Finances News Hebdo : Depuis 2014, l'IECD Maroc a déployé bon nombre de projets en faveur de l’entrepreneuriat. Pouvez-vous nous donner un aperçu des principales initiatives lancées au fil des ans ? Quel bilan tirez-vous de ces actions jusqu'à présent ?

Nabil Jadri : Effectivement, depuis 2014, l'IECD Maroc a mis en place plusieurs initiatives majeures pour promouvoir l'entrepreneuriat dans le pays. Parmi les projets phares que nous avons développés, figure notamment le programme Vers un nouveau départ (VND), visant à accompagner les femmes entrepreneures dans la province de Chichaoua. Notre objectif est de contribuer à la relance économique en offrant des formations, un soutien technique et des ressources pour renforcer leur activité économique. En matière d’accompagnement des petites entreprises (APE), nous avons soutenu, en partenariat avec l’INDH et l’Association des jeunes (qui gère cinq plateformes de jeunes à Casablanca), les entrepreneurs financés par l'INDH durant la phase post-création. Ce soutien inclut des conseils pratiques et un accompagnement continu pour assurer une transition réussie vers la gestion autonome de leur entreprise. Nous avons en outre lancé, juste après le séisme d’Al Haouz, le programme AMEAL, à travers lequel nous avons proposé des formations, un soutien matériel technique et psychologique, et un accompagnement pour relancer les activités économiques, particulièrement des femmes de la région. Récemment, nous avons lancé le projet «AJEE» au niveau de la région de Drâa-Tafilalet, en vue de soutenir les jeunes hommes et femmes dans leur parcours entrepreneurial. Ce programme innovant inclut du coaching, du mentorat par des experts et l’achat de matériel pour aider les entrepreneurs à concrétiser leurs projets. En termes de bilan, nous constatons un impact significatif sur les bénéficiaires de ces programmes. Les retours sont globalement très positifs, avec de nombreux entrepreneurs qui ont réussi à établir des business viables, générer de l'emploi et contribuer à l'économie locale. Nos actions ont non seulement aidé à la création de business, mais ont également renforcé la résilience économique des communautés touchées par des crises.

F.N.H. : Les projets lancés par l’IECD Maroc ciblent principalement les microentrepreneurs et les TPE. Quelles sont les principales difficultés auxquelles ces acteurs sont confrontés ? Comment votre organisation les aide-t-elle à les surmonter ?

N. J. : Les micro-entrepreneurs et les très petites entreprises (TPE), que nous appelons dans notre jargon les «entrepreneurs de nécessité», rencontrent plusieurs difficultés majeures dans leur développement. Il s’agit tout d’abord de l’accès au financement. En effet, beaucoup d'entrepreneurs de nécessité ont du mal à accéder à des financements adéquats pour lancer ou développer leur activité. Les exigences de crédit et les conditions de financement peuvent constituer un obstacle important. Aussi, les entrepreneurs manquent souvent de formation en gestion d'entreprise, ce qui limite leur capacité à gérer efficacement leurs opérations et à prendre des décisions stratégiques. À cela s'ajoutent également la concurrence intense et la difficulté à accéder aux marchés qui peuvent freiner la croissance des entrepreneurs, notamment ceux qui n’ont pas les moyens de se faire connaître ou de distribuer leurs produits. L’autre difficulté concerne la gestion administrative et réglementaire. Ainsi, les formalités administratives et les réglementations peuvent être complexes et décourageantes, surtout pour les petites structures qui n'ont pas les ressources nécessaires pour se conformer à toutes les exigences. Pour aider à surmonter ces obstacles, l'IECD Maroc met en œuvre plusieurs stratégies. D’abord, nous offrons un soutien en formation et un accompagnement personnalisé pour aider les entrepreneurs à élaborer des plans d'affaires solides, à accéder aux financements et à gérer leurs opérations efficacement. Aussi, nous fournissons un mentorat et un coaching continus pour guider les entrepreneurs dans leurs défis quotidiens et leur offrir des conseils pratiques. Outre cela, nous aidons les entrepreneurs de nécessité à accéder à du matériel technique et à des ressources qui facilitent leur activité et améliorent leur compétitivité. Ces initiatives ont pour but de renforcer les capacités de ces entrepreneurs, de leur offrir les outils nécessaires pour réussir et de favoriser un environnement plus propice à leur développement.

F.N.H. : Quelle lecture faites-vous de l’évolution du paysage entrepreneurial marocain et quel rôle l'État, les institutions financières et les autres acteurs de l'écosystème entrepreneurial devraient-ils jouer pour mieux accompagner les TPE marocaines ?

N. J. : L’évolution du paysage entrepreneurial marocain a été marquée par plusieurs changements significatifs. Au cours de ces dernières années, le pays a connu une croissance notable du nombre d'entrepreneurs, en particulier dans les segments des micro-entreprises et des TPE. Cette expansion est soutenue par une prise de conscience accrue des opportunités entrepreneuriales et des politiques du gouvernement encourageant les jeunes à entreprendre. L'État a mis en place diverses initiatives pour soutenir l'entrepreneuriat, telles que les subventions de l'INDH, Forsa, Intelaka, ainsi que des programmes de formation et des facilités administratives comme le statut d'autoentrepreneur ou le statut Saleem de l'entrepreneur étudiant, récemment officialisé. Cependant, il est essentiel de renforcer ces initiatives pour qu'elles répondent mieux aux besoins spécifiques des TPE. Bien que des efforts aient été faits pour améliorer l'accès au financement, de nombreux entrepreneurs, notamment les plus jeunes ou ceux dans les zones rurales, rencontrent encore des difficultés. Les institutions financières doivent travailler à rendre le financement plus accessible et adapté aux besoins des TPE. Sans oublier que le développement de l'innovation et des compétences est crucial pour la compétitivité des TPE, raison pour laquelle les partenaires privés et les organisations de soutien doivent intensifier leurs efforts pour fournir des formations adaptées et favoriser l'innovation. Le rôle de l'État, des institutions financières et des autres acteurs de l'écosystème entrepreneurial est essentiel pour accompagner les TPE marocaines. L'État doit continuer à promouvoir des politiques favorables à l’entrepreneuriat, en simplifiant les procédures administratives, en offrant des incitations fiscales et en soutenant des programmes de formation adaptés aux besoins des TPE. De leur côté, les institutions financières doivent diversifier leurs offres de financement pour inclure des produits adaptés aux TPE, offrir des conditions plus souples et accompagner les entrepreneurs dans la gestion de leurs finances. D’autres acteurs, tels que les incubateurs et les associations, jouent également un rôle crucial en offrant des services de mentorat, des formations et des opportunités de mise en réseau. Ils doivent renforcer leur soutien pour aider les entrepreneurs à surmonter les obstacles et à se développer de manière durable. En somme, une collaboration renforcée entre l'État, les institutions financières et les autres acteurs est nécessaire pour créer un environnement entrepreneurial plus inclusif et favorable aux TPE, stimulant ainsi la croissance économique du Maroc.

F.N.H. : Comment l'IECD Maroc prévoit-il de renforcer son soutien aux TPE et aux micro- entrepreneurs dans les années à venir ? Y a-t-il de nouveaux projets ou partenariats en cours de développement ?

N. J. : L'IECD Maroc est pleinement engagé à renforcer son soutien aux TPE et aux micro-entrepreneurs afin de favoriser leur croissance et leur pérennité. Pour ce faire, nous avons plusieurs axes de développement et de nombreux projets sont en cours. Tout d’abord, nous prévoyons d'élargir les programmes existants. Cela inclut l'amélioration des services d'accompagnement, l'intensification des formations et l'expansion de notre réseau de mentors pour offrir un soutien plus complet. De surcroît, de nouveaux projets sont en cours de développement. Nous envisageons de lancer des initiatives pour encourager l'innovation et le développement de produits, avec des formations spécialisées et des programmes de soutien pour les startups technologiques et innovantes. En outre, nous prévoyons de collaborer avec des institutions financières pour créer des solutions de financement adaptées aux besoins spécifiques des TPE et des micro entrepreneurs, notamment par le biais de fonds d'investissement et de crédits à faible taux d'intérêt. Nous travaillons également à établir des partenariats avec des acteurs clés de l'écosystème entrepreneurial, y compris les conseils régionaux, les centres régionaux d'investissement, l'Anapec, les universités, des associations professionnelles et des entreprises, pour renforcer notre réseau de soutien et offrir des opportunités de mise en relation et de collaboration. Il est également prévu de développer des initiatives spécifiques pour soutenir les entrepreneurs dans les zones rurales et les régions éloignées, afin de stimuler le développement économique local et créer des emplois, tout en tenant compte des spécificités culturelles de chaque région. In fine, nous mettrons en place des outils numériques pour faciliter l'accès aux services d'accompagnement, de formation et de financement et offrir un soutien à distance aux entrepreneurs. Ces initiatives visent à créer un environnement plus favorable et dynamique pour les TPE et les micro-entrepreneurs au Maroc. Nous sommes déterminés à continuer d'adapter et de renforcer nos actions pour répondre aux défis évolutifs et aux besoins des entrepreneurs de nécessité marocains.