, n’est pas logé à la même enseigne que les autres pays et son taux de pénétration est de 3,2%. Sachant que pour l’Afrique dans son ensemble (hors Afrique du Sud), ce taux est inférieur à 1%. Donc, Il n’y a pas une solution pour l’Afrique, mais différentes solutions en fonction du pays auquel on s’adresse.
Ainsi, il y a des pays qui doivent instaurer quelques obligations d’assurance. Certes, on y trouve l’assurance automobile qui est tout à fait normale. Mais, il y a d’autres assurances de responsabilités qui devront devenir obligatoires, non pour donner du business au secteur, mais surtout pour protéger les tiers. Il faut que les professions à risques couvrent leur responsabilité civile. Par exemple, au Maroc, on a déjà mis en place quelques obligations pour les architectes, les notaires et bientôt pour les médecins et les cliniques. Il faut donc rendre quelques assurances obligatoires en Afrique.
L’amélioration du pouvoir d’achat va également tirer vers le haut le développement de l’assurance.
Un autre point mérite d’être souligné : l’Afrique manque de ressources humaines bien formées aux techniques de l’assurance. Il est donc impératif de développer ce levier qui est très important pour cette industrie.
Mais cela n’empêche pas de dire que l’assurance en Afrique connait une véritable dynamique et évolue plus vite que la croissance économique.
F.N.H. : De nouveaux risques émergent aujourd’hui : cybercriminalité, produits connectés, terrorisme… Comment notre continent pourra-t-il se prémunir contre les nouveaux risques sachant qu’il éprouve des difficultés à faire face aux risques traditionnels ?
B. B. : Je l’ai dit dans mon allocution en faisant un clin d’oeil au rendez-vous de Casablanca, puisque cette année, c’était la thématique.
Dans mon allocution, je n’ai volontairement pas parlé de cybercriminalité, d’objets connectés… J’ai plutôt parlé de risques qui ne sont pas liés à un certain stade de développement, mais à des risques auxquels sont réellement exposés bon nombre de pays africains. Il s’agit essentiellement de ceux liés aux changements climatiques ou encore ceux liés à certaines pandémies. Il y a des solutions assurantielles pour ce type de risques. Le défi est par contre de mettre en place des couvertures accessibles aux individus et aux entreprises.
Toutefois, quand vous posez la question aux individus sur leur besoin premier en matière de couverture, ils vous répondent en 1er lieu l’assurance santé et, dans une moindre mesure, la retraite. Dans ces pays, il faut essentiellement travailler les risques de base.
DNES à Marrakech Soubha Es-siari