Le large pouvoir d’appréciation des inspecteurs des impôts, du fait de la loi et de l’opacité des textes fiscaux, génère de fâcheuses conséquences pour le fisc.
Le contrôle fiscal souffre de plusieurs insuffisances liées, entre autres, à l’imprécision des critères de programmation des missions de contrôle.
Par M. Diao
L’administration fiscale fait office de modèle en matière de digitalisation et de dématérialisation des procédures administratives. Et ce, au bénéfice des contribuables et de la performance des services publics. Cette stature d’administration modèle est aujourd’hui entachée par plusieurs manquements révélés par le nouveau rapport annuel de la Cour des comptes. Il met en exergue plusieurs dysfonctionnements et irrégularités en lien avec la gestion des recettes de l’administration fiscale.
«En matière de gestion de l’assiette fiscale, le service compétent… ne réalise pas le recensement annuel de manière régulière et ne dispose pas des situations exhaustives des redevables qui ont failli à l’obligation de la déclaration fiscale. En outre, les procédures de relance et de taxation d’office des redevables récalcitrants ne sont pas appliquées dans les délais règlementaires», constate la juridiction financière.
Interrogé sur ce point, Hicham Mouchir, expert-comptable, abonde dans le sens de la Cour des comptes, dont le capital humain a été renforcé récemment grâce aux nouvelles nominations royales.
«En tant que praticien en contact avec l’administration fiscale, je peux affirmer que les remarques et observations de la Cour des comptes ont le mérite d’être objectives. L’institution a été franche», confie l’expert-comptable, qui pointe du doigt le flou existant en matière de contrôle fiscal. D’ailleurs, le rapport mentionne en substance que «le contrôle fiscal souffre de plusieurs insuffisances liées au manque de traçabilité et de documentation des diligences et des mesures prises lors de l’application de la révision fiscale, ainsi qu’à l’imprécision des critères de programmation des missions de contrôle fiscal, qui doit découler du système d’analyse des risques». «De même, plusieurs décisions sont prises à titre individuel, au lieu de recourir à des décisions écrites et justifiées, appuyées par des procès-verbaux et des notes explicatives émanant de comités ou commissions dédiés», lit-on dans le même document.
Les conséquences du sous-effectif
Notre interlocuteur explique que même pour les praticiens (experts-comptables, comptables, entreprises), il demeure toujours ardu de cerner les critères objectifs sur lesquels le fisc, doté d’un système d’analyse des risques, se base pour dresser la liste des contribuables soumis au contrôle fiscal. «Les contribuables les plus contrôlés sont généralement les entreprises qui présentent des bilans et des déclarations fiscales conformes», confie Hicham Mouchir. Ce dernier fustige le large pouvoir d’appréciation des inspecteurs des impôts du fait de la loi et de l’opacité des textes fiscaux. Une telle donne ferait le lit du foisonnement des interprétations arbitraires des dispositions réglementaires.
D’ailleurs, 50 à 60% des décisions de redressement, tributaires de l’appréciation des inspecteurs, génèrent des contentieux fiscaux. En matière de recouvrement des créances douteuses, la Cour a relevé le manque de bases de données retraçant de manière exhaustive les accords conclus ainsi que les phases de leur exécution, en vue d’assurer le suivi du recouvrement (condition suspensive de l’accord). De plus, certains accords sont conclus par des personnes appartenant à des niveaux hiérarchiques différents, au lieu de les conclure dans le cadre de comités ou commissions dédiés. D’ailleurs, bon nombre de fiscalistes prônent le recours systématique à des comités dédiés, ce qui permettrait de limiter le nombre des décisions arbitraires et donc des contentieux fiscaux.
Ceci dit, il convient de préciser que certains griefs mis en exergue par le rapport traduisent quelque part le manque d’effectif, pourtant nécessaire par exemple pour assurer le suivi dans plusieurs domaines clefs et l’identification ainsi que la mise à jour de l’assiette fiscale.
«L’administration fiscale a besoin de ressources humaines bien formées et en quantité suffisante», soutient notre interlocuteur. Ce dernier ne manque pas de rappeler l’impératif pour le fisc de mettre l’accent sur l’audit interne. Une pratique permettant de s’assurer de la légalité des procédures, des décisions et des systèmes mis en place.